« Monsieur Sabir… Téléphone ! »
Il bondit sur ses pieds, les sens en alerte, et se précipita vers le comptoir. Est-ce qu’enfin… ?
Il se prépara tout entier à cet appel tant attendu.
« Allô ?
— Vous êtes la personne de l’annonce ?
— Oui », répondit-il, sentant un flot de larmes de réconfort sourdre sous ses paupières. « À qui ai-je l’honneur ?
— Je crois être celui que vous cherchez.
— Sayyid Sayyid al-Rahimi ?
— Oui.
— Vous êtes l’homme de la photo ?
— Oui. »
Il déglutit avec difficulté et reprit d’une voix tremblante : « Comment puis-je vous rencontrer ? Dites-moi où…
— Mais pourquoi voulez-vous me voir ?
— Nous en parlerons lorsque nous nous verrons.
— Je préfère que vous m’en parliez d’abord.
— C’est très difficile au téléphone. Il faut absolument que nous nous voyions.
— Puis-je savoir qui vous êtes ?
— L’annonce fait état de mon identité.
— Mais que faites-vous, quelle est votre profession ?
— Je suis rentier.
— Pourquoi voulez-vous me voir ?
— Vous le saurez au lieu et à l’heure qui vous conviendront. »
La voix se tut un instant puis reprit : « Venez maintenant. Voici l’adresse : Villa n°15, rue Tilbana, à Shubra. »
Il demanda à Am Khalili et Am Muhammad s’ils savaient où c’était, sans succès.
« Les rues changent de nom toutes les heures, va à Shubra et renseigne-toi là-bas », lui conseilla As-Sawi.
Il s’y rendit donc et passa sa journée à chercher et à questionner, aiguillonné par une obstination fébrile, mais il ne trouva personne qui sût lui indiquer la rue. Lorsqu’il fut las de tourner en rond, il alla au poste de police du quartier où on lui assura qu’une telle rue n’existait pas. Il sombra dans le néant du désespoir. Avait-il mal entendu ? Lui avait-on joué un tour ? »
Naghib Mahfouz, La Quête (1964), traduit de l’arabe (Égypte) par France Meyer, Folio, 1999, pages 66-67.
