C’est le dixième album studio de Saint Etienne, groupe dont l’histoire couvre 30 ans de musique électro-indie anglaise. Dans I’ve been trying to tell you, le trio, au sommet, se sample lui-même en revenant vers la période dorée du tournant du millénaire, juste avant que deux grandes tours tombent.
Que tentent-ils de nous dire dans ces huit chansons uniquement basées sur des samples et enregistrées à distance, confinement oblige ? Bob Stanley, Pete Wiggs et Sarah Cracknell se souviennent des années 1997-2001 en passant par l’épaisseur du rêve, celle qui traverse les synthés sans s’attacher à une démonstration de force technologique ou rythmique. Celle qui se laisse porter par la pureté de la mélodie. Ils disent que la seule force de leur discographie y naît. Que la dernière lueur politique anglaise s’est éteinte avec les renoncements travaillistes de cette fin des années 90 et qu’il est judicieux, au-delà de la hype entourant ces temps-ci tout ce qui s’attache aux nineties, de reprendre ces ébauches musicales et de réfléchir à leur contexte historique. Qu’ainsi, nous n’avons d’accès au réel que par la mémoire et que son imperfection est sa chance. Qu’enfin cette mémoire ne s’ouvre en retour que dans la musique, nécessairement.

Alors dansons. C’est ce que dit Music again, le titre d’ouverture tout autant que le parfait single Pound House qui chuchote simplement son doux refrain Here it comes again. Dans Little K, où des chants d’oiseaux ouvrent vers la boucle spiralée d’une harpe et d’une basse à la profondeur d’onde marine, on est dans le cœur lumineux de la ligne Saint Etienne et Sarah Cracknell y parle-chante : No reason to pretend. In my reverie, the wind will carry me. Elle répète : Pas besoin de faire semblant. Dans ma rêverie, le vent me portera. Et puis, boucle sans chant qui se désaxe délicatement comme une envolée sérielle de Steve Reich ou de Philip Glass, Blue Kite – qui pourrait tout à fait être le nom d’un ecstasy – est un des grands moments du disque tout comme Penlop, muse qui a perdu deux E. Dans I remember it well, on avance vers le croisement qui lie Saint Etienne à The Avalanches et à Slowdive, deux autres formations de la même galaxie pop profondément intelligente. Qu’est-ce que l’Angleterre ? Quel est son style ? Quel est ce son qui fascine le monde depuis tout ce temps ? Les réponses tournent dans ce disque.
Saint Etienne, I’ve been trying to tell you, Heavenly Records / PIAS, sortie le 10 septembre 2021.
Le disque est accompagné de la sortie d’un film réalisé par le photographe et cinéaste Alasdair McLellan.