Notre croisière d’écriture se poursuit. Rappelons que quiconque peut réserver une cabine sur Pandémonium, Péan pour les morts de ce printemps et pour l’agonie du monde, et y confiner un texte comme une capsule de temps. Chacun.e est invité.e à faire toute une histoire de ce silencieux printemps. Le confinement est notre condition, le récit le seul remède.
Diacritik, partenaire de cette expérience d’écriture collective, vous propose aujourd’hui de (re)découvrir le texte de Vivianne Perelmuter.

Nous l’avions tellement désirée cette croisière.
Prendre le large enfin, quitter la vie sédentaire.
Un matin de mars, le voyage a tourné court.
L’Ailleurs est devenu le bois mort d’une proximité sans emploi.
Plus d’Orient, plus d’Occident, rien que 10 mètres carrés de cabine, et mon mari dedans, comme une bête enragée, tributaire d’une peur qu’il ne peut briser.
On reste assis l’un à côté de l’autre, désœuvrés.
Moi aussi j’ai peur.
Mon mari dit que c’est plus facile pour moi. C’est vrai, j’ai l’habitude de rester des journées entières dans la maison, sans sortir. Il y a le ménage, la cuisine.
Pourquoi maintenant cette sensation d’être serrée aux coudes ? D’étouffer ?
Heureusement, il y a le réseau.
Je me suis mise à chercher le sens précis des mots sur le net. J’ai commencé par la différence entre enfermer et confiner et je n’en suis pas encore sortie.
enfermer
• Mettre en un lieu fermé. Enfermer quelqu’un dans sa chambre, un cheval à l’écurie.
• Enfermer, mettre dans une prison, dans un cloître, dans un appartement qui sert de lieu de réclusion
• Enfermer son chagrin, le contenir, ne pas s’y abandonner. Enfermer sa honte, la cacher
• Supposer, contenir comme conséquence.
Progressivement, quelque chose m’a enveloppée et entraînée comme un grand courant.
Je deviens mobile, comme je ne l’ai jamais été, forcée de lutter contre mes idées toutes faites pour me frayer un chemin parmi les significations multiples et irisées des mots.
Ma vie ricoche, s’étend bien au-delà de la mienne.
Des êtres que je ne connais pas, que je n’aurais jamais connus, chantent ou jouent du violoncelle sur l’écran de mon téléphone.
J’oublie les murs.
Dans le miroir, je surprends la lumière de mes propres yeux.
confiné
• Toucher aux confins, aux limites.
Lorsque nous débarquerons, je le quitterai.