Certaines semaines ont un goût de cendres. Comme celle qui vient de s’écouler, s’ouvrant avec l’annonce de la mort de David Bowie. La fin d’une époque. « La mort viendra et elle aura tes yeux« , écrivit deux heures plus tard Johan Faerber, citant Pavese… et nous sommes descendus « dans le gouffre muets ». Pour Olivier Steiner, le secours vint de Marguerite Duras et de Flaubert, pour célébrer le Thursday’s child. Parce qu’il fallait bien se rendre à l’évidence pourtant informulable, « Et puis David Bowie est mort« , le fantôme d’Hérouville n’est plus, nous laissant floating in the most pecular way.
La question qui se posait au sein de la rédaction, jusqu’à lundi matin, était alors plutôt de savoir qui se lancerait dans la chronique de son sublime et crépusculaire BlackStar, qui oserait… Et voilà Bowie « in heaven » — mais fut-il un jour ailleurs ? —, « free / Just like that bluebird« .
Il est des nécrologies qu’on ne voudrait jamais écrire, dans l’urgence comme pour la majorité des rédactions parce que Bowie nous semblait immortel et que non, on n’avait pas préparé de notice pour le frigo, ce nom atroce donné aux archives nécrologiques régulièrement mises à jour en argot de la presse. Il est des dossiers qu’on aimerait ne jamais avoir à constituer. Bowie a le sien, sur Diacritik, commencé avant sa mort terrestre, que l’on poursuivra maintenant qu’il illumine la galaxie, comme le disait ce tweet magnifique hier.
« News had just come over, we had five years left to cry in
News guy wept and told us, earth was really dying
Cried so much that his face was wet, then I knew he was not lying«
Mardi, pourtant, il a fallu reprendre le cours du journal et nous l’avons fait, avec de la littérature (Michael Kölmeiher, Antoine Dufeu, la jeunesse de Blaise Pascal, Richard Milward, Claro, Camille Laurens lue par David Léon), de la bande dessinée (Vive la marée, Le Chant du Kraken, un Été Diabolik), du cinéma (Tarantino) et nos rendez-vous : Écrire aujourd’hui (Antoine Dufeu), les photos de Camille Le Falher-Payat, la cuisine du dimanche (Dumas), la revue de presse du Chutier — mais aussi de nouvelles rubriques et séries : les chroniques de Grèce de Mari-Mai Corbel et Jean-Philippe Cazier interrogeant le silence du monde et le langage pour lui donner voix.
Laissons place à la présentation hebdomadaire d’un membre de la Newsroom qui clôt ces coulisses — aujourd’hui l’immense Jacques Dubois.
ABÉCÉDAIRE de Jacques Dubois
A comme ALLAIS et comme ANGOT : beaucoup lus mais jamais le même jour
B comme BOURDIEU : bourdivin !
C comme CHANCE : il n’en manque pas
D comme (DENT DE) SAGESSE : il en est dépourvu
E comme ÉROTIQUE : lire La Révocation de l’Édit de Nantes
F comme FN : c’est, pour lui, la Fabrique Nationale d’armes de guerre (Herstal/Liège)
G comme GAUCHE : mais quoi d’autre ?
H comme HUMOUR : humour de l’amour et amour de l’humour
I comme INDICE : voir Holmes, Rouletabille, Poirot, Maigret, Marlowe et la sémiologie
J comme JOURNAL : La Wallonie, quotidien liégeois qu’il dirigea pendant trois ans
K comme KARL MARX : un géant comme aussi Groucho
L comme LECTURE : sa névrose
M comme MAUVAISE FOI : comme toute littérature et autrement comme toute politique
N comme NÉNUPHAR ou comme NÉNUFAR : l’un et l’autre s’écrivent
O comme OCTOGÉNAIRE : ben oui. [en zoulou : OLD BEAN]
P comme PROUST : toujours
Q comme QUI, QUOI, QUAND, QUOMMENT : questions avant toute enquête
R comme RHÉTORIQUE : générale, elle donna un livre ; “méchant livre mais livre culte”
S comme SIMENON, dont le meilleur roman est peut-être Le Train
T comme TRAIN, qui donne son titre au meilleur roman de Simenon
U comme UNIVERSITÉ : tombé dedans quand il était petit
V comme VILLES : Minneapolis, Montréal, Paris, Urbino, Lugano, Tana, Le Cap, Tel-Aviv
W comme WALLONIE : autonome un jour ? française un autre ?
X comme INCONNUE : rencontrée mais jamais revue