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Comment aborder Poésies d’Herman Melville, ce recueil “monstre” que viennent de publier les éditions Unes ? Peut-être en commençant par lire la longue et éclairante préface de son traducteur, Thierry Gillybœuf : “C’est vraisemblablement cette démesure du souffle melvillien qui n’a cessé d’alimenter, de son vivant, l’incompréhension entourant son œuvre”.

De recueil en recueil, depuis bientôt une vingtaine d’années, Suzanne Doppelt s’est imposée comme l’une des voix majeures de la poésie contemporaine. Son dernier recueil, Et tout soudain en rien qui paraît chez P.O.L, vient confirmer son remarquable travail à la croisée de la voix et de l’image. Après avoir interrogé la peinture, Doppelt s’intéresse ici avec force sur la prégnance du visible, son rapport au dicible à travers l’énigme de la photographie au cœur de Blow Up d’Antonioni. Remake de ce film aux prises avec une enquête sur les fantômes de l’image, Et tout soudain en rien sonde le rapport de la captation de l’image au monde, aux mots. Autant de pistes que Diacritik ne pouvait qu’explorer en compagnie de Suzanne Doppelt le temps d’un grand entretien.

Nico attend son homme, l’araignée sa mouche et untel son heure mais de ça rien, on n’attend évidemment rien, l’attente, d’autant plus vide, commence quand il n’y a plus rien à attendre mais on s’attend à ce que tout se poursuive identique avec ce rictus propre à la jouissance du pouvoir. Pour copier Hugo, qu’on attend toujours à la Table, les petits marquis ont le jour, les peuples tardent à avoir le lendemain.

« Il fabrique des images sans caméra ni décor, des instantanés qui traversent l’air timidement, à l’allure d’un fantôme et à l’air d’un éclair », glisse Suzanne Doppelt au cœur de son somptueux Rien à cette magie comme en exergue aux riches rencontres de ces 12è Enjeux contemporain qui, en cette journée du 24 janvier à Nanterre, ouvrent à ces écrivains qui entendent imager la phrase.

Dans l’ensemble des livres de Suzanne Doppelt, et plus précisément de Totem (2002) à Vak spectra (2017), dans Le pré est vénéneux (2007) ou La plus grande aberration (2012), textes et photographies s’agencent dans un travail de combinaison rythmant l’écriture à la fois littéraire et photographique. Les photographies en noir et blanc se composent souvent par séries ou planches selon différents formats.