Tchernobyl, corps malade par Sylvie Brodziak

Igor Kostine, Tchernobyl, confessions d’un reporter (détail couverture)

« Les hommes ont été pris par surprise, ils n’étaient pas biologiquement préparés, leur corps, fait pour voir, entendre, est inadapté. Leurs yeux, leurs oreilles, leurs doigts ne leur sont sont d’aucun secours: les radiations sont invisibles, elles n’émettent ni son, ni odeur, sont impalpables ». Svetlana Alexievitch, Le Monde, 25 avril 2006.

Le 26 avril 1986, à 1 heure 23 minutes 58 secondes, une série d’explosions détruisait le réacteur n° 4 de la centrale ukrainienne de Tchernobyl. Des aérosols et des gaz radioactifs étaient projetés dans l’atmosphère et se répandaient un peu partout dans le monde.

Aujourd’hui, entre 7 et 9 millions de personnes vivent sur les territoires reconnus contaminés des trois états : Ukraine, Biélorussie et Russie. La seule Biélorussie a subi environ 70% des retombées radioactives. En Ukraine, une zone d’exclusion de 30 kilomètres a été définie autour de Tchernobyl et totalement évacuée. Au total, environ 4000 personnes ont dû être déplacées et relogées. Selon l’analyse du rapport TORCH — The Other Report on Tchernobyl, rapport commandité par l’éurodéputée Verts/ALE Rebecca Harmes présenté au Parlement Européen —, 53% de la radioactivité ont été reçus par des pays européens autres que les trois les plus touchés. En Europe, le CIRC (Centre National de Recherche contre le Cancer) estime à 16 000 d’ici à 2065 le nombre de morts par cancers attribuables à Tchernobyl. Le rapport TORCH, quant à lui, précise que le chiffre pour le monde entier se situera entre 30 000 et 60 000.

C’est ce corps blessé, malade, contaminé, détruit que Svetlana Alexievitch raconte dans La Supplication, Tchernobyl chronique du monde après l’apocalypse écrit en 1997, paru en France en 1998.

Constitué de témoignages des suppliciés de Tchernobyl, collectés au magnétophone, l’ouvrage de Alexievitch se divise en trois grandes parties, précédées d’un prologue et suivi d’un épilogue. Il imite en cela la structure du Livre sacré avec de grandes étapes titrées de façon suggestive. Ainsi, la première partie qui pose le constat s’intitule « la terre des morts », la seconde qui fait un état des lieux après la catastrophe : « la couronne de la création», enfin la troisième partie « Admiration de la tristesse » évoque le désespoir devenu éternel.

Parce que, depuis Hiroshima et Nagasaki et vivre à l’ombre de la menace de destruction totale de l’humanité en tant que genre et en tant qu’espèce représente l’une des caractéristiques les plus fondamentales de notre temps, à mon tour, je suivrai la chronologie établie par les grands mythes de la création pour présenter ce corps pris dans la catastrophe.

L’Apocalypse ou le corps supplicié

À Tchernobyl, le corps ne meurt pas tout de suite. Contrairement aux catastrophes naturelles — séismes, inondations — la mort n’est pas instantanée mais vient après, parfois longtemps après. Le corps est martyrisé, supplicié. Le 26 avril, lors de l’explosion, une trentaine de techniciens furent tués, puis pour maîtriser l’incendie, de nombreux pompiers se sont sacrifiés.
En effet, afin de juguler le feu, le responsable Brioukhanov appelle simplement les pompiers. Ceux-ci, venus de Pripiat, située à 3 kilomètres de la centrale, interviennent sur les lieux sans équipement particulier. Gravement irradiés, ils sont évacués et mourront pour la plupart dans des conditions atroces.

Il changeait : chaque jour, je rencontrais un être différent… Les brûlures remontaient à la surface… Dans la bouche, sur la langue, les joues… D’abord, ce ne furent que de petits chancres, puis ils s’élargirent… La muqueuse se décollait par couches… En pellicules blanches… la couleur du visage… la couleur du corps… Bleu… rouge… Gris-brun… Et tout cela m’appartient, et tout cela est tellement aimé. On ne peut pas le raconter ! On ne peut pas l’écrire ! (S, 11)

Puis, l’incendie maîtrisé, les techniciens de la centrale prennent conscience de l’étendue des dégâts provoqués par la retombée du toit sur le réacteur : celui-ci est fissuré. Le graphite toujours en combustion mélangé au magma de combustible nucléaire en réaction continue, dégageant un nuage de fumée saturé de particules radioactives. L’étape suivante de la gestion de la catastrophe est donc d’étouffer la réaction nucléaire incontrôlée. Cette opération est réalisée à partir d’hélicoptères militaires de transport. 1000 pilotes y participeront. Ils largueront dans le trou béant des milliers de tonnes de sable, d’argile, de plomb, de bore, de borax et de dolomite. Enfin, une cinquantaine d’opérateurs a été employée dans les premiers jours suivant la catastrophe pour collecter les débris très radioactifs sur le toit et aux alentours immédiats de la centrale. Chaque opérateur ne disposait que de 90 secondes pour effectuer sa tâche, pendant laquelle il était exposé à des niveaux de radiations extrêmement élevés en raison d’équipements de protection dérisoires, en fait principalement destinés à l’empêcher d’inhaler des poussières radioactives.

Nombreux parmi ces premiers intervenants vont, avant de mourir, devoir vivre une véritable passion et connaître, au XXe siècle, la solitude du pestiféré du Moyen-Âge. Non seulement leur corps souffre et ne peut être soulagé, mais mis en quarantaine, il ne peut être ni vu ni serré par ceux qui les aiment. Ce corps devenu invisible et intouchable est une véritable torture pour les épouses et les mères qui tentent de les accompagner.

Sept heures. A sept heures, on m’a fait savoir qu’il était à l’hôpital. J’ai couru, mais la milice avait déjà isolé le bâtiment et n’y laissait entrer personne. Seules les ambulances traversaient le barrage. Les miliciens criaient :
Près des voitures, la radiation bloque, les compteurs au maximum, ne vous approchez pas. Je n’étais pas seule: toutes les femmes avaient accouru (…) Je me suis lancée à la recherche d’une amie, médecin dans cet hôpital. Je l’ai saisie par sa blouse blanche lorsqu’elle est descendue de voiture :
– Fais-moi passer !
– Je ne peux pas ! Il va mal. Ils vont tous mal.
Mais je ne la lâchai pas.
– Juste jeter un regard.
Elie me dit :
– D’accord, allons-y ! Pour un quart d’heure, vingt minutes.
[ … ] Il veut m’embrasser.
– Reste assis. (Le médecin le retient loin de moi). On ne s’enlace pas ici. (S, 12 et 17).

Interdit à la tendresse, aux caresses et aux baisers, ce corps une fois éteint ne peut pas non plus être enterré selon le rituel funéraire traditionnel. Tchernobyl se moque du profane comme du sacré, Tchernobyl ignore croyances et coutumes. Tchernobyl ne s’incline pas devant la mort.

Il était impossible de lui enfiler des chaussures… On le mit pieds nus dans le cercueil… Sous mes yeux… Dans son grand uniforme, on l’a glissé dans le sac plastique que l’on a noué. Et ce sac, on l’a placé dans un cercueil en bois… Et ce cercueil, on l’a couvert d’un autre sac en plastique, transparent, mais épais comme une toile cirée. Et l’on a mis tout cela clans un cercueil en zinc… Seule la casquette est restée dehors… Tout le inonde est venu à l’enterre1nent… Ses parents et les miens. Nous avons acheté des foulards noirs, à Moscou… Une commission extraordinaire recevait les familles. On disait la même chose à tout le monde : on ne peut pas vous rendre les corps de vos maris, de vos fils, ils sont très radioactifs et vont être enterrés dans un cimetière de Moscou selon un procédé spécial. (…) Au cimetière, des soldats nous entourent… Nous marchons sous escorte… Et l’on porte le cercueil. On ne laisse passer personne. Nous sommes seuls… La tombe est immédiatement comblée. « Vite ! Vite ! » ordonne l’officier. On ne m’autorise même pas à enlacer le cercueil. (S, 12 et 17).

Cette dernière phrase témoigne de cet irrespect volontaire et forcé des rites liés à la foi et aux liturgies. Ces traditions bafouées sont particulièrement illustrées par « le monologue sur une vie entière écrite sur une porte », troisième monologue de La Supplication. Dans celui-ci, un homme condamné à quitter Pripiat contaminée refuse d’obéir et prend malgré tout la porte de son appartement, soucieux de respecter le fait qu’en Ukraine comme en Biélorussie, on allonge souvent le mort sur un banc ou sur la porte de la maison avant de le mettre dans le cercueil. Cet acte courageux, hélas, lui sera utile.

Interdit aussi d’emporter des affaires personnelles ! Entendu, je ne prendrai rien. A l’exception d’une seule chose: la porte de mon appartement. Il m’était impossible de la laisser… Quitte à clouer des planches pour condamner l’entrée… Notre porte… Notre talisman ! Une relique de famille. Mon père a été allongé sur cette porte. J’ignore l’usage ailleurs, mais chez nous, ma mère disait qu’il fallait coucher les défunts sur la porte de la maison en attendant de les mettre en bière. J’ai passé la nuit près de mon père allongé sur cette porte… La maison est restée ouverte. Toute la nuit.
Et sur cette même porte, il y a des marques, de bas en haut : ma taille à différents moments de mon existence. De petites encoches accompagnées d’une annotation : première année d’école, seconde, septième, avant le service militaire. Et à côté, la croissance de mon fils et celle de ma fille. Toute notre vie était inscrite sur la porte. Comment pouvais-je la laisser ? J’ai demandé de l’aide à un voisin qui avait une voiture. Il m’a fait signe que j’étais timbré. Mais je l’ai récupérée quand même la porte. Deux ans plus tard… De nuit… En moto… A travers la forêt… Notre appartement avait déjà été pillé. Nettoyé. Des miliciens me poursuivaient : « On va tirer ! On va tirer ! » Ils me prenaient pour un pillard. Voilà comment j’ai volé la porte de ma propre maison … J’ai envoyé à l’hôpital ma fille et ma femme. Elles avaient des taches noires sur le corps.

[La petite fille meurt].

Nous l’avons allongée sur la porte… Sur la porte qui avait supporté mon père, jadis. Elle est restée là jusqu’à l’arrivée du petit cercueil. (Nikolaï Fomitch Kalouguine, un père). (S, 45-46)

Tchernobyl a désorganisé la mort et le temps : le corps irradié même sous terre continue à empoisonner. Et le « Né poussière tu retourneras à la poussière » n’est plus uniquement la révélation de notre finitude mais celle de la fin possible de notre humanité. Tchernobyl hypothèque la vie, hypothèque le futur.

L’impossible résurrection des morts ou le corps meurtrier

À la fin de l’Apocalypse, Satan est jeté à jamais dans « l’étang de soufre embrasé » ainsi que tout ressuscité dont le nom ne figure pas sur le Livre de Vie. S’accomplit alors le retour à un âge d’or sur une terre renouvelée. La résurrection des morts est un moment fondamental de la fin du monde. La plus belle description est celle du chapitre 37 du Livre d’Ezéchiel, celle des « ossements desséchés », où Yahvé reconstitue le corps et l’âme des hommes.

À Tchernobyl, le corps ne peut ni ressusciter ni se perpétuer. Immédiatement après la catastrophe, le corps qui naît est monstrueux et condamné. Comme à Minimata en 1956, les conséquences immédiates furent terribles : l’ouvrage de photos d’Igor Kostine, Tchernobyl, confessions d’un reporter, en témoigne douloureusement.

Sans titre5Dans la Supplication, des mères en pleurs dévoilent à Alexievitch les avortements obligés, les infanticides délibérés, les enfants mort-nés, les enfants handicapés. Nés de femmes enceintes irradiées, ces enfants présentent des pathologies nouvelles, inconnues. Mutants des temps modernes, ces corps terrifient et amènent les parents dans des zones interdites où le corps à soigner, à rectifier, à normaliser devient cobaye. Le corps, objet d’expériences limites, n’est plus tabou.

Larissa Z. l’exprime et s’exprime avec toute l’énergie du désespoir:

Ma fillette… Elle n’est pas comme tout le monde. Quand elle aura grandi, elle me demandera : « Pourquoi ne suis-je pas comme les autres ? ». À la naissance, ce n’était pas un bébé, mais un sac fermé de tous les côtés, sans aucune fente. Les yeux seuls étaient ouverts. Sur sa carte médicale, on a noté: « Née avec une pathologie multiple complexe: aplasie de l’anus, aplasie du vagin, aplasie du rein gauche (…) Au deuxième jour de sa vie, je l’ai portée jusqu’au bloc opératoire. Elle a ouvert les yeux et elle a souri ! J’ai d’abord pensé qu’elle allait pleurer, mais elle m’a souri ! Les bébés comme elles ne survivent pas : ils meurent tout de suite; mais elle n’est pas morte parce que je l’aime. En quatre ans, quatre opérations. En Biélorussie, c’est le seul enfant qui ait survécu avec une pathologie aussi complexe. Je l’aime énormément (…) Après la dernière opération, l’évacuation d’urine a totalement cessé et les chirurgiens ne sont pas parvenus à lui insérer un cathéter. Il faut encore d’autres interventions.

Mais on nous conseille de la faire opérer à l’étranger. Mais où trouver les dizaines de milliers de dollars nécessaires alors que mon mari n’en gagne que cent vingt par mois ? Un professeur nous a donné un discret conseil : « avec une telle pathologie, votre enfant représente un grand intérêt pour la science.

Écrivez à des cliniques étrangères. Cela doit les intéresser. « Et depuis, je n’arrête pas d’écrire (…) Je leur demande de prendre ma fille, même pour des expériences… Je ne veux pas qu’elle meure. Je suis d’accord pour qu’elle devienne un cobaye, comme une grenouille ou un lapin, pourvu qu’elle survive (Elle pleure). (S, 89-90)

Même non déformé, resté, en apparence, normal, le corps irradié est repoussant et repoussé. Les habitants de Tchernobyl ont été isolés dans les hôpitaux, discriminés dans les écoles, chassés des immeubles des villes vers lesquelles on les a évacués.

Dès le début, nous avons senti que nous autres, les gens de Tchernobyl, nous étions devenus un peuple à part. L’autobus qui nous transportait s’est arrêté dans un village pour la nuit. Nous avons dormi par terre, dans une école et dans le club local. La place était très limitée et une femme nous a invités chez elle : « Venez, je vais vous faire des lits. Votre garçon me fait de la peine ».
Mais une autre femme qui se tenait à côté d’elle, l’a tirée par le bras pour l’éloigner de nous : « Tu es folle. Ils sont contagieux ». Plus tard, lorsque nous nous sommes installés à Moguliev et que mon fils est allé à l’école, il est rentré en larmes dès le premier jour de classe. On lui avait dit de s’installer à côté d’une petite fille, mais celle-ci n’avait pas voulu, en disant qu’il était radioactif et qu’on pouvait mourir à rester assis à côté de lui. Mon fils était le seul enfant de Tchernobyl, dans sa classe. Les autres avaient peur de lui et l’appelaient « la luciole »
(Nadejda Petrovna Vygovskaïa, évacuée de la ville de Pripiat) (S, 154-155)

Mal aimés, montrés du doigt, rabroués, isolés, beaucoup sont retournés chez eux dans la zone interdite. Comme dans un camp de concentration, dans le ghetto ou le goulag, le corps à Tchernobyl est prisonnier, parqué derrière des symboliques barbelés. Aujourd’hui, triste avatar de notre société avide de « télé-réalité », le corps est exhibé : des cars de scientifiques, pire, de touristes viennent découvrir « la Mecque du nucléaire ».

Nous aurions pu partir d’ici, mais mon mari et moi, nous avons réfléchi et y avons renoncé. Nous avons peur de l’extérieur. Ici nous sommes le peuple de Tchernobyl. Nous n’éprouvons aucune crainte. (…) Nous partageons la même mémoire, le même sort. Partout ailleurs nous sommes des étrangers. Des lépreux. (Nadejda Afanassievana Bourakova, habitante de Khoïniki) (S, 195)

Dans cette Kolyma d’une Union Soviétique disparue, la nature profanée continue à contaminer les survivants par l’alimentation. Tchernobyl est devenue un jardin d’Éden mortifère. Les fruits magnifiques, l’herbe grasse et verte, le poisson de la pêche ou le gibier de la chasse tuent. La terre séduisante en surface inocule la mort et ceci pour des milliers d’années. Le corps ne peut ni guérir ni se reproduire. L’explosion a tué l’amour. Après la catastrophe, aimer est devenu un risque et engendrer un pari. Désormais, le corps peut être meurtrier.

Larissa Z. a eu une enfant handicapée, elle précise : « Depuis que je suis rentrée de la maternité, je tremble chaque fois que mon mari m’embrasse, la nuit. Nous n’avons pas le droit… Le pêché… La peur ». (S, 89)

Ainsi, la catastrophe de la centrale nucléaire de Tchernobyl a transformé et modifié les fonctions du corps. Elle a ruiné les codes, les valeurs et les représentations, elle a bouleversé la logique du vivant. Apprentis sorciers, les hommes ont rendu contemporains Éros et Thanatos, rompant l’ordre du temps et des générations. Tchernobyl, boite de Pandore, a laissé échapper définitivement l’espoir.

La fille de Nadejda qui, tout naturellement, envisage d’aimer quand même un petit monstre, témoigne de cette absence d’espérance propre aux jeunes Tchernobyliens :

Ma fa fille m’a dit récemment: « Maman, si j’accouche d’un bébé difforme, je l’aimerai quand même ». Vous vous rendez compte ? Elle est en terminale, et elle a déjà des idées pareilles. Ses copines aussi, elles pensent toutes à cela… Un garçon est né chez des amis à nous. Il était tellement attendu ! Vous pensez, le premier enfant d’un couple jeune et beau ! Mais le bébé a une énorme fente en guise de bouche et pas d’oreilles… Je ne vais plus chez eux. Je ne passe plus comme avant. Cela m’est impossible, mais ma fille y fait des sauts. Elle a envie de les voir. J’ai l’impression qu’elle veut se faire à l’idée. (Nadejda Afanassievna Bouroukova, habitante de Khoïniki). (S, 194).

Avec Tchernobyl, l’humanité a perdu le corps, englouti sous un nouveau masque de la mort. A Tchernobyl, l’avenir a disparu.

Cette disparition est-elle à jamais ? Pour l’instant, nous, les hommes et les femmes sommes ignorants et impuissants, déboussolés. Svetlana Alexievitch rappelle que dans les mémoires l’étalon mesure était la guerre, celle de 1939-1945, or la culture de l’horreur de la guerre n’est pas suffisante pour comprendre ce qu’il y a sous nos yeux. Les radiations n’ont pas d’odeur, et le corps est tombé malade alors que tout semblait être comme avant. Emprisonnées dans l’apparente normalité, les populations n’ont pu fuir Tchernobyl. Victimes de l’irresponsabilité des hommes face au vivant, incapables d’être sauvés ni par le marxisme ni par la physique, beaucoup se sont mis à prier.

En russe, le titre du livre d’Alexievitch est Tchernobylskaïa Molitva, la Prière de Tchernobyl, à mon tour je prie les hommes d’arrêter de construire un monde où la mort seule pourra triompher.

Svetlana Alexievitch, La supplication, Tchernobyl, chronique du monde après l’apocalypse, traduit du russe par Galia Ackerman et Pierre Lorrain, éd. J’ai Lu, 1999, 249 p.

Igor Kostine, Tchernobyl, confessions d’un reporter, Les Arènes, 2006, 240 p.