Queen Zee : Raise Your Sissy Fists !

Les Queen Zee & The Sasstones ne sont pas du genre à être sensibles aux injonctions de Palmade (émoji doigt d’honneur) à la discrétion et au « placard ». Ce serait plutôt l’inverse : être le plus visibles, faire le plus de bruit, laisser déborder l’énergie qui anime ce que l’on est et ce que l’on veut être. De fait, queerness et décibels électriques débordent de tous les titres qui composent le premier album des Queen Zee, adoubé par Iggy Pop lui-même (émoji orgasme).

À l’image du titre réalisé en 2017, « Sass or Die », qui ne se trouve pas dans l’album, et de son vidéoclip tout en cuir et bisous, l’album des Queen Zee se veut unapologetic et inclusif, flamboyant, bruyant, mélangeant les genres, les sexes, les sexualités non majoritaires : les queer, les marges du genre, du sexe et du social occupent toute l’image, sont sur le devant de la scène. On ne revendique plus face à l’autre, on est là, on le dit et on le montre, on affirme nos propres discours – et pour le reste, on vous emmerde.

Les Queen Zee composent une pop-punk qui synthétise ce que la musique a pu produire de plus énergique. Si l’on y retrouve des échos de Placebo, de Frank Black et des Pixies, des incontournables Ramones et d’autres encore, c’est qu’il s’agit d’aller chercher partout, par-delà les genres musicaux qui en eux-mêmes n’ont plus d’importance, les moyens de produire cette énergie brute, directement déversée dans le système nerveux de l’auditeur, que la musique rock a toujours privilégiée. Il ne s’agit pas de faire simplement du gros bruit mais d’élaborer des morceaux dont les accords, les arrangements, les voix créent l’énergie par laquelle la musique surgit directement dans votre cerveau. Si les Queen Zee sont capables de lignes mélodiques plus calmes, celles-ci sont toujours serties de sons et rythmes accélérés et percutants laissant le champ libre à l’électricité pure des guitares et au martèlement de la batterie.

Il s’agit d’avoir du culot (« sass »), de ne pas se cacher ni s’excuser mais au contraire d’affirmer son existence, de la valoriser par-delà la peur, l’exclusion, la violence. Cette volonté est un moyen de survivre (« or die ») et une façon de vivre impliquant l’inclusion et la joie d’être ce que l’on désire être. C’est aussi une façon d’affirmer politiquement des vies dont l’hétéronormativité anti-queer voudrait qu’elles n’existent pas et de rendre publics des discours et points de vue nécessairement critiques.

Les textes de l’album vont tous dans ce sens, le titre « Sissy Fists » (« Poings de PD ») mélant le plus explicitement la condition queer subissant la violence sociale et la révolte active contre cette violence en se réappropriant le geste révolutionnaire du poing levé (« Raise your sissy fists / Raise your sissy fists / And raise ‘em »). Les textes des Queen Zee sont à mille lieux des petits lyrics gentillets, plus mainstream qu’autre chose, que l’on retrouve dans beaucoup de ce que la pop produit et chez bon nombre d’artistes estampillés queer (en particulier en France, où l’étiquette « queer » correspond dans le champ musical à des productions le plus souvent niaises, fadasses, artistiquement ridicules, voire atroces…). Ces textes sont politiques par ce qu’ils expriment d’une réalité sociale violemment conflictuelle et mortifère mais aussi en ce qu’ils affirment la révolte et la rage contre cette réalité, criant de la manière la plus forte l’existence des vies marginalisées qui sont en elles-mêmes des vies politiques.

Ces textes sont donc en eux-mêmes des textes auxquels, par-delà les seule.e.s queer, peuvent s’identifier tous ceux et toutes celles qui sont à cette place sociale et politique où l’on ne peut que se révolter et avoir la plus haute conscience de son désir politique de vivre. « Sissy Fists » ne pourrait-il pas devenir l’hymne de toutes les luttes sociales ? A l’heure où l’Europe s’enfonce de plus en plus chaque jour dans un nouveau fascisme, nous pourrions rêver que les Queen Zee seraient au contraire l’avant-garde de notre nouveau peuple…

Queen Zee, Queen Zee, février 2019, Sasstone Records