Dieu n’a pas réponse à tout (Benacquista & Barral) : le SAV des démissions

Dans le langage courant et dans le jargon technico-commercial, le service après-vente (SAV) est un service qu’une entreprise propose à ses clients pour la mise en marche, l’entretien et la réparation d’un bien que cette entreprise a vendu ou pas. Que se passerait-il si la grande entreprise de Dieu, père et fils avait sous-traité la prestation à des techniciens nommés Gandhi, La Callas, Victor Hugo ou Michel Audiard ?

En 2008 paraissait le deuxième tome de Dieu n’a pas réponse à tout, déjà signé Barral et Benacquista et déjà une bouffée d’optimisme dans une époque gouvernée par l’individualisme, la peur de ne pas réussir sa vie ou de se dire qu’on est en train de passer à côté des meilleurs moments. Dans Dieu n’a pas réponse à tout, plutôt que de s’en remettre à une hotline déshumanisée au coût d’un appel local ou via un serveur surtaxé, les auteurs ont imaginé que le très haut a décidé de déléguer ses pouvoirs à ceux dont la compétence, l’expérience et la notoriété ne sont plus à démontrer.

© Dargaud

Comme dans les deux premiers épisodes, Dieu est toujours bien en peine de pouvoir intervenir urbi et orbi face aux malheurs des hommes, pour réparer ici et là des injustices, corriger des trajectoires mal négociées, pour tenter de remettre dans le doit chemin les ouailles égarées de notre époque formidable. Quand bien même il dispose d’écrans de contrôles, de systèmes d’écoute et des basses de données homériques, le Dieu de Benacquista et Barral sait pourtant qu’il faut savoir s’adresser à des spécialistes quand la situation l’exige.

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Humanistes, optimistes et rafraîchissantes, les saynètes de Barral et Benacquista ont toutes pour point de départ des situations terrestres peu enviables : qu’il s’agisse d’un entrepreneur cynique ou d’un individu lambda dont la haute opinion qu’il a de lui-même le pousse à mépriser son prochain, Dieu ne peut s’empêcher de vouloir intervenir. Pour arriver à ses fins, il en appelle alors à ses consultants de luxe pour renverser le cours des destins : le Mahatma Gandhi pour enseigner le dénuement et l’humilité au businessman ; Audiard et son verbe incisif pour influencer l’imbécile convaincu que les cons c’est les autres ; Victor Hugo pour guider un escroc vers la rédemption ; Maria Callas pour apprendre à une jeune chanteuse prometteuse comment ne pas brûler les étapes.. Porté par le dessin réaliste, le trait fin de Nicolas Barral et les couleurs magnifiques de Marie Barral, Dieu n’a pas réponse à tout déjoue le piège de la répétition avec une mise en scène soignée et des cadrages précis qui  ne font jamais retomber le rythme. A l’écriture, Tonino Benacquista est tout autant dans l’hommage aux figures qu’il convoque que dans la critique taquine des grands travers de notre société. Surtout, les situations choisies permettent de célébrer les personnalités de ces role models d’avant Internet, figures historiques, personnages de fiction célèbres, acteurs des arts et des sciences. Et quand ces derniers s’appellent Hugo, Callas, Gandhi ou Audiard, on se dit que le statut d’influenceur a bien changé avec le temps…

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Drôle, intelligent et sobre, le troisième volet des aventures de Dieu en responsable du service après-vente et de son équipe technique est une bulle d’optimisme, une pause qui invite à la réflexion : les arts, la culture, l’histoire, la mémoire sont des ciments sur lesquels les hommes peuvent s’appuyer, se construire. Le Dieu.0 de Benacquista et Barral l’a compris, il n’a pas réponse à tout, l’important est de (bien) savoir déléguer.

Benacquista & Barral, Dieu n’a pas réponse à tout (mais il sait déléguer), couleur Marie Barral, 64 p., éditions Dargaud, 16 €