Mardi 26 avril, Arte consacre sa soirée à Tchernobyl, 30 ans après, avec la diffusion de trois documentaires, tous liés à la catastrophe du 26 avril 1986 et à ses conséquences sur les hommes et l’environnement. Mais le champ de radiation ne connaît pas les frontières géo-politiques et c’est l’ensemble de la planète qui doit interroger son rapport au nucléaire, aux déchets radioactifs et aux conséquences des incidents, comme l’a montré plus récemment Fukushima, il y a 5 ans. Comme le dit un Amérindien dans le second documentaire que diffuse Arte, c’est « un pacte faustien conclu par la science aux dépens de la société. »

Le premier documentaire, signé Olivier Julien se fonde sur un triste et double anniversaire, croisant Tchernobyl (26 avril 1986) et Fukushima (11 mars 2011), deux catastrophes nucléaires majeures. Le film est centré sur les «zones grises», ces lieux décrétés vivables car « faiblement » contaminés, soit pour l’Europe seule plus de 7 millions d’habitants sur 120 000 km2 répartis entre la Russie, l’Ukraine, la Biélorussie et la Norvège.
Quel sont les risques pour ces populations ? Est-il possible de vivre normalement dans ces lieux certes moins contaminés que les zones d’exclusion (un rayon de 30 km autour de Tchernobyl ou Fukushima) mais pour autant dangereux ? Les habitants de ces zones en Biélorussie, au Japon ou même en Norvège — pays européen le plus touché par la catastrophe de 1986, en raison des vents et des pluies — sont-ils embarqués dans une « expérience à ciel ouvert », sont-ils des cobayes ?
La catastrophe de Tchernobyl a pris le monde au dépourvu et son après a été «un plongeon dans l’inconnu»

Les conséquences sur l’environnement et la chaîne alimentaire sont énormes sur des zones très étendues, comme le montre la seconde carte :

Et aujourd’hui, après la catastrophe de Fukushima de mars 2011, une nouvelle partie du monde est contaminée. Que sait-on des conséquences à moyen et long terme de cette radioactivité (qui a déjà produit un nombre phénoménal de cancers de la thyroïde) sur l’homme, via la contamination de la chaîne alimentaire comme de l’environnement ? Le documentaire suit des personnes ayant continué à vivre sur place, par choix ou nécessité, en Norvège, en Biélorussie et au Japon.
Tous disent combien il est complexe de faire face à une menace invisible, incompréhensible et pourtant omniprésente. Certes les habitants de ces zones étaient submergés de chiffres, Becquerel, taux de radionucléides, etc. mais les interprétations de ces avalanches de chiffres varient. Est-il pire de laisser un enfant jouer dans un jardin potentiellement contaminé ou de le condamner à n’avoir aucune activité ? Peut-on boire du lait ? Quel est le risque de consommer de la viande de rennes alors que les troupeaux qu’élèvent les Samis, en Norvège, consomment lichens et champignons contaminés ? La menace, omniprésente, est abstraite. Les gouvernements peuvent à la fois dire que vivre là n’est pas pire que de fumer quelques cigarettes par jour et condamner des zones de forêts, interdisant la consommation de baies et champignons sauvages.
Les habitants des zones grises près de Tchernobyl ont acquis une expérience qu’ils ont pu transmettre aux Japonais. Des compteurs permettent de mesurer la réalité quotidienne de la radioactivité et, comme le dit un habitant japonais, d’établir une « carte des fantômes », d’éviter le temps passé à certains endroits. Ainsi l’autoroute qui passe non loin de la centrale de Fukushima a-t-elle pu être rouverte : il serait dangereux de s’établir là, mais on peut y passer sans danger.

Au Japon des travaux pharaoniques ont même été engagés pour faire baisser plus rapidement les taux de radioactivité de ces régions : enlever la terre sur toute la couche d’environ 10 cm qui concentre les particules radioactives. Mais que faire ensuite des stocks de terre contaminée ?
C’est justement le sujet du second documentaire, Voyage au pays des déchets nucléaires. Ces déchets, des centaines de milliers de tonnes (et 10 000 tonnes supplémentaires par année qui s’écoule), sont extrêmement dangereux et doivent être stockés loin de tout être vivant, dans des zones géologiques stables (terres argileuses, mines de sel, couches de granit, sans risque d’infiltrations ou de séismes). Mais où ? ce lieu existe-t-il ?

Enfin, la soirée se conclut avec Le Pic-vert russe, documentaire de Chad Garcia qui a suivi l’artiste ukrainien Fedor Alexandrovitch, évacué à 4 ans de la zone interdite, qui enquête pour démontrer que la catastrophe de Tchernovyl n’était pas un accident. Le film a été récompensé par le Grand Prix du Jury au festival Sundance 2015.
Tchernobyl, Fukushima, vivre avec — Documentaire d’Olivier Julien (France, 2016, 1 h 30), Arte, mardi 26 avril à 20 h55
Voyage au pays des déchets nucléaires — Documentaire d’Edgar Hagen (Suisse, 2013, 1 h 39), Arte, mardi 26 avril à 22 h 25
Le pic-vert russe — Documentaire de Chad Garcia (Royaume-Uni, 2015, 1 h 20), Arte, mardi 26 avril à 0 h 10