Entretien avec Sylvie Kande : Le poème comme geste

Sylvie Kandé, Gestuaire © Catherine Hélie / Gallimard

« Des gestes de mort et de vie, d’extrême tendresse et de violence inouïe, qui fissurent la surface lisse et bouleversent le temps dans sa course annoncée » : tel est le pari de Gestuaire, le nouveau recueil poétique de . Offrir un espace pour collecter les différents gestes et comprendre ce que signifie l’aventure poétique, l’ambition est vaste.

L’auteure de Lagon, lagunes. Tableau de mémoire (Gallimard, 2000) et de La quête infinie de l’autre rive, Épopée en trois chants (Gallimard, 2011) signe ici son troisième recueil poétique, marqué par la violence du langage, les imaginaires coloniaux, et les aspirations à la liberté, notamment des marrons.

Puisant à de nombreuses sources d’inspiration – le jazz, le blues, le théâtre, l’archive et la mémoire de l’esclavage – ces poèmes narratifs explorent les imaginaires de la langue et la fabrique des imaginaires. Denses, concis, ces textes déploient sur la scène de la langue le théâtre des relations humaines, marqué dans le même temps et parfois de manière contradictoire, par l’amour et la haine, l’exploitation et le désir.

Dire le complexe, c’est l’une des gageures du recueil qui s’emploie à défaire les dichotomies et les oppositions binaires qui tiennent trop souvent lieu d’explication commode. Déconstruire le manichéisme, affronter ce que l’histoire dit du présent, casser l’évidence de la langue : ce sont de ces gestes dont sont faits les poèmes.

Dans La quête infinie de l’autre rive, Épopée en trois chants (Gallimard, 2011), vous vous intéressiez à la traversée de l’Atlantique par Aboubakar II et aux traces du Moyen Âge africain. Avec Gestuaire, vous continuez cette exploration d’une histoire alternative, autre, qui passe par la poésie. Comment conjuguez-vous l’écriture poétique et l’écriture de l’histoire ?

Il me semble que mon imagination s’embrase mieux au contact de l’histoire. D’ailleurs, aujourd’hui les historiens ne cherchent plus — le positivisme ayant vécu — à récuser le rôle joué par la créativité, la subjectivité ou l’idéologique dans leurs recherches, même si la plupart d’entre eux se font un juste devoir de brider ces forces. Mes propres travaux sur la Sierra Leone illustrent bien cette tension attendue entre passion et discipline. En écrivant de la poésie, je me libère en principe des contraintes du métier d’historien — le statut du fait, les sources, causalités et conséquences, par exemple — parce que mon rendez-vous est alors avec le verbe, la forme et toutes les vérités singulières qu’ils m’obligent à voir. Mais ces contraintes reviennent souvent s’immiscer dans mes préoccupations esthétiques, marquant le détail comme le principe. Pensez qu’il m’a fallu étudier les lukasa pour écrire Lagon, lagunes. Tableau de mémoire (Gallimard, 2000) et la méthode de construction d’une pirogue pour La quête infinie de l’autre rive ! Dans le premier recueil, j’explorais le poids de l’histoire sur la formation du concept de métissage (qui aurait déterminé mon existence si je n’avais pas eu hautement conscience de sa fabrication) ; avec le second, je cherchais un méta-récit qui jette un éclairage différent sur les traversées maritimes des migrants africains d’aujourd’hui. Et à leur tour, bien sûr, ces traversées sont venues enrichir le sens du récit médiéval du voyage d’Aboubakar II. Dans Gestuaire, j’ai voulu parler de la manière dont les gestes jalonnent un parcours de vie, gestes eux-mêmes chargés de signification historique. C’est probablement ce qui est à l’œuvre dans « Coup d’œil » par exemple, puisque la figure tutélaire évoquée finit par révéler sa fragilité, non du fait de son âge, mais de son identité.

Dans l’un des derniers poèmes du recueil, vous traitez du marronnage de manière détournée par la description du Retable des neuf esclaves de Edouard Duval-Carrié. La méditation sur la peinture est-elle une voie d’accès pour vous à une autre forme d’écriture de l’histoire ?

Dans Gestuaire, un certain nombre de poèmes sont en effet ekphrastiques, par exemple “Survivre selon Alice” que j’ai dédié à Alice Martinez-Richter. Grand Prix de Rome de peinture, celle qui fut mon professeur d’arts plastiques au lycée Marie Curie de Sceaux, est l’auteur d’une série de tableaux tirée de ses séjours en Afrique et des scènes qui l’y ont émue. Cette Afrique transitive, perçue par le regard impliqué et l’immense talent de Martinez-Richter, m’incite à réfléchir aux chemins par lesquels le vu et le vécu passent d’une sensibilité à une autre, ainsi qu’aux objets mêmes (un portrait ou encore un fil dans un tableau) qui assurent cette transition — aux objets-passeurs en quelque sorte. Les Moires se tiennent à l’arrière-plan de ce poème.

Édouard Duval-Carrié, Neuf esclaves
© Édouard Duval-Carrié, Neuf esclaves

Ma fascination pour l’œuvre d’Édouard Duval-Carrié, elle, remonte à l’exposition “La Révolution sous les Tropiques” installée au Musée national des arts africains et océaniens au début de l’été 1989. En pleine visite et sans préméditation, j’ai rencontré ce peintre et suis repartie avec, en cadeau, un rouleau d’affiches représentant ses toiles. Je me souviens encore du gros coup de lumière au débouché du musée ! Déjà dans Lagon, lagunes, je conversais avec son tableau intitulé “Volonté et Liberté” (“Toussaint, à cheval sur une révolte rouge, pourfend la lune de son grand sabre trempé.”) Son traitement de Louverture y est percutant, comme le sont le choix intransigeant de couleurs et la composition du tableau, tout en érections et dédoublements. Quant au “Retable des neuf esclaves”, il s’agit d’un ensemble de toiles du même peintre ainsi que du poème éponyme que j’ai composé. À partir de ces corps masqués mais fortement individualisés et débordants d’“attitude” en dépit du contexte de servitude, j’ai construit une histoire de marronnage et de retour — d’irrépressible aspiration à la liberté.

Cette aspiration à la liberté et au marronnage se retrouve dans de nombreux poèmes, notamment dans deux poèmes qui figurent à l’initiale du recueil, « L’oiseau de septembre » et « Mouette ». Vous y construisez une analogie entre l’oiseau, l’envol et l’écriture…

Le recueil s’ouvre avec le poème intitulé « M/o/uette », une méditation tant sur le départ vers l’au-delà que sur la prise de parole et l’essor en écriture — transitions éminemment périlleuses. D’autant que pour moi, il n’y a pas d’azur qui tienne, le ciel n’étant qu’orage et tourment. Il m’a donc fallu doubler ce poème triste du précédent, « Appel d’air » qui fonctionne aussi comme un art poétique.

GestuaireDans mon travail, c’est souvent l’analogie qui sert de déclic au poème. En ébauchant Gestuaire, il m’a semblé que la silhouette de ma grand-mère maternelle se précisait, et autour d’elle s’accumulait un monceau d’anecdotes dont il me fallait débrouiller le sens. Et puis je lis quelque part l’histoire d’une fugitive du vieux Sud qui, une fois établie au Canada, brûle l’oiseau de bois qu’un autre esclave de la plantation lui avait donné à son départ. Tout à coup, une analogie se fait entre le geste de cette femme et celui de ma grand-mère qui, se sentant mourir, étrangle ses oiseaux. J’ai décelé un dénominateur commun dans la valeur performative du geste et dans l’objet, l’oiseau, symbole ici de survol, de vie parcourue. Ces deux femmes, qui ne pouvaient se rencontrer que sur la page, partagent donc cette exigence folle de mettre en scène leur propre mort. Leur geste n’est d’ailleurs pas sans rappeler la requête présentée par certains écrivains (on pense à Kafka bien sûr) qu’à l’heure de leur mort on détruise leurs manuscrits.

La musicalité est présente fortement dans le recueil, et vous citez souvent vos influences comme John Coltrane, Joe Cocker, et parfois c’est un horizon plus diffus de la comptine, avec des vers plus courts, plus resserrés. Comment se mêlent tous ces horizons musicaux très variés, le blues, le jazz dans votre écriture ?

En écrivant un poème, je le mets intérieurement en musique, c’est-à-dire que j’écoute la mélodie qui s’ébauche ou se refuse, les fausses notes et les silences, les cadences et les bruits. Je le calibre et le corrige en fonction de ce que j’entends : le vers, la strophe seront des unités son/sens ; la sonorité et le chant déterminent en dernière instance la forme qu’il prendra. Je veille aussi à obtenir “mon” son, une manière de dire qui m’est propre et dont je n’ai pas la recette mais l’intuition.

La question de l’oralité m’intéresse au premier chef et contrairement à certains poètes qui travaillent exclusivement la lettre, l’aspect visuel du texte ou son support matériel, j’écris pour que mes poèmes soient lisibles à haute voix, avec le souffle que demande le phrasé ou le contenu, avec l’émotion que les vers font surgir. À l’appui, deux exemples en contraste :

La coupe est pleine!!
C’est qu’il en a assez bavé
Coup de sang

Mais elle s’effiloche la corde à fréquenter la margelle
et en déchausse une à une les briques

 J’anticipe en fait toujours une lecture : en m’abstenant de ponctuation, j’ai l’impression de laisser beaucoup plus de malléabilité au poème et de liberté d’interprétation aux lecteurs. D’ailleurs les mises en voix qui ont été faites de La quête infinie de l’autre rive (pour le CD RFI-Gallimard « Romans d’Afrique » ou pour Lettres-sur-Cour en marge du festival Jazz à Vienne) ont été pour moi l’occasion de véritables saisissements : à l’écoute, mes textes m’ont paru d’une étrange familiarité, bien connus et nouveaux à la fois.

En poésie, la musique peut surgir de partout — de la conflagration ou du filé des mots, du décompte des syllabes, d’un souvenir. De ces différents horizons musicaux, celui du jazz et du blues m’importe tout particulièrement. Ces musiques du nouveau monde, qui tiennent aussi bien à l’Afrique qu’au reste du monde, sont de riches métaphores pour le métissage et la Relation. Elles admettent rétentions et créations, et font feu de tout bois. La décontraction avec laquelle les musiciens de jazz ou les chanteurs de blues opèrent de savants bricolages pour dire ce que Glissant appelle la damnation du métissage, et s’en abstraire, m’a aidée à répondre à mes propres questions existentielles, tout en m’initiant à une esthétique exigeante pour l’oreille et l’esprit. W.E.B. Dubois n’avait d’ailleurs pas hésité à qualifier cette musique de “plus belle expression de l’expérience humaine née de ce côté des mers.” Dans ce sens, vivre aux États-Unis a été jusqu’à récemment une expérience de toute beauté, même si ma solitude — certes propice à l’écriture — y est grande.

Le poème sans ponctuation d’« Au temps jadis » rend une voix qui ressemble aux voix de Chamoiseau confrontées aux forces du pouvoir dans Solibo Magnifique. Ici, une voix prend la parole après la mort du planteur, et vous arrivez à suggérer toute la violence de l’oppression par le lexique, la parlure, la texture de la voix. Bien que le discours s’emploie formellement à défendre le maître, la violence des rapports sociaux est toute entière suggérée dans la langue. Comment avez-vous travaillé pour ce poème, où vous poétisez une variété de langue, dans ce qui est une sorte d’interrogatoire de police ?

Le rapprochement avec Solibo Magnifique est justifié dans la mesure où l’univers imaginé est le même — celui des Amériques post-esclavagistes — et l’effort est le même — transférer sur la page un flot verbal qui ne s’encombre pas des canalisations et signalisations du bon usage. Dans “Au temps jadis”, un planteur sur son lit de mort réclame son esclave Dinah et le baume de sa main. C’est un poème sans vers qui s’inspire des entretiens d’esclaves émancipés réalisés par le Federal Writers’ Project aux États-Unis à la fin des années 30, véritables fenêtres sur l’univers plantationnaire. Les personnes interrogées y racontent, avec un sens profond de la litote et de la poésie, des malheurs extraordinaires, des tortures inouïes ; ils dépeignent une culture de violence nourrie par une relation de pouvoir arbitraire institutionnalisée. Ces récits sont étonnants : à côté de rejets absolus des maîtres et de l’esclavagisme, de cas d’exploitations qui perdurent bien au-delà de 1864, on trouve aussi quelques témoignages d’individus qui choisissent de rester auprès de leur ancien maître, et s’en expliquent. Ensemble ces textes illustrent la complexité des rapports humains sous l’esclavage, ce mélange inextricable d’horreur, d’amour, de sperme et de sang sur lequel repose l’œuvre de Faulkner et qui a poussé Glissant à partir sur les traces du romancier. Mais comme il en coûte d’entrer dans ces paludes où le binaire est inopérant !

Le vernaculaire africain-américain est une langue riche et diversifiée, à l’image des complexités cumulées de l’histoire africaine-américaine, et j’ai tenté de rendre l’aspect rural et délicat, la créativité et les patterns de cette variante spécifique aux entretiens (qu’on retrouve dans le blues mais pas dans le rap par exemple, produit, lui, de contextes urbains côtiers contemporains). Or, la France n’ayant pas connu l’esclavage sur le sol métropolitain, le français n’a ni le champ sémantique ni la syntaxe nécessaires pour rendre cette expérience ; quant au créole, parlé ou recréé par la Créolité, il serait un peu en décalage. Raison pour laquelle ces entretiens n’ont pas encore été traduits, j’imagine. Pour le temps très court du poème, j’ai donc voulu inventer une sorte de grammaire transitoire.

Edouard Glissant Faulkner Mississippi

On retrouve ce travail sur la langue dans « Coup de chapeau », qui se construit comme une petite tragédie où chaque strophe constituerait un acte et qui mène inéluctablement à la catastrophe – ce coup de matraque final. Là encore, on retrouve un dialogue avec la Loi, incarnée par des choix lexicaux très précis, le « salacot » colonial, affrontant un jeune homme qui ne semble n’avoir aucune chance de s’en sortir.

Le temps ne suit pas aisément son cours. Parfois il s’agit d’insister sur son universalité et de ne pas sombrer dans le déni de contemporanéité, de ne pas bannir du présent les « peuples de la face cachée de la terre ». Parfois il convient de rappeler que la linéarité imaginée de ce temps est la pierre angulaire d’une modernité excluante. (Pour ces raisons, et bien d’autres encore, l’attribution du prix Windham-Campbell à la poétesse australienne Ali Cobby Eckermann est à célébrer). Le fil conducteur entre mes trois recueils, c’est la notion d’un feuilletage passé-présent. Entre les âges, il y aurait friction plutôt qu’étanchéité ou même superposition ; le passé et le présent s’interpellent, s’agacent et s’informent mutuellement. Outre cette problématique, Gestuaire travaille à faire ce que font les photographes, c’est à dire à mettre le tri-dimensionnel (en l’occurrence le geste) à plat, sur le papier.

“Coup de chapeau” est une méditation sur la représentation de l’Autre au travers de catégories héritées du passé, réactivées au cours d’une rencontre où la relation de pouvoir semble l’autoriser. Si l’empire a été décolonisé, la métropole ne l’a pas été ou insuffisamment. Ainsi lorsque les dites forces de l’ordre rencontrent des Français qui leur paraissent issus de l’immigration, schémas et attitudes hérités de la colonisation peuvent parfois prendre le pas sur une analyse objective de la situation présente et engendrer des « violences volontaires ». On l’a vu en 2005, on vient de le voir à Aulnay-Sous-Bois. Le casque colonial, les piroguiers, la chicotte font référence à ce passé colonial, qui affleure comme un palimpseste dans un quotidien malheureux.

Fanon a fait de puissantes propositions à ce sujet dans la conclusion de son Peau noire, masques blancs. Il écrit : « Je ne suis pas prisonnier de l’Histoire. Je ne dois pas y chercher le sens de ma destinée…Vais-je demander à l’homme blanc d’aujourd’hui d’être responsable des négriers du XVIIe siècle ?… Je ne suis pas esclave de l’Esclavage qui déshumanisa mes pères… Il ne faut pas essayer de fixer l’homme puisque son destin est d’être lâché. »

C’est ici comme un petit théâtre : on aborde l’autre à travers des séries de représentations médiatisées par des imaginaires coloniaux.

Que peut la poésie ? Mettre en mots, exposer, offrir parfois les conditions d’une catharsis. « Coup de chapeau », « Tous comptes faits » et bien d’autres poèmes ressemblent à des pièces de théâtre en miniature, parce que les gestes y sont éloquents : ils portent l’action et témoignent de parti-pris philosophiques. Dans « Tous comptes faits » par exemple, la violence est comme liquéfiée par la chaleur mais omniprésente : le vieil armateur décachète une lettre du capitaine d’un de ses négriers et dans la foulée, se met en devoir d’abuser d’une jeune domestique. Dans « Génocide », c’est tout l’arbitraire de la construction meurtrière de la différence, en situation postcoloniale ou autre, qui est mis en scène.

Sylvie Kandé © Catherine Hélie / Gallimard
Sylvie Kandé © Catherine Hélie / Gallimard

Vous changez aussi de registre, en tressant ces imaginaires coloniaux et postcoloniaux dont vous venez de parler, avec des poèmes beaucoup plus intimes comme dans « Portrait en miettes » qui fonctionne sur le modèle du tombeau, mais en mineur, fondé sur la bribe, le fragment, sans aucune majuscule. Ce sont des « miettes immédiates en sages petits tas ». J’ai été sensible à cette esthétique du geste mineur, qui tente de rassembler les souvenirs du disparu : « de lui ne restent que miettes / comme celles qu’au sortir de table / on pousse d’un coup d’éponge / de la toile cirée au creux de la main ».

Gestuaire dresse une nomenclature de gestes divers. On pourrait effectivement songer à distinguer les poèmes coupables d’esthétiser une souffrance collective (je reprends ici une expression de Nick Nesbitt) de ceux qui traitent d’une souffrance intime, coupables, eux, de s’appesantir sur l’infime.

Mais à mon sens, tous ces poèmes naissent de la même ascèse. Car ces tombeaux — et il y en a beaucoup, notamment « Bal de pierre » qui riffe sur certains passages de la fameuse pièce de Molière où la statue du commandeur contrôle le dénouement — constituent ensemble, si j’ose dire, un tombeau de soi-même : quelles miettes de moi/je me demande/demain…

Pas de discontinuité non plus entre poèmes versifiés et poèmes non versifiés. Comme Jean Richer l’a montré au sujet de l’œuvre d’Aloysius Bertrand, cette distinction est effacée par l’art de la litote, du raccourci, de la condensation : « l’art de blanchir, c’est-à-dire de supprimer tout ce qui est inutile, pour laisser la parole au papier vierge ». « Bal de pierre » s’achève comme une épitaphe gravée sur une stèle et « Prière » est une pyramide inversée.

Il y a assurément des différences de registres dans le recueil qui passe du cérémoniel au mode mineur, parfois au sein d’un même poème. Dans « Portrait en miettes », pour créer ce mode mineur, j’ai eu recours à des stratégies qui incluent l’absence complète de majuscules et surtout la juxtaposition intentionnelle de fragments et lacunes, à l’image de mon écriture poétique. Car celle-ci, comme le geste, est codée mais unique ; elle révèle autant qu’elle dissimule ; elle est de l’ordre de la performance et de l’intime, tout à la fois.

Sylvie Kandé, Gestuaire, Gallimard, octobre 2016, 112 p., 12 € 50 — Feuilleter le livre