Demain soir sur France 2, dans Infrarouge, sera diffusé le film de David André, Du côté des vivants. Dès le début du documentaire, un carton rappelle que les attentats ont fait plus de 150 morts en France en 2015. Les premiers, ceux de Charlie, le 7 janvier, dont le film évoque les destins, en onze chapitres, comme la vie d’après de ceux qui leur ont survécu, portant à jamais en eux le poids intolérable de ces morts et « la vie qui résiste chez ceux qui leur survivent ». Résistance pourrait être le maître mot de ce documentaire.
Le film s’ouvre sur les rires et les blagues potaches des journalistes et dessinateurs de Charlie. Puis un long noir et un silence. En introduction, la lettre par laquelle Luz décline toute participation au film, préférant « tourner les pages qu’il a à tourner loin de toute caméra, aussi poétique soit-elle ». Luz volontairement et courageusement face à son avenir, refusant d’évoquer le passé ou de « laisser filmer son présent ». Les mots s’impriment sur l’écran, sans voix off, à l’image de ces attentats qui nous ont laissé sans voix. Les phrases de sa lettre sont entrecoupées de planches de Catharsis, le dessin pour reprendre pied et, justement, tourner la page. Sans oublier. En écho, quelques chapitres plus loin, Maryse Wolinski évoque son mari, « mort le crayon à la main pour la liberté d’expression ». On la voit sur la tombe du père de Wolinski, à Tunis, l’homme qui l’accompagne explique que « tant qu’on parle d’un mort, il est vivant ; il est vivant tant que son nom est prononcé ».
Et chacun des chapitres qui composent ce film disent un nom, rappellent des visages et des dessins, des rires et des vies, le « gentil voyou » Tignous par Chloé Verlhac, Hélène Honoré qui inaugure une école au nom de son père, colle l’un de ses dessins sur un mur, se veut « une courroie de transmission entre son œuvre et les autres ». Le fils et la femme de Mustapha Ourrad, le correcteur de Charlie, disent son amour des mots, du savoir. Zineb El Rhazoui clame combien elle est fière de Charb, mort debout. On entend Laurent Léger, Riss, les parents de Charb, Sigolene Vinson, des mots de Cabu en toute fin.
La caméra s’attarde sur des bureaux, celui de Wolinski que sa femme a donné, avec ses dessins, au Musée du dessin de presse et d’humour, un lieu qu’aimait Wolinski, « pour que ça continue à vivre ». Tout cela n’a pas de sens, comme le répètent Chloé Verlhac et Lounis Ourrad, cela n’a pas de sens et pourtant il faut continuer, transmettre, même si « on n’arrive pas à décoller vraiment » (Laurent Léger). Riss le dit dans les dernières minutes du documentaire, il fallait continuer le journal avec d’autres, pour ne pas tirer un trait sur l’histoire, « ne pas se laisser bouffer la tête par la noirceur du monde. Et l’humour sert à ça ».

Du côté des vivants, un film de David André, réalisation David André et Bruno Joucla — France 2, 5 janvier 2016, 23 h 10