Hugo Pratt le sérénissime : documentaire sur Arte

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Arte diffuse ce mercredi 24 août à 22h40 un portrait du créateur de Corto Maltese, Hugo Pratt, trait pour trait, réalisé par Thierry Thomas avec un commentaire dit par Lambert Wilson. Le documentaire retrace l’existence aventureuse de celui qui, né à Rimini en 1927 et mort en Suisse en 1995 a eu mille vies (acteur, dessinateur, auteur, aquarelliste) et a marqué à jamais le monde de la bande dessinée, contribuant à faire entrer le neuvième art dans l’âge adulte.

Avec les témoignages inédits de Patrizia Zanotti (sa coloriste), Anne Frognier son épouse, José Muñoz et Didier Platteau (son éditeur chez Casterman), Hugo Pratt, trait pour trait remonte le temps, de l’enfance vénitienne à la toute dernière aquarelle peinte par le maître et dont l’écrivain Alberto Ongaro disait qu’il était tel Cagliostro, un magicien à la vie de feuilleton. Le documentaire fait la part belle aux souvenirs, photographiques et cinématographiques – la somme des images de Pratt aux différentes étapes de sa vie est impressionnante –, il décrit le processus créatif, non seulement de l’oeuvre, mais de l’homme lui-même qui se pensait à la troisième personne du singulier.

Pratt était son propre personnage
(José Munoz)

Un personnage, mais un homme avisé aussi (il était un âpre négociateur de ses contrats et a très tôt oeuvré pour conserver la propriété de tous ses dessins, ce qui était inédit à l’orée des années 60). Pratt était un rêveur merveilleux, qui portait la poésie au pinacle et considérait que « la bande dessinée est une affaire littéraire, de la littérature dessinée ». Toute sa vie d’artiste semble même avoir été pensée avec des mots. Ceux de Jean Cocteau – « J’écris mon dessin et je dessine mon écriture » –, mêlés aux paroles de la grand-mère d’Hugo Pratt : « dessine ce que tu vois ». Un mode de vie. Un terrain d’expression.

Mais le documentaire lève aussi un certain voile sur les béances, l’absence physique du père, disparu mystérieusement à la fin de la seconde guerre mondiale en Afrique, le rapport complexe à sa mère, la quête insatiable d’un ailleurs (liée à son enfance cosmopolite en Abyssinie et à Venise ?), l’obsession de la mémoire des hommes et du monde (on découvre que très jeune, Hugo Pratt a subi une amnésie de six mois qui nourrira ses textes).

Capture d’écran Arte
Corto Maltese © Casterman

Autant d’informations, de rappels, d’incursions dans l’intime qui servent à expliquer (voire justifier) l’oeuvre d’Hugo Pratt : les premières années (quand il n’écrivait pas ses scénarios), les périodes argentines, londoniennes (durant lesquelles il a peaufiné sa technique innée, pour tendre vers l’épure et la simplicité apparente de la finesse du trait « prattien »), les oeuvres dites d’apprentissage (Anne de la jungle, La Ballade de la mer salée qui possédaient en elles, déjà, l’unicité et l’intemporalité mondialement connues et reconnues depuis).

Hugo Pratt, trait pour trait explore autant le dessin que l’homme – qui très tôt a eu conscience de sa destinée – et dont le rêve était de « dessiner un jour quelque chose avec une ligne (…) une succession de points et avec cette ligne, de tout raconter ». Jusqu’à , la toute dernière aventure de Corto Maltese, l’oeuvre d’Hugo Pratt semble rassemblée dans cette question, cette obsession du trait et de la mémoire : « et si c’était cela la mort, le chaos, des points qui ne forment plus de ligne ».

Hugo Pratt, trait pour trait. Documentaire de Thierry Thomas (France, 2016, 55mn) – Commentaire dit par Lambert Wilson – Coproduction : ARTE France, Quark Productions. Première diffusion sur Arte le mercredi 24 août 2016 à 22h40. Disponible en replay + 7 sur Arte.fr.