Alors qu’il parle de la poésie, Jean-Marie Gleize commence par parler d’amitié, de fenêtre ouverte, de la main d’un ami décédé – de l’amitié, d’un art des relations gratuites, rencontrées dans le hasard du monde. L’ami, c’est celui avec qui l’on habite, même si l’on n’habite pas avec lui – l’amitié est une maison commune, même si la maison est faite de distances, une maison de papier. Nous creuserons l’épaisseur du papier, dit Jean-Marie Gleize, sans autre bruit que celui de l’eau, le bruit du vent. L’amitié, c’est déjà la poésie, et la politique.
Jean-Marie Gleize dit qu’il faudrait sortir, aller dehors, inventer quelque chose. Il parle à la fois de poésie et de politique. La sortie est toujours interne, dit Jean-Marie Gleize, on sort de la poésie dans la poésie, de la politique dans la politique. La sortie est toujours à refaire, à recommencer et recommencer encore, sinon il n’y a plus de vie peut-être. Il n’y a pas de sortie sans sortir, un mouvement toujours remis en marche, comme chez Francis Ponge ou Denis Roche. « Ainsi le peuple revient. L’herbe pousse et repousse ».
Il s’agit de regarder le sol, pour écrire, essayer d’avancer dans l’opacité du réel, à l’aveugle, à travers le même livre dont le processus est interminable – puisqu’il s’agit toujours de sortir.
Jean-Marie Gleize dit que le communisme est un moyen d’intensifier la joie. Il n’y a pas de définition du communisme, dit-il, ce que je cherche est la signification que je pourrais donner au communisme, qui ne peut être que cherchée : c’est toujours une question, non une réponse, sans définition possible, l’hypothèse communiste. Une alter-poétique et une alter-politique, la poésie et la politique ne pouvant qu’être autre, l’une par l’autre, sans cesse.
Construire des choses précaires, dit-il, éphémères, même lorsqu’elles durent. Que l’on peut construire ici ou ailleurs. Comme des livres, ou des revues, des amitiés. Il faut aussi accompagner le travail des autres pour ne pas que ce travail se détruise, soit détruit : la lecture comme amitié, encore, comme l’écriture, la politique.
Écrire, c’est être différent, toujours inventer une autre poésie, hors de la poésie, toujours à inventer, sans modèle, toujours en cours d’invention. Il parle ici de la poésie et de la politique. Il parle de l’eau, des arbres, de la poussière qui vole et s’envole. Comme l’ami, la poésie, l’impossible communauté communiste. Comme le livre.
Il faut construire des cabanes est un mot d’ordre politique et poétique. Notre nom est écrit dans l’eau, bientôt nous n’aurons plus de noms, nous serons libres, il faut construire des cabanes.
Écrire, c’est s’éloigner, se déplacer. C’est comme construire des choses fragiles, éphémères, des choses bricolées comme une amitié, une politique, un livre : « Nous construisons des cabanes. Nous nous déplaçons ».
Écrire, c’est tracer des chemins au crayon.
Nous habitons vos ruines, dit Jean-Marie Gleize, des phrases comme des projectiles.
Jean-Marie Gleize, Le livre des cabanes, Seuil, mars 2015, 176 p., 16 € 50