Contester le désastre n’est plus guère possible. La vie est en train de s’effondrer sur Terre. La très prudente ONU parle de menace existentielle directe, les scientifiques pointent le risque d’extinction d’un million d’espèces à court terme. Il ne reste plus que quelques marginaux insignifiants pour douter de la gravité de la situation. En revanche, tout est plus complexe dès qu’il s’agit de penser les causes ou de proposer les solutions.

L’enquête menée par Jean-Baptiste Malet sur « l’histoire méconnue d’une marchandise universelle », parue en 2017 chez Fayard, vient de paraître en poche chez J’ai Lu. L’occasion pour un large public de comprendre ce qui se cache derrière les appétissantes boîtes de sauces et autres ketchups de nos placards, en quoi la tomate est le concentré de nos systèmes économiques et sa couleur rouge celle du sang de centaines de milliers de travailleurs exploités, voire esclavagisés, de par le monde.

Parmi les capacités éprouvées et conjuguées de la politique française, il en est certaines qui  surpassent récemment toutes les autres : la franchise brutale, l’approximation et le double jeu. Ces qualités semblent appréciées puisqu’elles elles portent depuis des décennies des candidats au pouvoir. Est-ce là l’esprit français dans son intimité la plus inavouable, son logiciel le plus édifiant ? Parmi ces manifestations, un argument révèle les mystères de la représentation publique : La théorie du ruissellement.

À Besançon en 1973, des ouvriers de l’usine Lip, fleuron de l’horlogerie française, découvrent par hasard que l’actionnaire majoritaire compte réduire l’activité de manière drastique et procéder à de nombreux licenciements. S’ensuit alors une action collective qui va durer près d’une année. De ce que l’on a appelé depuis « l’affaire Lip », Laurent Galandon et Damien Vidal ont tiré un roman graphique sensible, témoignage du combat historique des salariés pour la survie de leur entreprise : Lip, Des Héros ordinaires.