Claire Bretécher possédait ce talent unique de croquer ses contemporains avec une acuité et un humour féroces. L’auteur d’Agrippine, des Frustrés, de Cellulite est décédée le 11 février 2020 à l’âge de 79 ans.
Tout au long de sa carrière, de sa vie, Claire Bretécher a été une inlassable et inclassable observatrice de notre société dite de consommation. Sa plume acérée et son dessin unique ont fait d’elle une figure majeure de la bande dessinée, de ses débuts dans les années 60 avec René Goscinny à Agrippine déconfite, son dernier album en 2009.
Pionnière, Claire Bretécher l’a été à plus d’un titre : passés les débuts timides, illustratrice dans Tintin et pour Pilote, elle crée Baratine et Molgaga (l’histoire d’un prince d’Asie centrale et de son bouffon) avant de passer quelques années au sein de Spirou Magazine. Elle est alors une des rares femmes dessinatrices (avec Annie Goetzinger, Florence Cestac, Chantal Montellier ou Nicole Claveloux) dans un 9ème art plutôt masculin. En 1969, elle crée le personnage de Cellulite, véritable anti-héroïne et peut-être premier modèle féministe avant l’heure : dans un moyen âge parodique, Cellulite n’en peut plus d’attendre le Prince Charmant et elle promène sa mauvaise humeur et déverse ses états d’âme dans des strips hilarants où souffle un vent de liberté et d’indépendance inédit pour l’époque.

Un tournant s’opère quand elle participe à la création de L’Écho des Savanes (avec Gotlib et Mandryka), faisant entrer la BD dans une ère plus « adulte » au sens où nous la connaissons de nos jours : la bande dessinée devient un médium à part entière, avec des propos, des sujets plus acides, plus contemporains, plus critiques.
C’est la création des Frustrés et surtout d’Agrippine qui vont définitivement faire entrer Claire Bretécher dans le cercle fermé des grand.e.s de la bande dessinée, reconnu.e.s de la critique mais aussi du grand public. Récompensée par trois fois au Festival d’Angoulême, Claire Bretécher a marqué l’histoire et les esprits par son sens aigu de l’observation et par son talent inné pour pointer les travers de la société. Pour regarder l’époque autrement, réfléchir, s’interroger, capter le pire et le dérisoire pour en tirer le meilleur et en rire, en toute liberté.