Parue aux éditions Gaïa en 2012, La Cuisine totalitaire de Wladimir et Olga Kaminer trouve une seconde vie en poche chez Babel. Traduit de l’allemand par Max Stadler et Lucile Clauss, illustré par Vitali Konstantinov, ce livre révèle la cuisine russe (ou soviétique, la nuance est explicitée dans la préface) et l’étendue de notre ignorance de ses secrets. Le comble du luxe n’y est pas le caviar mais l’ananas. Une manière de rappeler, par le biais d’anecdotes et d’un humour jamais démenti, combien la cuisine appartient à la culture et la connaissance des plats d’un pays à une forme d’ethnographie.
Ne vous arrêtez surtout pas à la formule ironique expliquant que « la cuisine russe (…) est composée de cinq plats de base qui n’ont qu’un seul but : remplir rapidement l’estomac ». L’ex-URSS, c’était quinze républiques, bordant l’Europe et l’Asie, soit une palette de goûts, saveurs et influences incroyables. Un « rasstegaï », l’une des plus anciennes spécialités russes, une tourte garnie de différentes farces, soit l’analogon de l’Union soviétique, « entre Moscou et l’Oural, d’innombrables peuples et cultures cohabitaient, superposés, soigneusement enveloppés dans l’épaisse pâte de l’autonomie socialiste ».
Et le livre s’offre comme un recueil de ces lieux, de l’Arménie à la Russie du Sud, en passant par la Biélorussie — et sa spécialité de pommes de terre sautées, désormais accompagnées de cuisses de poulet à l’américaine surnommées là-bas les « cuisses de Bush » ! —, la Géorgie, l’Azerbaïdjan, la Sibérie, l’Ukraine, l’Ouzbékistan, la Lettonie, le Tatarstan. Beaucoup de betteraves, des louches de mayonnaise parfois, des cornichons, de la vodka (sur laquelle se ferme le livre) et quelques recettes aux accents politiques, comme celle choisie pour finir ce rapide tour d’horizon.

Wladimir et Olga Kaminer, La Cuisine totalitaire, traduit de l’allemand par Max Stadler et Lucile Clauss, dessins de Vitali Konstantinov, Actes Sud, Babel, 221 p., 7 € 70.