December 1st, 2014 (Fifty-Three Days, journaux américains, 44)

© Franck Gérard. Avec le soutien de l'Institut Français et de la ville de Nantes

LOS ANGELES /Eighteenth day

Hier soir, alors que je téléphonais le matin en France, dehors, dans le jardin : une apparition ! A un mètre de moi il passe, s’arrête et me regarde ! On se reconnaît ; on est Français tous les deux ! Après « Bip bip » je rencontre « Pepé Le Pew » ; la vision des américains sur les French Lovers, à une certaine époque. Il faut dire que c’est assez étrange aux États-Unis : nul regard dans la rue ; tout est extrêmement codifié, à mes yeux. Je suis bien loin de cela ici, mais un sourire ou un regard, simple, ne me déplait jamais. Je suis humain. J’ai comme l’impression qu’il n’y a pas vraiment de place pour la surprise, la rencontre « by chance » mais, après tout, je n’en sais rien ; ignorant des codes.

Ce matin, promenade le long de la L.A. River. Ce lieu me remplit ; le flux de l’eau dans un immense écrin de béton (J’aime le mot en anglais : Concrete) car cela veut dire aussi concret ; et j’ai un tel amour pour le « Concret », le réel ; et les architectures de béton. Je m’avance vers des zones d’incertitudes, sous les pylônes de la Highway Five. Des endroits que l’on peut qualifier d’Interlopes ; encore plus au vu de ce qui s’y « déclenche ». Il y a comme des grottes, et dans ces excavations des gens vivent ; des couples aussi. Je tombe sur cette voiture comme tombée de la Highway ; c’est sans doute le cas car impossible d’accéder ici avec un véhicule. En plein J.G. Ballard ; Crash ou mieux L’île de béton. C’est puissant, avec ces espèces de voutes sous lesquelles je passe, et cette jolie « Nature morte » à la bouteille : Still life en anglais ! Marrant, non ? Je ne résiste pas à me faire un « contre-jour aux palmiers » de plus. Mais il est temps d’aller rendre la voiture.

« Francky goes (back) to Hollywood ! ». Ça y est, je l’ai faite ! Tout se passe bien, très bien, sauf que lorsque je sors j’ai l’impression que quelque chose me manque ! C’est horrible, vraiment horrible, je « n’ai plus de roues » ; « No more wheels, my friend, you know ? Fuck, I’m in L.A. with my feet one more time ! ». Finito le bon air climatisé ; vive le dioxyde de carbone ! Ce n’est pas déplaisant. Alors, oui, je marche. Pour ne rien trouver ; ou pas grand-chose. Je photographie à nouveau quelques monstres sur le Hollywood Blvd mais bon, ça c’est fait. Cet homme en panne à qui je demande l’autorisation de prendre l’image et qui me parle en « français scolaire » sorti de ses souvenirs ; six années, me dit-il ! C’est mignon ! Nous sommes malheureusement coupés par le coup de fil qu’il reçoit. Et je suis un peu triste ; même totalement à ce moment où je pense à mon grand-père, Pierre Gérard, qui est mort il y a déjà trois semaines ; ce qui représente des mois pour moi ; vu que je vis chaque jour intensément (le temps m’a un peu quitté). De toute manière, je sens qu’il est en moi, qu’il m’accompagne, qu’il me soutient, dans ma quête. J’aime bien ce « Golden Fantomas » en vélo, tout de même. Heureusement, en rentrant, prenant connaissance à nouveau du métro, de la demi-heure qui me sépare de la maison, je rencontre, après cette journée grise, en allant acheter une bière, trois super pépettes qui m’invitent à boire un verre, sur le sable, entre deux palmiers. Ça me réconforte ! Enfin pas vraiment vu le ton outrancier et dégueulasse de cette affiche. Mes chères amies je suis de tout cœur avec vous !

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