Ilan et Malik, on n’oublie pas

© Jean-Philippe Cazier

25 janvier 2016, c’est Tou Bichvat pour les Juifs, « Nouvel An des arbres », Ilan en hébreu.

Il y a 10 ans, le 20 janvier 2006, Ilan Halimi, 23 ans, vendeur dans une boutique parisienne, est enlevé, puis séquestré dans un immeuble HLM de Bagneux pendant plus de trois semaines. On le retrouvera nu, bâillonné et menotté, trois semaines plus tard, agonisant le long des voies ferrées du RER C, dans le département de l’Essonne. Il décédera lors de son transfert à l’hôpital.

Pendant 24 jours, le jeune homme va subir l’horreur : son corps est brûlé, marqué de nombreux hématomes, de plaies faites à l’arme blanche. Ilan Halimi a été tondu. Au nom de quoi ? De sa seule religion: le judaïsme. Pour quelle raison ? L’argent. Pour le « gang des barbares », être juif c’est avoir de l’argent. Une demande de rançon est immédiatement adressée à la famille du jeune homme. Elle s’élève à 450.000 euros.

Les proches d’Ilan Halimi sont contactés à plusieurs reprises. Faute de pouvoir payer, on leur envoie un enregistrement audio où ils entendent leur fils en sanglots, et des photos de lui ensanglanté.
Le 29 janvier, Youssouf Fofana, le leader du gang, appelle le rabbin Shélomo Zini pour lui réclamer la rançon. Ce dernier se souvient avoir eu au bout du fil « quelqu’un de très calme, très froid ».

Je suis de la génération Ilan Halimi.

Dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986 à Paris, en pleine répression du mouvement étudiants / lycéens, Malik Oussekine, 22 ans, était matraqué à mort dans le hall d’un immeuble parisien où il s’était réfugié, matraqué par deux policiers « voltigeurs » motocyclistes.

Les étudiants et les lycéens dénonçaient le projet de loi Devaquet instaurant la sélection à l’entrée de l’université. Le mouvement est marqué par une forte répression policière. De graves affrontements ont lieu en marge des manifestations, faisant des dizaines de blessés dont plusieurs gravement atteints.

À Paris, à la suite d’une manifestation pacifique arrivée à la Sorbonne, au quartier latin, les “voltigeurs” prennent en chasse les jeunes qu’ils croisent. Malik Oussekine, un étudiant marocain de 22 ans, selon toute vraisemblance qui s’était tenu à l’écart du mouvement, sort de son club de jazz favori. Il est minuit. Des “voltigeurs” le remarquent et se lancent à sa poursuite. Malik Oussekine se met à courir. Un témoin qui rentrait chez lui, Paul Bayzelon, fonctionnaire au ministère des Finances, habitant l’immeuble, au 20 rue Monsieur le Prince (6ème arrondissement), a pu, seul, déclarer :

« Je rentrais chez moi. Au moment de refermer la porte après avoir composé le code, je vois le visage affolé d’un jeune homme. Je le fais passer et je veux refermer la porte. Deux policiers s’engouffrent dans le hall, se précipitent sur le type réfugié au fond et le frappent avec une violence incroyable. Il est tombé, ils ont continué à frapper à coups de matraque et de pieds dans le ventre et dans le dos. La victime se contentait de crier : « Je n’ai rien fait, je n’ai rien fait » ».

Je suis de la génération Malik Oussekine.

« Dire et redire encore, redire autant de fois que la redite s’impose, tel est notre devoir qui use le meilleur de nos forces et ne prendra fin qu’avec elles » Louis-René Des Forêts.