« le gyrovague dit qu’il descendirent le cours de la rivière près de la source de laquelle le petit homme avait établi sa hutte, et le gyrovague dit que c’était l’unique rivière qui serpentait sur le plateau, que sans doute elle quittait en cascadant par sa plus douce pente, d’un autre côté que celui par lequel ils étaient montés, et qu’elle sinuait au fond d’un faible vallon herbu, alimentée par beaucoup de ruisseaux qui couraient partout sur le plateau et desquels le cours n’était guère plus gros qu’un bras humain, des ruisselets à l’aigue très vive et pure qui glissait sur l’herbe du plateau, et qui couchait l’herbe et la rendait fluente comme une longue chevelure verte, dit le gyrovague, et le gyrovague dit que cette rivière n’était pas très large et qu’un homme athlétique, en prenant bien son élan, pouvait facilement traverser son cours d’un seul bond, et le gyrovague dit qu’ils franchirent plusieurs fois son cours afin de choisir, chaque fois, le côté de la berge le plus praticable, mais qu’ils ne le franchirent par saut, mais par gué, utilisant les naturels ponts que faisaient les crêtes de barrages naturellement constitués de gros galets moussus, et que l’eau était si pure, qu’immobile, elle eût paru inexister, et le gyrovague dit que les berges étaient peuplées de saules au feuillage gris, et de peupliers trembles desquels les feuilles bruissaient dans le moindre accès de vent, et le gyrovague dit que les berges étaient parfois colonisées de phragmites, d’un vert encore très tendre en cette époque de l’année, quoique leurs sommités fussent porteuses d’un plumet de petites graines noires, et d’autres fois de beaucoup de plantes riveraines, parmi lesquelles, aux places peu inondées des berges, il y avait beaucoup d’une menthe aquatique au parfum tellement puissant qu’il remplissait l’air de fragrances mentholées et, là où l’aigue était plus profonde et moins courante, beaucoup de cresson »
Marc Graciano, Le Soufi, Le Cadran ligné, septembre 2020, p. 53-54.