Émouvant et fort : tels sont les termes qui viennent à l’esprit à peine la lecture achevée de Dans ta voix, tous les visages disent Je de Serge Ritman qui vient de paraître chez Tarabuste. En autant de poèmes, Ritman dévoile un chant nu, celui qui va à la rencontre d’une aventure plurielle : qui part du corps et de la jouissance de l’autre pour l’élargir au film du monde, un monde où le soulèvement serait celui d’un peuple. C’est peu de dire que la poésie de Ritman dépasse le lyrisme : elle l’élargit à la pulsion politique du vivre. Autant de sujets que Diacritik ne pouvait manquer d’aller évoquer en compagnie du poète le temps d’un grand entretien.
Ma première question voudrait porter sur la genèse de votre nouveau et fort recueil, Dans ta voix, tous les visages disent Je qui vient de paraître. Comment est précisément né cet ensemble de poèmes qui débute par « Comme ton art de presque vivre au jour la nuit » et s’achève sur « Tes années font mon âge » ? Comment l’avez-vous composé ? A plusieurs reprises, le mot d’épopée revient : diriez-vous, comme un éclatement générique ultime ou son continuum enfin trouvé, que Dans ta voix, tous les visages disent Je propose une manière inédite d’épopée lyrique, de récit épique de la voix intime ? En seriez-vous d’accord ?
Cher Johan Faerber, vous allez droit au cœur de ce qui me mobilise dès qu’écriture, à laquelle il faut aussitôt associer les essais et les lectures car tout marche ensemble et relève d’un indéchirable du vivre. C’est que le récit et le chant, dans la vulgate scolaire bien installée, résument respectivement les genres épique et lyrique. Pourtant, les expériences littéraires depuis toujours ont su faire tenir la narration par le récitatif et la voix par la relation, car il n’y a pas que le contemporain qui a tenté de défaire ce dualisme. Deux de mes essais abordent ces problèmes et tentent de défaire ces dichotomies paralysantes tant pour l’enseignement que pour la recherche littéraire : Poétique de la voix (2014) et Voix et relation (2017). Aussi, dès que l’aventure du poème s’ouvre, j’aime porter cette tension à des points d’intensité que j’appelle des points de voix dans une tradition qui va de Hugo et ses petites épopées à Péguy et sa sonorité générale, sans oublier Apollinaire et ses poèmes conversations ou Tsvetaieva et son tomber dans tomber et, bien entendu, mon cher Ghérasim Luca et son s’asseoir sans chaise. Mais on pourra revenir sur ces expériences, et quelques autres « là-bas où la voix / s’étrange » (p. 38), qui font quelques-unes de mes références si ce n’est de mes reprises.
Il me faut d’abord préciser que ce livre s’est écrit dans la poursuite des précédents et surtout de Tu pars, je vacille (2015). Ce dernier était un « roman de rimes », long flux vocal brassant des accélérations et des piétinements pour faire tenir ensemble cris et silences, histoires et légendes, danses et randonnées et surtout passions et désespoirs. Le tout cherchant à donner le vertige, ou des sensations semblables, que ce soit au niveau des références sémantiques comme au niveau des prosodies. Dans ta voix, tous les visages disent je continue ce mouvement d’écriture avec toutefois une tension, qui n’existait pas dans le précédent, entre livre et recueil puisque, si le précédent constituait vraiment un livre sur 172 p. à la typo serrée, ce dernier tient des deux et donc d’un tiraillement entre le fragment, l’instantané, et le flux, le duratif. Des dix morceaux du livre, certains vont à la première manière quand d’autres engagent la seconde même si la tension reste au cœur de chacun des morceaux et de l’ensemble. C’est que la pluralité sous les formes du multiple et du divers ne cesse de se confronter à l’utopie du continu et des solidarités : ce qu’avec le battement de la virgule le titre tente de faire sentir voire d’organiser rythmiquement ainsi qu’un cantus obscurior pour emprunter à Cicéron (/t/, /v/, /d/ et la féminine /ʒ/), lequel s’essaie souvent sans le savoir tout au long du livre jusqu’à la « biche » qui fait entendre en allemand le je du titre (le contexte sémantique p. 39 et prosodique p. 144 permettent cette écoute), me suis-je dit en relisant pour vous.
Le livre est donc né à la fois d’un assemblage de textes écrits dans des circonstances très différentes et parus dans des revues ou en plaquette – c’est le cas pour six des morceaux de Lundi matin à AKA en passant par Triages, Le Sac du semeur, Tempestaire, Résonance générale et Contre-allées – et d’un rythme de livre qui, après une introduction sous le signe de l’adresse (« je t’écris »), engage une longue lettre d’une bonne vingtaine de pages à l’allure éperdue pour faire entendre le pluriel dans le singulier et le politique dans l’intime. Les morceaux qui suivent vont alors rejouer ces « vitesses », plus rapidement ou plus lentement, « d’instantanés en infinités » (p. 82). Effectivement, je dirais après vous qu’on peut y entendre une recherche qui relève de l’épopée de voix, c’est-à-dire de l’histoire d’une voix qui se pluralise et inversement d’une voix qui advient par les histoires de plusieurs voix. Si le dernier morceau, « Tes années font mon âge », fait signe vers un livre plus ancien, À l’heure de tes naissances (2007) repris en grande partie dans le précédent livre, Ta Résonance, ma retenue (2017), c’est justement pour resserrer cette quête incessante des commencements dès que soulèvement. Ce soulèvement qui est la figure orientant le recueil vers le livre avec cette citation en exergue du poète trop méconnu Bernard Vargaftig (1934-2012) : « Les soulèvements sont si proches ». J’aime rappeler que j’ai écrit un petit essai sur son livre Dans les soulèvements, paru en 1998, dont elle est extraite (La Poésie dans les soulèvements) et je regrette que Georges Didi-Huberman n’ait pas fait allusion à ce livre puissant, au titre explicite, dans ses travaux et expositions qui bien évidemment m’ont nourri intensément.
Une utopie est au cœur de l’écriture de Dans ta voix, tous les visages disent Je pour que, sous chaque voix, il y ait toute une histoire à écouter, et qu’avec chaque histoire, la naissance d’une voix pleine de voix (au pluriel) advienne. Du coup, la genèse de son écriture deviendrait plutôt celle de sa lecture avec ces notions que reprennent les titres des morceaux : « traversées », « entrer dans ta danse », « renversements », « interférences » et évidemment son titre qui appelle un tel devenir : que la lecture donne de la voix jusqu’à ce que la cacophonie fasse démocratie, que tous les visages disent Je. Il me resterait à citer Baudelaire, dans son salon de 1846, contre lui-même – mais n’est-il pas traversé par cette contradiction qui rend Delacroix possible avec et par tous les autres, même les plus mauvais peintres du moment –, car au fond, contrairement à ce que déclare Baudelaire (peut-être par antiphrase !) je préfère les « ouvriers émancipés » aux « écoles » : « turbulence, tohu-bohu de styles et de couleurs, cacophonie de tons, trivialités énormes, prosaïsme de gestes et d’attitudes, noblesse de convention, poncifs de toutes sortes, et tout cela visible et clair, non seulement dans les tableaux juxtaposés, mais encore dans le même tableau ». J’aime les mélanges : « augmente // tes ailes claires / pas gardien mon ange mésange / nos mélanges // alors on ouvre tu / le poème trouve / s’arrêter sans arrêt » (p. 123). Il y a une dizaine d’années, déjà dans Claire la nuit (2011) une sorte de manifeste fermait le livre : « il y a mélanges et mélanges ou comment désaccorder le tu pour trouver la relation » !
Comme un écho diffracté de vos travaux critiques, Dans ta voix, tous les visages disent Je poursuit, sur une modalité autre, à la manière d’une « poétique en actes » selon vos propres termes, vos réflexions et vos interrogations sur la voix, la tessiture et la puissance vocale, de résonance, du poème. Dès le titre, la voix est mise en exergue et se voit liée au visage : la voix n’est pas, chez vous, une puissance immatérielle, mais doit se rendre visible et lisible. C’est une matière nue, un apparaître, celui donc des traits de l’aimé, tant la voix s’impose pour vous comme un dicible qui doit accéder au visible. « Voir les voix », est-ce l’intime visée de votre recueil ?
Oui ! S’effectue par ce titre une double reprise (de voix !) : celle qui continue le titre de l’essai L’Impératif de la voix (2019) qui s’ouvrait par cette formule que vous reprenez, « Voir les voix » ; celle qui tente de repenser vocalement la démarche philosophique d’Emmanuel Levinas que je n’avais qu’esquissée dans mes recherches autour de la notion de relation et, s’agissant du poème, de résonance. Ce livre n’est certainement pas une réponse assurée mais bien plutôt, oui, une poétique en actes, en essais de dire (clin d’œil à Montaigne) : « sous les yeux / le raconteur plein de voix / montre les visages / à la sortie des usines / toute la lumière fait / relation comme un Manet » (p. 52). Chez Levinas (voir la thèse d’Arnaud Clément, 2017 : Levinas et l’idée de l’infini), on peut observer un parcours du féminin vers le visage tout en pensant une tension que, pour ce qui concerne ma propre recherche, j’avais posée entre volubilité et retenue. Cependant, il y a un passage voire un abandon qui, de l’érotique à l’éthique, ne me convient pas et tient plus d’une pensée du discontinu que du continu voire d’une sortie du langage. En en restant à ce constat par trop lapidaire, j’en conviens, je préfère lui donner la parole en le citant : « J’ai écrit il y a trente ans un livre qui s’appelle Le Temps et l’Autre – où je pensais que le féminin était l’altérité même ; je ne le renie pas, mais je n’ai jamais été freudien. Dans Totalité et Infini, il y a un chapitre sur l’Éros, qui le décrit comme amour qui devient jouissance, alors que de l’Agapé j’ai une vision grave à partir de la responsabilité d’autrui. » (Entre nous. Essais sur le penser-à-l’autre, Le livre de poche, 1993, p. 123). J’ai donc essayé de tenir ensemble poétique, érotique et éthique ne serait-ce que par cet acte de langage possible (dire je) des visages, que le titre du livre engage dès que le poème passe au régime de l’écoute dans ta voix.
Le poème que je cherche ne cesse de revenir aux renversements du « je-tu » qui incluent tous les « nous-vous » possibles, lesquels se doivent sans cesse de maintenir la tension entre intégrité et solidarité dans des subjectivations prosodiques que seul le poème peut mettre en mouvement à l’insu tant de celui qui écrit que de celui qui lit – peut-être plus du premier que du second ! Par exemple dans ce passage : « un peuple sort d’où viennent / nos usines / j’ai l’odeur sur ma veste / je t’embrasse depuis / ma poste et t’envoie la lettre / d’un visage perdu / au cinéma tu viens faire / une toile avec ta peinture / dans mon regard c’est / tes clartés » (p. 53-54). Je pourrais retrouver des événements qui justifient telle ou telle évocation ou formule, comme par exemple le fait que j’ai été pendant sept ans employé des PTT et que ma veste transportait l’odeur d’usine que les sous-sols des services postaux du 9e arrondissement laissaient à leurs employés ; etc. Mais cela ne ferait rien au fait que l’organisation prosodique de ce passage est tenue par une tension consonantique entre /p/ et /r/ avec des variantes en /d-v/ et /t-l/, sorte de chant sous le texte qui met du corps dans le langage, qui produit une érotique non par le dit mais par le dire, ses rythmes et résonances.
C’est donc à voir les voix qu’œuvre le poème, à penser non une altérité abstraite comme chez Levinas, me semble-t-il, mais un concret de la relation par ses à-côtés, ses petites histoires, ses dérives, ses embardées, ses silences aussi et bien évidemment par ses incorporations, ses emmêlements érotiques d’empan bien plus large que les sexuels. Il y a alors une sorte d’allégresse dans cette recherche que j’aime relier à une invention d’enfance, à un « partir bondir » (p. 111), à cette explosion que j’ai connue quand j’habitais au bord d’une cour de récréation et, évidemment, quand j’étais instituteur après avoir été postier : les cris et courses des enfants se déployant dans la cour : « et les bandes d’enfants / crient la vie » (p. 144). J’oserais dire que mon poème cherche cette sensation à la fois vécue par l’enfant et ressentie par qui considère ce phénomène à la hauteur d’une démocratie vive qui a besoin d’air libre : « dans tes cris la nuit ils résonnent / ceux des petits enfants qui savent déjà inventer/ des résistances des méfiances avec » (p. 129). Le poème est cette quête de l’air libre que, dans ce livre, j’ai appelée tous les visages disent Je, tout contre Levinas et certainement tout près d’un des livres de poèmes de Henri Meschonnic, Tout entier visage (2005) qui écrivait : « Pas tout entier visage / non / tout entier tous les visages / je n’arrête pas de changer / […] / et j’ai du mal / à vivre tant d’infini ».
Ce qui ne manque également pas de frapper à la lecture de votre recueil, c’est combien votre poésie est en quête de sensualité, par où les étreintes, nombreuses et répétées avec l’être aimé, offrent presque en continu un poème extrêmement charnel. On ne compte plus ainsi la manière dont le corps est convoqué, approché et caressé depuis la voix elle-même du poète qui cherche puis réalise, au présent comme au passé, l’union avec la compagne. Vous dites ainsi, comme un art poétique ultime : « ta nudité, c’est le noyau poétique de notre relation, c’est l’origine de notre avenir » (p. 70). En quoi pour vous l’érotisme est-il le cœur poétique même de votre diction ? En quoi, par le poème, l’union est-elle rendue enfin possible en mettant finalement les amants comme en hypallage, unir ce qui disjoint pour prendre une formule de Meschonnic que vous citez ?
Mon écriture explore une énonciation en « je-tu » avec ses renversements et autres rythmes amoureux (voir mon essai qui titre « Emmêler » pour son chapitre 6 : Rythmes amoureux. Corps, langage, poème, 2020) et j’apprécie beaucoup que vous évoquiez l’hypallage, cette figure de rhétorique qui pratique une sorte d’échangisme entre termes de catégories grammaticales différentes car c’est bien le poème, s’il fait poème, qui invente sa grammaire – le plus bel exemple maintenant bien connu grâce à Arthur H, c’est le poème « Prendre corps » de Ghérasim Luca (une voix inflammable, Tarabuste, 2018).
Que le langage tienne au corps et que le corps tienne au langage, cela constitue une donnée anthropologique fondamentale. Il s’agit bien, entre corps et langage, d’un attachement tant physique qu’épistémologique, sans compter le sens familier (tenir au corps) de consistance acquise grâce à l’aliment que serait le langage pour le corps et le corps pour le langage. Cette association, qui engage dans le même mouvement intimités et socialités, a toujours été contrôlée par les pouvoirs (politiques, religieux, patriarcaux, éducatifs, économiques, culturels et autres…) depuis toujours, même s’ils ne peuvent jamais venir à bout de cette liberté des corps-langage, de leurs inventions de corps dans et par le langage comme de leurs inventions de langage par les corps. Je ne limiterais pas cette expérience par le poème au seul couple, lequel s’il est lancé par le je-tu, ne saurait se satisfaire d’un arrêt sur plaisir voire sur bonheur à deux réitérant peu ou prou le dualisme bourgeois de la vie privée et de la vie publique, d’autant que son utopie est bien que tous les visages disent Je. La relation amoureuse est pour moi, par le poème, une activité de mise en mouvement des corps-langage sans aucune limite autre que de se cogner aux injonctions et modèles même intériorisés pour élargir sans cesse les résonances dans ta voix et non dans « le comment / taire » (p. 58) : « jusqu’où, tu es mon bout du monde, ma tendue » (p. 66).
Ce que j’aime appeler le « poème-relation » (p. 76 et voir L’Amour en fragments. Poétique de la relation critique, 2004) c’est une déclaration de guerre à tous ces modèles pour qu’apparaissent des « inventions d’inconnu » dont la force érotique est politique et dont la charge politique permet alors une forte décharge érotique. Il y a un faire société, dans et par l’amour, non comme absolu ou idéal, mais comme expérience plurielle et incessante dans ses recommencements. Alors, oui, « les inventions d’inconnu réclament des formes nouvelles », comme demandait Rimbaud, et par conséquent, vous avez raison de dire que je vise une diction, un phrasé, un rythme dont le cœur est érotique mais à condition d’y associer aussitôt sa force politique : « je te répète l’impossible / nous fait sauter en l’air / […] / et toujours le dynamitage / des parures étiquettes / ou postures alors joie / bondir ton renversement / me défigure en noir et blanc / je te souris en cris » (p. 92 : on peut y lire, entre autres, le(la) défi(gure) des /i/). Ce que le poème engage, ce sont des « formes nouvelles » comme si c’était un terrain d’expériences érotiques et politiques pour des faire l’amour qui soient aussi des faire société et inversement. Effectivement, je n’ai d’intérêt pour le poème que s’il fait l’amour et fait la société dans et par sa/ses voix – et pas seulement sa/ses mise/s en voix, car une voix qui tient face aux pouvoirs érotiques comme politiques est toujours de l’ordre d’un inaccompli et d’un inconnu qu’on ne sait pas que le poème nous entraîne à vivre. C’est pourquoi, je ne suis pas un poète de l’amour mais, au mieux, j’espère bien que mes livres deviennent quelque peu des « bombes à retard d’écoute » (p. 101) si les lectrices et lecteurs en font des poèmes de leur vie, de leurs amours, de leurs combats : « par cœur sur l’air / du viendra bien tout / de suite / notre inconnu / et li et la et ladéridéra » (p. 77).
Oui, vous avez raison de référer à ce poème de Meschonnic qui est mis en exergue au quatrième morceau du livre, « Dans ta voix sortie d’usine », dont la référence aux « blancs dans la tête » et aux « blancs entre nous » (p. 49) provient de son travail de traducteur biblique. En effet, il y tient compte des accents conjonctifs ou disjonctifs notés dans l’hébreu massorétique qu’il a traduits typographiquement par deux sortes d’espaces entre les syntagmes. On peut d’ailleurs généraliser cette réflexion à toute la ponctuation et, pour ce qui concerne Dans ta voix, à cette ponctuation que les lignes (plutôt que vers) organisent avec des rejets ou contre-rejets comme, par exemple, ici : « ma bête chante au fond / de ta bouche mon ciel et ses points / de voix » (p. 26) où conjonction et disjonction organisent un « je-tu » hanté par « un rythme / qui nous entend plus / que nous l’entendons », comme écrit Meschonnic dans ce même poème.
L’amour qui se dit de poème en poème conduit, au cœur de Dans ta voix, tous les visages disent Je, à poser au cœur de l’étreinte même une question qui ne relève plus uniquement de l’intime mais du politique. On pourrait ainsi dégager plusieurs questions politiques soulevées par vos poèmes. La première concernerait sa capacité à susciter la révolution. L’amour qu’entend provoquer le poème est un amour révolutionnaire, celui qui, par l’émotion, met littéralement en mouvement : il y a là une tension nue. N’écrivez-vous ainsi pas « m’émeut c’est l’émeute » ? Pensez-vous ainsi que la puissance politique du poème puisse ouvrir à une logique révolutionnaire et, si oui, laquelle, celle de la Commune que vous évoquez par ailleurs ? Quelle place donnez-vous au pathos que vous évoquez et dont Didi-Huberman fait le cœur même du mouvement de soulèvement ?
Oui, il me semble que ce livre est aussi une forme de questionnement de la doxa contemporaine concernant l’émotion ou ce que d’aucuns appellent « la raison sensible » voire même le « communisme des affects » (Paul Virilio). Je peux comprendre ce « tournant » – à ce propos une excellente synthèse a été rédigée récemment par le politiste Alain Faure ici : Le tournant émotionnel (en sciences politiques) – mais je vois que même le management l’a effectué (voir ce compte rendu du livre d’Eva Illouz : Les marchandises émotionnelles. L’authenticité au temps du capitalisme), alors je m’interroge car il y a sensible et sensible, affect et affect, pathos et pathos ! Bref, il faut dissocier, exercer la critique, et c’est une part décisive du poème, dans le continu de l’étude et de l’essai mais aussi dans une aventure spécifique, celle d’engager une telle critique ou de sombrer dans des formes de commercialisation du sensible, car les poètes, pas plus que les autres écrivains ou les philosophes, ne sont immunisés dans ces conflits ni indemnes de manipulations. De nombreuses études ont déjà pris en charge ces problèmes en littérature (voir Des passions en littérature, 2014 – Antonio Rodriguez dans un article à visée plutôt pédagogique y pointe la faiblesse relative du point de vue relationnel dans la définition par trop psychologique et subjective du texte par Marielle Macé même si sa problématique de la force des textes littéraires convertibles en puissance pour le lecteur doit intéresser). Cependant, bien peu touchent à la réduction de la lecture (scolaire ou pas) in fine à l’interprétation quand toute œuvre ne cesse d’ouvrir à des réénonciations – tradition quasiment mise sous le boisseau dans nos institutions scolaires ou marginalisée dans des expérimentations qui concernent peu ceux à qui on dénie de tenir voix. La révolution que peut susciter le poème c’est bien celle-ci : sa reprise dans des formes de vie et de langage inimaginables, y compris pour celui qui l’a signé !
Ces possibles révolutionnaires, « nos fugues » (p. 31), ne se programment pas mais se préparent « à toutes profondeurs » comme dit Nicolas de Staël (cité p. 47) pour faire feu dès que s’entrouvre la voix (selon Jean Sénac cité p. 11). Une de ces « profondeurs » c’est l’inaccompli, et donc l’immense ressource d’énergie de certaines expériences passées, dont il est décisif de réentendre la richesse vocale, érotique autant que politique, dans une pluralité qui ne peut se limiter à des actualisations mais demande des réénonciations vives, des reprises intempestives, des dictions inattendues, des assonances impromptues : « des tresses au bout des histoires / tu me racontes // au milieu du bleu / une buée de parenthèses / tu ouvres nos bégaiements » (p. 44).
Bref, le rêve du poème c’est cela pour tous et chacun, ici et maintenant, érotiquement et politiquement : « une voix vous arrive sans savoir » (p. 146). Et c’est l’aventure du poème qui, oui, met la Commune de 1871 dans un ici-maintenant. Pour moi, le poème est un rappel permanent de cette formule d’Émile Benveniste : « Dire bonjour tous les jours de sa vie à quelqu’un, c’est chaque fois une réinvention » (Problèmes de linguistique générale 2, 1974, p. 19) – formule qui a soutenu tout mon travail de thèse au tournant 2000 (Langage et relation : Anthropologie du sujet amoureux et poésie contemporaine) et qui continue à susciter toutes mes écritures comme mes engagements. Le poème, s’il fait poème, est chaque fois une réinvention de tout, et d’abord du premier bonjour venu mais aussi, c’est mon vœu le plus cher, de la Commune, cet « événement non intégrable au récit républicain », comme l’écrit Michèle Riot-Sarcey (Le Procès de la liberté. Une histoire souterraine du XIXe siècle en France, La Découverte, 2016, p. 246). La magie du poème c’est cet empan qui tient ensemble le plus proche et le plus lointain, le plus anodin et le plus exceptionnel, le plus intime et le plus politique. Bernard Noël, dont j’aimerais ici saluer la mémoire après qu’il nous a laissé sa vie le 13 avril 2021, écrivait dans sa préface au Dictionnaire de la Commune ce qui conteste tous les pouvoirs du sens : « il n’y a pas de sens définitif car le propre du vivant est d’être interminable en dépit de sa finitude et de sa mortalité » (p. 13).
La deuxième puissance politique convoquée par le poème est la puissance démocratique. Cette puissance est pour vous et centrale et fondatrice puisque la démocratie, c’est la voix, son apparaître, la manière dont les voix s’unissent pour faire apparaître un corps visible depuis leur union consentie. Vous écrivez notamment : « parce que nous vivons de voix en voix / de tous nos peuples une démocratie / ton inconnue tendue vers quelle récréation / l’infini de dire / un poème éveillé / comme la courbure d’une barque » (p. 40). En quoi vivre de voix en voix peut-il faire du poème un outil démocratique ? Ou bien s’agit-il d’une lointaine utopie de la parole poétique, toujours promise jamais réalisée ?
La voix n’a pas à être dispersée du bulletin de vote à sa matière érotique, de l’individuation à la socialisation qu’elle constitue l’une et l’autre à coup sûr – on reconnaît immédiatement quelqu’un à sa voix et pourtant toute voix est datée, fait époque… Ce sont ces tensions propres à la vocalité que les disciplines universitaires aussi bien qu’artistiques ont tendance à séparer, à dé-dialectiser quand l’oralité est à prendre d’abord par sa teneur poétique, c’est-à-dire dans une anthropologie historique du langage. Et, de ce point de vue, si les études sont nécessaires, les poèmes vont parfois plus vite au cœur de la magie vocale. Celle-ci, souvent orientée par la rhétorique (ou la communication contemporaine) vers des modèles de maîtrise qui excluent bien des expériences rendant inaudibles de nombreuses vocalités, a pour socle empirique une cacophonie évidente que j’aime placer au fondement de toute démocratie digne de ce nom, laquelle n’a jamais besoin d’un chef d’orchestre pour polyphonie sage et enrégimentée. Alors le poème (même dans le roman voire dans tout discours en élargissant au maximum l’artistique), s’il fait le plein de voix, devient un puissant levier démocratique et d’égalité radicale, par quoi il est aussi – il faut le dire fort aujourd’hui – décolonial !
« et toutes ces paroles qu’emporte le RER jamais / entendues au 20 heures je t’éteins la télé tu me / légendes ou c’est tout le pain quotidien des rues / dans ta voix résonnent tous les échos vocaux de // rdir et drir » (p. 110) : il y a en effet de quoi rire face à nos « démocraties » quant à l’écoute vocale, au mépris des gens de pouvoir quant aux sans-voix. Je ne peux concevoir un poème qui ne tiendrait pas compte de cette situation quand tout poème, s’il se veut poème, doit porter la plus grande écoute à ce qui ne peut tenir voix, non pour généreusement la redonner ou se transformer en porte-voix mais pour attester que des silences, des cris, des voix impossibles sont là sous nos yeux prêtes à bondir. Oui, le poème est le seul outil qui permet de voir les voix. Alors ceux à qui on l’a interdite, brimée, empêchée, se soulèveront le jour où le poème aura ouvert quelques brèches, mis quelques étincelles dans la plaine médiatique, politique, intime. Il est vrai que plus souvent ils n’attendent pas le poème ou ne savent pas qu’ils en sont porteurs en soulevant leurs voix.
Le poème est un combat qui tient voix contre tous les mots et autres petites phrases de la propagande médiatique et culturelle au point que, comme l’écrivait Ghérasim Luca dans L’Inventeur de l’amour (p. 51 de l’édition Corti) : « jamais on ne me pardonnera / le sable mouvant de mes gestes souples / atroces et vertigineux comme les volcans / les glissements de terrain / d’une rencontre à l’autre. ». Oui, le poème, s’il ne peut déclencher la révolution peut multiplier les « gestes » de cet ordre, augmenter « les glissements de terrain / d’une rencontre à l’autre », faire relation de voix (Langage et relation. Poétique de l’amour).
Cette préoccupation démocratique est effectivement une constante dans mes livres de poèmes depuis Rossignols & rouges-gorges (1999) où les derniers poèmes étaient tous entre guillemets comme s’ils opéraient des passages de voix avec, par exemple, deux de mes élèves de CM2 : « « Mes deux étrangères me sont bien familières / sur la tête de ma mère je les admire » » (p. 54). Et le livre s’achevait par « « Je cherche ce qui continue / dans ce poème l’inconnu / n’a pas le temps » » (p. 56). Avec le poème, l’utopie c’est maintenant car, comme l’écrivait Lautréamont dont on a bien peu fêté, l’an passé, les 150 ans de sa vie abandonnée à nos lectures : « Ma poésie ne consistera qu’à attaquer »…
La troisième et dernière puissance politique convoquée par le poème serait sa puissance d’évocation sociale. Si le couple, l’union et l’ivresse érotique travaille le dire du poème et l’emporte dans l’étreinte, votre voix poétique ne cesse de se heurter et de comme débuter sur un double seuil : celui d’un constat social : on ne parle plus notamment des usines, du travail car, comme vous dites faisant allusion au premier film des frères Lumière, « où sont nos usines depuis / la sortie en pleine lumière » (p. 52). C’est aussi à un constat comme de désastre, comme si une manière de fin du monde avait été atteinte : « toutes les images s’effacent / nous vivons contre / toutes les tortures du siècle / et des siècles » (p. 46) car « the end of THE END of the end » (p. 47). C’est presque une réécriture du « A rose is a rose is a rose ». Ma question ici se fera simple : est-ce que le poème peut se faire poème d’action mais aussi poème qui dit la misère sociale ?
Je raccroche votre question à une formule de Lautréamont dont tout le monde connaît ce constat qui a bien peu changé : « nous sommes dans une nuit d’hiver ». Ceci dit, ma réécriture de Gertrude Stein verse plutôt dans la critique des chantres de la fin : de la littérature, de la poésie, de l’amour, du lien social, des jeunes, des vieux, de la politique, de la lecture, de la démocratie, du monde, ad libitum pour remplir quelques rayons de librairie en mal d’actualités rancies. Alors, je préfère à ces désenchantements, du cœur de cette « nuit d’hiver », l’ivresse – quel beau mot ! – du combat et d’abord du constat, comme vous dites, qui est une écoute du merveilleux au cœur d’un social vivant mais défait, sans cesse agressé, vilipendé par tous les pouvoirs. Quelle merveille – encore un mot à défendre ! – que le visage, le sourire, l’accueil de cette vieille femme, belle comme le printemps, irradiant le bidonville en cours de destruction (comme partout dans le monde les traces des peuples vivants sont effacés par les pouvoirs) dans la ville de Chongqing, rencontrée tout récemment grâce au film enivrant et merveilleux d’Hendrick Dusollier : Derniers jours à Shibati (documentaire, France, 2017) ; ne dit-elle pas, cette merveilleuse femme dénommée Xue Lian, que grâce au cinéaste, elle va voyager à Paris, alors qu’elle porte un lourd fardeau au milieu d’une circulation de métropole inhumaine et qu’elle est bel et bien condamnée comme tous les pauvres à rester là ou à migrer dans des conditions inhumaines comme ces ouvriers migrants qu’elle logeait, avant que tout ce qu’elle a pu construire de fraternité et de beauté ne soit détruit. Xue Lian, son visage, sa voix, dit et fait ce que peut un poème, ce que peut son ivresse sociale, érotique, politique : « nos peuples ont l’élan d’une écriture en / plein air pour l’irisation des voix » (p. 128). Le poème serait « cette sortie en pleine lumière » (p. 52) des ouvriers des usines, des habitants des bidonvilles et autres tours de banlieues plus ou moins lointaines. Oui, le poème sert à vivre « contre / toutes les tortures du siècle » (p. 46), non parce qu’il poétiserait, esthétiserait voire parlerait de et donc thématiserait, mais parce qu’il nous titille « avec [s]on silence // plein des arts de la parole liante de nos liaisons / extérieures et intérieures et renversements infinis » (p. 108) où s’entend, j’espère bien, la petite mouche /z/ des liaisons silencieuses des sans-voix… préparant des « renversements infinis » !
Nombre de vos poèmes pourraient être qualifiés de ciné-poèmes tant la convocation de l’image procède d’une manière de mise en image de films. On a évoqué plus haut la sortie d’usine des frères Lumière mais une large section « Dans ta voix sortie d’usine » procède d’un récit en images ou d’un poème d’images où Rossellini, Pasolini ou encore Kaurismäki sont autant de réalisateurs qui, littéralement, donnent à voir. Comment s’écrit cette poésie qu’on pourrait qualifier selon l’un de vos vers d’une poésie « sous les yeux » (p. 52) ?
Votre question précédente m’a fait évoquer un documentaire vu tout récemment et donc bien après l’écriture de ce livre : c’est dire l’importance du cinéma dans ma vie comme, je le pense dans nos vies. Effectivement les cinéastes que vous évoquez ne sont pas pour rien dans mon écriture ; il y en a beaucoup d’autres et parmi eux Chris Marker et son Sans soleil de 1983 dont je retiens ce texte : « Sous chacun de ces visages / une mémoire / Et là où on voudrait nous faire croire / que s’est forgée une mémoire collective / milles mémoires d’hommes / qui promènent leurs déchirures personnelles / dans la grande déchirure de l’Histoire ».
Mais j’aimerais rebondir sur la notion de ciné-poème qui ouvre non seulement à celle de montage mais aussi à celle de cadrage, les deux d’ailleurs s’associant pour des rimes vocales pleines (bourrées) d’images comme autant de citations, bribes d’œuvres et de vie, qu’il s’agit de faire revivre, d’animer par la vitesse pour qu’apparaissent, avec ces dispersions et disséminations, des ombres, des lumières, des couleurs, des voix inouïes, des visages qui disent Je. C’est l’analogie avec la vitesse (24 images seconde) qui donne mouvement à ce qui constituait initialement une stase, un arrêt sur image, que le poème cherche non pour imiter le cinéma mais pour trouver le souffle d’un dire/penser/vivre qui emporte jusqu’au vertige d’un « donner à voir », comme vous dites après Éluard : « t’imagine te vois te ligne te ris te parfois te pars / lumière je écran je tout seul je devant je tes mots » (p. 39). Le poème filme pour « saisir quelque chose de ce qui passe », comme écrivait Berthe Morisot dans un carnet pour parler de sa peinture. Alors cela s’écrit au vif des saisissements qui font le souffle du poème, son air qui oxygène le vivant de la vie. Et si je lis en public on me reproche une trop grande vitesse de lecture mais on comprend vite que le poème est au/un service des urgences…
Enfin, ma dernière question voudrait porter simplement sur les poètes qui vous ont influencés dans l’écriture de votre recueil. On constate puisque vous les citez que le rythme de Meschonnic est omniprésent mais aussi Jean Sénac. Mais quelles sont vos autres influences ?
J’ai commencé par dire combien ce livre ne peut être séparé des essais mais aussi des lectures et, nous venons d’en parler, des films. Il faudrait ajouter tous les arts, musique et peinture, danse et architecture, théâtre et street art… La danse est évoquée dans le livre avec un morceau qui met l’activité dans son rythme : « Pour entrer dans ta danse ». Car il faudrait pouvoir, dès que poème, penser le mouvement de la parole comme une invention de corps dansé : la voix ne va-t-elle pas, depuis des millénaires, jusqu’à s’accompagner d’une certaine chironomie ou les mouvements des mains soulignent la prosodie vocale. Parmi les œuvres qui en débordent, je ne manquerais pas de citer à nouveau Ghérasim Luca mais aussi Péguy et, paradoxalement dans ce même registre, Paul Celan qui est au centre de Eclairs d’oeil (2007). La liste serait bien longue de la bibliothèque que chaque livre porte ou plutôt qui porte chaque livre, parfois même chaque morceau du livre. Sans vouloir jouer d’équilibres artificiels, il me faut mentionner quelques autrices qui ont lancé bien des morceaux de mes livres : Marina Tsvetaieva, Ingeborg Bachmann, entre autres. Mais je voudrais aussi dire combien la lecture et l’amitié avec d’autres est également une source de résonances et parmi eux d’abord Yann Miralles dont les livres sont parus aux éditions Unes ainsi que mes deux amis de Résonance générale, Laurent Mourey et Philippe Païni ; sans oublier mes amis du comité d’entretien de la revue Triages, le regretté Antoine Emaz, Alexis Pelletier et James Sacré ainsi que le trio de la maison Tarabuste qui fait bien plus que des livres (voir ici: Une fabrique de la poésie libre), Claudine, Djamel et Tatiana ; d’autres, beaucoup d’autres… dont les enfants qui ne cessent de recommencer tout le langage puisque « les enfants ont tout, sauf ce qu’on leur enlève » (Jacques Prévert).
Pour conclure cet entretien, non sans vous remercier d’abord, cher Johan Faerber, pour cet exercice qui me met plus face à tout un non-savoir qu’à quelque maîtrise dès que poème, j’aimerais évoquer le peintre Gustave Courbet dont le nom apparaît dans le livre par trois fois p. 69, accolé à son célèbre tableau de 1866, L’Origine du monde, qui est d’une audace terrible tout en étant dans la tradition, revendiquée d’ailleurs par le peintre, de Titien ou Véronèse. Ce serait pour dire que ce tableau aurait pu être remplacé par un autre, La Vague de 1869 du MUMA du Havre, qui fait partie d’une série de Mers orageuses dont La Vague du Musée d’Orsay de 1870. Ces paysages de Courbet font face à la force de la houle et d’un ciel chaotique. Cézanne aurait dit, à propos de cette inquiétude et de ce tourment intensifiés par Courbet, que « sa marée vient du fond des âges ». Mais j’ajouterais que Courbet a vu en peintre, dans ces années précédant la Commune, qu’il y avait de l’orage dans l’air. Aussi, après lui, j’oserais dire que toute œuvre artistique, et le poème en premier s’il fait œuvre, peut voir les voix qui viennent. Un poème c’est forcément de l’orage dans l’air ! Mais ça personne ne le sait d’avance ! Voilà : « la mer la plus marée haute est : l’éblouissante clarté de ta nudité / y fument les cendres de ton volcan : nuages doux pleins d’orages / tomber dans tomber : volons dans le bleu clair de ton nom : j’appelle partout toujours » (p. 65)
Serge Ritman, Dans ta voix, tous les visages disent Je, Tarabuste, 2021, 156 pages, 15 euros