Une voix s’est tue, celle d’un ami et d’un immense écrivain, artisan d’une œuvre touchant à la poésie, au roman, à la nouvelle, au dessin et à la peinture, auteur d’une production patiemment élaborée comme une invitation au voyage et au merveilleux, délibérément placée sous l’aiguillon du désir, probablement le signifiant majeur ayant aimanté son exigeant travail de la langue.

« Jean campait dans son mirage » : cette phrase extraite Garonne in absentia, à la page 57, concentre un roman dans lequel un homme blessé s’obstine à essayer de comprendre ce qu’il lui arrive, pourquoi son couple s’est disloqué. Qui a lu les trois précédents récits de Jean-Michel Devésa, Bordeaux la mémoire des pierres, Une fille d’Alger et Scènes de la guerre sociale, ne sera pas étonné(e) d’entrer sans sommation dans ce nouveau roman mais avec des indices palpables de la plongée existentielle à laquelle le texte l’invite.

Dans son précédent roman, Bordeaux la mémoire des pierres, Jean-Michel Devésa se focalisait sur la métropole aquitaine, où se déroulaient et s’entrechoquaient deux épisodes survenus en 1962 et en 2013. Le lecteur pouvait observer l’incroyable différence qui grésille entre deux événements éloignés dans le temps et qui pourtant se répètent. Cette fois-ci, presque tout se passe à Alger, dans une durée ramassée entre le 8 février 1960 et le 3 juillet 1962.

« D’une mémoire de pierre l’autre, émergent alors une fable et la lèche saline corrodant la coque d’un paquebot de la Compagnie générale transatlantique peut-être dérouté de sa ligne ordinaire pour arracher une meute désemparée à sa terre et aux menaces pesant sur elle. Au milieu de cette foule partagée entre la panique et le désarroi, une femme, les yeux ouverts les lèvres closes ».

Patrice Nganang avait été arrêté et emprisonné à Yaoundé le 6 décembre dernier. Son procès, négation de toute liberté d’expression devait avoir lieu le 19 janvier prochain (Lire ici l’article de Jeune Afrique). L’écrivain a finalement été expulsé du Cameroun vers les États-Unis la semaine dernière. Comme l’écrit Timba Bema dans une tribune publiée dans Libération, « Il n’est plus à démontrer que le Cameroun est une tyrannie à l’agonie » qui « pousse à l’exil ses meilleurs talents et veille à les y garder ». La parole y est surveillée, toute critique ou volonté de changement sévèrement réprimées.

Read to make Patrice Nganang free,
Lire pour que Patrice Nganang soit libéré.
Le procès de l’homme révolté, négation de toute liberté d’expression aura lieu le 19 janvier prochain (Lire ici l’article de Jeune Afrique).
Une pétition en soutien de Patrice Nganang peut être signée ici.
Diacritik relaie une campagne à l’initiative de Timba Bema et de Jean-Michel DevésaLire pour que Patrice Nganang soit libéré.
Aujourd’hui, un extrait de La Saison des prunes par Jean-Michel Devésa.