« Une fois ôtés les deux cadenas qui tiennent ma porte close, l’odeur familière vient me chatouiller les narines. Une odeur composite, dominée par celle de moisissure. L’immeuble ayant été construit sur un terrain en pente, l’entrée est de plain-pied, mais mon studio, dans la partie de la bâtisse qui regarde vers le haut de la colline, est à moitié en sous-sol. Des barreaux de fer protègent une petite fenêtre rectangulaire au niveau de la rue. Quand je l’ouvre, j’ai vue sur les jambes des passants. Les murs ont été mal imperméabilisés. De l’humidité suinte constamment sur celui du fond — l’été à cause de la moiteur de l’air et l’hiver à cause de la différence de température entre l’intérieur et l’extérieur. Des moisissures se sont définitivement incrustées. Cela a empiré l’été dernier lorsque, pendant la mousson, la pièce a été inondée. Kim Minwoo dit que, quand on habite dans un endroit pareil, on risque d’attraper des maladies même quand on est de santé robuste. Il a refait la tapisserie après avoir couvert les murs d’un enduit imperméabilisant et posé par-dessus une couche de polystyrène. N’empêche que cet hiver, les moisissures se sont répandues de façon rampante. Et cet été, bien qu’il ait plu moins que d’habitude, elles ont encore laissé des traces. Je me suis acharnée à les nettoyer à l’eau de Javel en frottant avec une serpillière. Lorsque, étendue sur mon matelas, je laisse errer mon regard sur les larges traces qui disgracient les murs, j’ai du mal à respirer, envie de hurler, je suis à deux doigts de la crise de nerfs. Ce qui m’aide à tenir, c’est de me dire que pendant les quelques mois de la saison sèche, ce sera supportable. Dans la pièce, j’ai réussi à caser mes modestes possessions — ça fait quand même pas mal de choses : mon matelas, une gazinière, un micro-ondes, un réfrigérateur de taille moyenne, une machine à laver installée dans le réduit sombre à côté du coin cuisine, un petit bureau en contreplaqué et sa chaise, une armoire et deux néons, un dans la pièce et un autre dans le coin cuisine. Si la propriétaire ne se plaint pas malgré un ou deux mois de loyer en retard, c’est qu’il ne lui serait pas facile de trouver une locataire comme moi. Moi non plus je ne suis pas en mesure de formuler des exigences. »
Hwang Sok-yong, Au soleil couchant (2015), traduit du coréen par Choi Mikyung et Jean-Noël Juttet, Éditions Philippe Picquier, 2017, pp. 101-102.
