Multiple Galerie Simple

Galerie Simple © Jean-Philippe Cazier

La Galerie Simple est située dans le XVIIIe arrondissement de Paris, au cœur d’un quartier populaire. Elle est à la fois un atelier de création, un lieu d’exposition et un espace de résidence. Elle accueille également des intervenants qui y mènent des activités qui ne sont pas immédiatement artistiques ou encore des lectures d’écrivains. A travers ces pratiques diverses, la ligne générale est toujours celle d’une ouverture sur le dehors, une ouverture au public et au quartier, une politique des rencontres. Entretien avec Cécile, l’animatrice du lieu.

Que faisais-tu avant de créer la Galerie Simple ?

J’étais enseignante en Arts plastiques mais le mode de fonctionnement de l’Éducation nationale me gêne. En tant qu’enseignante, j’ai essayé d’instaurer un rapport différent à l’œuvre d’art et à la création avec mes élèves de collège. Ce travail était très intéressant mais un peu absurde car j’avais l’impression d’être dans la peau de Sisyphe. J’avais surtout l’impression de ne pas être aidée. J’ai toujours pratiqué les arts plastiques en parallèle, pour moi, au sein d’ateliers. Un jour j’ai eu une avance sur héritage et mes parents m’ont dit que je devais investir « dans des murs ». Mais, comme beaucoup d’enfants de bourgeois, je suis plutôt versée dans l’anarchisme et donc la propriété c’est un peu le vol. Donc j’ai eu du mal à acheter un appartement mais j’ai vu là l’opportunité de m’acheter une boutique qui est devenue la Galerie Simple.

Au départ tu n’avais pas le projet de la Galerie ?

Au début, il s’agissait de mon atelier. J’ai longtemps travaillé dans des hangars, dans des sites industriels isolés du public, et j’avais envie de mon propre atelier. J’ai commencé à y travailler seule. J’y étais contente et je produisais beaucoup. Ce qui était pour moi très bien, c’est que travailler dans un espace ouvert sur la rue, travailler dans une sorte de vitrine – d’abord pour une question de luminosité –, a permis que se développe une relation avec le public. L’atelier n’était pas fermé à l’extérieur et les gens qui passaient dans la rue, devant la vitrine, s’intéressaient de manière spontanée, sans être intimidés, à mes dessins et mes sculptures. Du fait de me voir travailler, de voir les œuvres se réaliser, ils avaient envie de me dire des choses et avaient effectivement des choses à dire. Parfois, c’étaient des conseils un peu lourdingues sur mes œuvres, mais parfois c’était intéressant. Ce qui m’avait frappé en tant qu’enseignante, et que j’ai retrouvé à ce moment-là, c’est que les gens ont l’impression que l’art ça les concerne, une œuvre d’art ça les concerne. Ils ont des idées précises sur l’art mais en même temps la confrontation avec l’art vivant, qui ne correspond pas forcément avec leurs idées, les nourrit, les interroge et les réjouit. C’est à ce moment que je me suis dit que je devais profiter de cet espace, de cette visibilité pour ouvrir l’atelier à des gens dont j’admire le travail, l’engagement. Être artiste est une fragilité, c’est un engagement un peu fou, mais qui correspond à un engagement fort dans un choix de vie, où l’on abandonne l’argent et tout ce qui va avec…

C’est à ce moment, donc, que tu as changé le fonctionnement de ce lieu qui est devenu la Galerie Simple ?

Oui, mais je continue à travailler ici, au milieu des œuvres des autres, dans un coin de la galerie…

Les artistes que tu accueilles, ce sont des gens que tu connais déjà ou ce sont des gens qui viennent d’eux-mêmes te montrer leur travail ?

Les deux. Par exemple, l’exposition actuelle est celle de Marie Deren, qui habite le quartier et qui a vu une affiche de la Galerie Simple. Le nom lui a plu et elle est venue.

Galerie Simple © Jean-Philippe Cazier
Galerie Simple © Jean-Philippe Cazier

Dans cette galerie, tu exposes des œuvres d’artistes, mais la galerie est aussi ouverte à d’autres personnes qui ne sont pas artistes mais qui peuvent y faire quelque chose. Comment ça fonctionne ?

Je ne pouvais pas être tout le temps sur place mais je voulais que le lieu ne soit jamais vide. Donc j’ai ouvert le lieu, en échange d’une rémunération minimale, de quoi participer au payement de l’électricité par exemple. Je l’ai ainsi ouvert à toute personne ayant envie d’avoir une pratique à destination d’un public. Il y a, par exemple, une orthophoniste qui vient ici, qui travaille par ailleurs dans un hôpital psychiatrique, avec des enfants autistes, et qui a développé une pédagogie particulière impliquant l’écriture. Elle a décidé d’ouvrir des ateliers d’écriture afin d’aider les parents et enfants à résoudre certains problèmes liés à la dyslexie ou à des troubles de l’apprentissage. Ce sont des ateliers davantage basés sur le jeu que sur de l’orthophonie pure. Pour elle, c’est bien de ne pas être dans un cabinet et d’être dans un lieu où on trouve en même temps de l’art, des œuvres d’art, que le lieu ne soit pas a priori médical mais créatif. Elle souhaite que les enfants qu’elle accueille soient créatifs. Il y a aussi d’autres personnes qui viennent. Il y a par exemple un prof de guitare qui donne ici des cours particuliers le mercredi…

Amandine André et AC Hello © Jean-Philippe Cazier

Et les écrivains ?

A.C. Hello, que je connaissais déjà, souhaitait faire une résidence ici avec un projet très particulier de poète public. Comme j’admire son travail, j’étais évidemment d’accord. On a trouvé un système qui, bien sûr, n’est pas du tout subventionné ni passant par des canaux officiels. On a voulu expérimenter quelque chose. Elle accueille aussi d’autres auteurs pour des lectures publiques, comme Amandine André aujourd’hui, ou Sébastien Lespinasse qui viendra faire une lecture la prochaine fois.

Est-ce que tu as déjà d’autres projets pour la Galerie Simple ?

Les choses se font avec les rencontres. Par exemple, j’ai découvert un autre atelier, où maintenant je travaille également, qui s’appelle le Shakirail, qui fait partie d’un collectif d’artistes. J’y travaille à un projet de céramique. J’apprends beaucoup avec ce collectif qui a un fonctionnement autogestionnaire que j’ai toujours recherché. J’ai très envie que la Galerie Simple soit liée à ce qu’ils font, à l’occasion de projets qui auraient besoin d’un espace comme celui-ci. Il y a déjà des expos avec eux qui sont prévues jusqu’à l’année prochaine. Les choses se font ainsi, naturellement, par des rencontres. Je n’ai pas du tout envie de rentrer dans d’autres dispositifs, avec appels à projets, candidatures, et ce genre de choses. C’est la rencontre avec des gens et des œuvres qui m’intéresse, et peut-être avant tout des gens.

Galerie Simple, 26 rue du Simplon, 75018 Paris.

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Depuis le 20 novembre 2015, et pour une durée indéterminée, l’écrivain A.C. Hello est en résidence à la Galerie Simple pour un projet de poète public. Elle y propose, après un entretien personnel, d’écrire un texte poétique sur le sujet choisi par la personne rencontrée et à laquelle le texte sera remis. Chaque texte ainsi rédigé pourra donner lieu à une lecture publique par A.C. Hello à la Galerie Simple. L’ensemble donnera lieu à la publication d’un ouvrage.

En collaboration avec la revue Frappa, A.C. Hello invite régulièrement des auteurs pour des lectures publiques de leurs œuvres ou de textes inédits dans l’espace de la Galerie Simple.

Les prochaines expositions de la Galerie Simple : « C’est l’intention », exposition collective, du 10 au 23 décembre ; François-Henri Galland, du 8 au 27 janvier 2016 ; Zeynep Perincek, en avril-mai 2016.

Toutes les informations sont disponibles auprès de la Galerie Simple ou sur la page Facebook de la galerie

Le site de Marie Deren, qui était exposée à la Galerie Simple jusqu’à la fin du mois de novembre

Le site du collectif Shakirail