Les parutions de Johanne au Tripode et du Charivari au Cadran Ligné sont l’occasion d’aller à la rencontre d’un écrivains des plus singuliers. Les textes de Marc Graciano sont contemporains parce qu’archaïques et ce paradoxe fécond leur donne leur patine particulière. Depuis Liberté dans la montagne en 2013, son œuvre s’est étoffée, radicalisant peu à peu ses procédés stylistiques et narratifs tout en diversifiant ses arcs esthétiques. Entrer dans les rouages de cette œuvre dans le monde d’aujourd’hui, c’est saisir les modalités particulières d’une conjonction entre une langue extrêmement stylisée, neuve autant que vieille, et le rapport de l’écrivain à une fiction première et primale, revenue de l’aube des récits.
éditions Le Cadran ligné
À l’occasion de la parution des Grandes soifs de Joël Cornuault, du Charivari de Marc Graciano et de Chiffreurs et Bousingos d’Alexandre Prieux aux éditions Le Cadran Ligné, Pierre Vinclair s’est entretenu pour Diacritik avec Laurent Albarracin, poète et directeur des éditions.
Avoir le goût des formes brèves, des livres peu épais – on dit parfois “plaquettes”, sans que l’on sache si c’est en lien avec le beurre ou avec le sang. Aimer les pages envahies de blanc, pas nécessairement de poésie – mais c’est en ce domaine qu’on en trouve le plus. Avoir le goût d’accumuler ces petits ouvrages, parfois délicatement fabriqués à la main jusqu’à former de sacrées piles, devenues “monstres” (n’oublions pas ce titre trouvé par Jean-Pierre Faye en 1975 pour le n°23 de Change : Monstre poésie).
Et une fois de plus, écrivant non au fil de la plume, mais au crayon et à la gomme, le prétendu critique s’aventure du côté de la chronique. Il note en passant que ces deux mots ont six lettres en commun : crique, soit le lieu d’abordage qui ouvre sur les sentiers du terrain vague. Il fait attention de bien écrire crique, et non cirque – ou alors en accordant à ce dernier mot un sens lunaire, notre chroniqueur l’étant forcément un peu (dans la lune), surtout quand il esquisse ses “papiers” en marchant, ou en rêvant.
« le gyrovague dit qu’il descendirent le cours de la rivière près de la source de laquelle le petit homme avait établi sa hutte, et le gyrovague dit que c’était l’unique rivière qui serpentait sur le plateau,