Gotlib (1934-2016): Rhââ (pas) Lovely

© Gotlib

Il est le père éternel de Gai-Luron, de Super Dupont, de Pervers pépère, de Bougret et Charolles ou Hamster Jovial et tant d’autres. Pratiquant de l’Umour fin et racé, glacial et sophistiqué, Gotlib était un maître ès vis comica, caricaturiste, dessinateur, dialoguiste, auteur de génie. Emblématique adepte du comique de répétition, inventeur du rire dans les marges et au trente-sixième degré, adorateur de l’absurde et tenant absolu de l’irrévérence, Gotlib vient de mourir. Il avait 82 ans.

Marcel Gotlib j'existePour paraphraser sa seule biographie jamais écrite par ses soins, « His name is Gotlib, Marcel Gottlieb ». Auteur d’une trentaine d’albums de bande dessinée, dont la cultissime Rubrique à Brac, les non moins célèbres Dingodossiers et Rhââ Lovely, Gotlib a commencé sa carrière en 1962 dans Vaillant, créant à cette époque Nanar, Jujube et Piette, série dans laquelle apparaît pour la première un personnage plutôt secondaire, Gail-Luron…
Entré au magazine Pilote, il crée avec René Goscinny les Dingodossiers en 1965, fonde L’Echo des Savanes avec Nikita Mandryka et Claire Bretécher en 1972. Trois ans plus tard, il lance son propre journal, Fluide glacial« magazine d’Umour et Bandessinées ». 

Gotlib Newton
© Gotlib

Comment dire en peu de lignes ce que représente une vie entière dédiée au 9ème art, à l’humour et aux petits miquets ? Sinon qu’elle parle et qu’elle appartient à tous ? Son esprit potache et lettré a bercé l’enfance d’au moins deux générations de lecteurs et de téléspectateurs — Gotlib a été aussi scénariste pour le cinéma et la télévision. Inventeur de la célèbre coccinelle philosophe à ses heures et raconteur des inénarrables aventures d’Isaac Newton découvrant la gravitation, Marcel Gottlieb a traversé plus de quatre décennies Dans la joie jusqu’au cou (pour citer l’album écrit pour Alexis) en pratiquant cet art difficile de faire rire.

Si l’on croit l’auteur de J’existe, je me suis rencontré (paru en 2014 chez Dargaud), son existence tout entière fut placée sous le signe de l’insolite, de l’imaginaire et de la dérision la plus débridée, ce qui n’empêchait pas gravité et nostalgie. Et «aussi un peu de sexe, parce que tout de même, faut ce qu’il faut»…

En ces temps troublés où le conservatisme semble revenir plus vite qu’un cheval au galop, comment ne pas évoquer le culte God’s Club ? Sommet de dérision et de drôlerie, le cercle imaginé par l’auteur compte parmi ses membres ce qui se fait de mieux en termes de dirigeants des principales religions monothéistes : Claude Allah, Louis Bouddha, Jean-Pierre Odin, Gaston Jeovah et… Jésus Christ. Sorte de réunion d’anciens, le God’s Club est un strip hilarant dans lequel Gotlib imagine un rassemblement œcuménique et loufoque, excuse à tous les débordements. Gotlib représente ces dieux tout-puissants avec une précision graphique inouïe, et se jouant, autant dans les textes que dans le dessin, du sacré, du divin. Les planches sont une suite de gags plus délirants et nécessaires les uns que les autres. L’impertinence portée au très haut.

Incontournable, indépassable, les superlatifs manquent à l’appel alors que la nouvelle vient de tomber en ce 4 décembre 2016.
Gotlib n’est plus, les louveteaux ont perdu leur guide et si les enfants que nous fûmes connaissent tous l’histoire du fou qui repeint son plafond, ils ont perdu une occasion de demander à Monsieur Gottlieb : « comment vas-tu ? » Pour l’entendre répondre une dernière fois… « yau de poële ».

Gotlib
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