NEW YORK /day twenty-two.
Mais qu’est-ce que je fais là?
A New York !
Perdu au milieu de ces millions d’âmes. Je ne dors pas dans l’avion ; le trajet dure presque cinq heures. J’atterris, nous atterrissons, à 7h15 du matin. Je sors de l’aéroport, il pleut à verse ; il fait 10 ou 11 ° Celsius. Je prends le bus qui me dépose à la gare de Newark dans le New Jersey. Je prends un train de banlieue, pour rejoindre Manhattan, où tout le monde fait la tronche car tout le monde va bosser. J’arrive à Pennsylvania Station, prends le métro ; trois changements pour arriver à l’appart ; et les gens continuent à faire la tronche, et il continue à pleuvoir…
Je vois des homeless fous dans les gares qui refont le monde, seuls ; mais ils ne sont pas si fous, ils ne sont pas dehors, dans le froid de la rue. A Los Angeles, ils sont tous dehors. Cela me rappelle, hier, un de ceux-là. Il y avait un bus scolaire qui attendait un groupe de jeunes filles en retard ; elles arrivent mais on leur dit non pour les boissons qu’elles ont à la main, qu’elles viennent d’acheter. Elles boivent ce qu’elles peuvent à la vitesse lumière mais cela reste plein ; alors elles les jettent dans la poubelle. Le bus part. Un homme assis se jette sur la poubelle ; sort les six gobelets d’au moins 500 centilitres ; les met dans son sac ; en garde un pour le moment présent. Puis, s’assoit, sourit, en se délectant de ce sucre imprévu. Au dehors, je vois cinq types nettoyer une voiture comme si c’était un diamant. Je me souviens d’avoir vu des latinos le faire sur Burbank Avenue à Hell Aïe. J’ai, à ce moment-là, un pincement au cœur ; Los Angeles est un si doux enfer, où j’aimerais bien brûler… Celui-ci, même si je ne suis pas dans le quartier de Hell’s Kitchen, laisse à désirer.
J’ai vite compris ce qui se tramait ici ; j’ai vite compris que mon cœur est à l’ouest ; qu’il a toujours été à l’ouest, ici ou ailleurs, du côté du soleil couchant. NYC et LA c’est un peu comme Paris et Marseille ! Laissez-moi vous dire que je suis du côté de ceux avec lesquels on peut parler, rire simplement dans la rue même si Marseille n’est pas à l’Ouest par rapport à la France ; mais Marseille est de toute manière une forme, une sorte d’Ouest, d’Ouestern ! Même si parfois cela conduit à des situations, en effet, plus violentes, je préfère le western au « eastern », pas de doute ! Dans ma vie quotidienne, je vis à l’ouest. Évidemment, on verra demain… Et les jours prochains… 22 années, je vous le disais, que je n’ai pas mis les pieds ici. Il faut dire que ce moment fut important pour moi.
Je suis arrivé en bus, en Greyhound, mais 48 h avant mon avion, en 1992. Je ne pouvais pas aller à l’hôtel alors je suis rentré dans une pharmacie et j’ai acheté des « Caffein Pills » ; et pendant 48 h, presque, j’ai zoné dans Manhattan ; et plein de rencontres ; et le plein d’étrangeté. Je déclinais juste les offres des prostitués ou des dealers… Mais tout cela est une longue et ancienne histoire. Mais, au moins, dans l’avion du retour, j’ai dormi. Los Angeles, je t’aime ; et tu me manques ! Mais on verra demain… Je pars marcher ; je suis vers la 110ème et commence par la first avenue ; de temps en temps, je me décale ; jusqu’à la huitième ; et je vais pratiquement jusqu’au bout de Manhattan ; bien après la première rue. Je m’épuise ; que de blocs ; il ne se passe rien d’extraordinaire à part qu’à un moment je me demande où est ce magnifique gratte-ciel, que j’adore, le Chrysler Building, et qu’il est juste là, à cet instant (!) : au-dessus de mes yeux ; alors je fais le touriste new-yorkais, celui qui a toujours les yeux en haut. Quelquefois, je demande une direction, même si je sais où je suis, juste histoire de lier la conversation mais les gens sont froids et assez peu agréables. J’arrive par hasard sur Broadway, à l’épicentre du tourisme ; je vois un Mickey, et les Spiderman, les Iron Man, les Cat Woman sont bien là, comme sur Hollywood Boulevard. Cela me semble un métier d’avenir en France ; déguisez-vous, déguisez-vous… Je me fais agresser par un des Spiderman qui me demande pourquoi je le regarde ; je lui réponds que je regarde le monde et il ne comprend pas. Il insiste pour que je prenne une photo avec lui et je refuse. Un autre se fait prendre en photo avec un couple qui ne donne pas d’argent ; l’homme dit qu’il n’a rien ! Un touriste à New York, qui n’a rien, laissez-moi rire, et c’est bien pour cela qu’il se fait poursuivre par l’araignée, jusqu’à ce qu’il sorte son portefeuille pour lâcher ce qu’il doit.
En tout dans la journée, je prends au maximum une dizaine d’images ; qu’est-ce qu’il m’arrive ? Peut-être ne suis-je pas ouvert au monde ? Peut-être qu’il ne se passe rien ? Mais au moins je shoote cette vieille dame qui, elle, est ouverte au monde ; surtout celui des enfants et des chiens ! Ah, j’oubliais tous ces écureuils gris qui mendient de la nourriture ; à qui je donne quelques miettes, pour mieux les prendre en image. Enfin, on verra bien demain, oui, demain. Il y a des villes qui ne se donnent pas tout de suite ; quelquefois, un peu de lumière suffit…