S.O.S. Bonheur : saison 2, volume 1

© Aire Libre / Dupuis

Et si… Et si le gouvernement nous imposait nos vacances ? Et si les pouvoirs publics nous obligeaient à nous enregistrer sur des rôles cadenassés pour pouvoir bénéficier d’une assurance maladie ? Et si l’écriture devenait étatique, jugulée, encadrée, incapable de s’émanciper hors des murs d’une pensée dirigée ? Et si George Orwell et Jean Van Hamme avaient raison ?

En 1988, Jean Van Hamme et Griffo visitent le futur et les Éditions Dupuis créent la collection Aire Libre. L’opportunité pour l’éditeur de se défaire de son image de producteur d’ouvrages destinés à la seule jeunesse. C’est une réussite. Les histoires courtes de la collection sont littéraires, adultes, inspirées. Par l’actualité, par l’histoire, par le(s) futur(s). Jean Van Hamme avait eu pour projet de porter S.O.S. Bonheur sur les écrans de télévision. C’est par la bande dessinée que ses sept fables courtes prendront vie, au long de trois albums mis en images par Griffo, alors transfuge du Lombard.

 

S.O.S. Bonheur ou la vision d’un avenir codifié, de lendemains qui déchantent : la démocratie y est mise à mal par un régime qui, sous couvert de se faire l’ennemi et l’antithèse des gouvernances passées, impose un totalitarisme consenti. La société a désormais banni les sentiments humains des cœurs des citoyens qui ne seraient pas assez intelligents pour pouvoir contrôler leurs émotions, leurs envies, leurs aspirations. Liberté de pensée, création, créativité… autant d’ennemis potentiels de l’intérêt commun, de la paix, de l’ordre établi. L’ancien système qui menait à l’anarchie parce que l’individu lambda serait incapable de se prendre en charge, inapte à reconnaître son bonheur si on ne le lui montre pas le chemin à suivre, a été remplacé par un état totipotent.

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Trente ans après la parution initiale et dix ans après l’édition d’une intégrale regroupant les sept histoires originales, Stephen Desberg et Griffo signent en novembre prochain une saison 2 qui promet d’apparier futur glaçant et réalités contemporaines : il y est en effet question « d’un monde régi par les penseurs d’extrême droite, un univers dominé par l’argent, les valeurs morales réactionnaires, la figure du mâle ou encore la préférence nationale »… L’injustice et l’oppression justifiées par la sauvegarde de « valeurs » collectives, les histoires croisées des personnages (écrivain officiel, dé-registrés, illegs…) soulignaient déjà les dérives potentielles de nos sociétés modernes. Si la vie régentée par l’ordre tyrannique inventé par Van Hamme faisait froid dans le dos, l’actualité et l’histoire ont depuis montré que le futur de fiction le plus improbable pouvait être bien en deçà de la dystopie la plus effrayante.

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Fable défaitiste, S.O.S. Bonheur emportait ses personnages vers des impasses obligées. Cédant à un pessimisme très années 80, Van Hamme avait achevé son cycle avec des interrogations à l’hypothétique caractère prophétique. En reprenant S.O.S. Bonheur trente après, Stephen Desberg a sans nul doute trouvé dans l’actualité matière à composer une saison 2 en réalité à peine augmentée.

A suivre…

 

 

 

 

 

 

Jean Van Hamme & Griffo, S.O.S. Bonheur Intégrale, 192 p. couleur, Aire Libre / Dupuis – Juin 2008.

Stephen Desberg & Griffo, S.O.S. Bonheur, Saison 2, Volume 1,  Aire Libre / Dupuis – à paraître le 10 novembre 2017.