Camille Laurens : « le labyrinthe et le kaléidoscope » (colloque international, 2 et 3 mars 2017)

Camille Laurens © Catherine Hélie / Gallimard

Ces jeudi 2 et vendredi 3 mars, aura lieu à Caen, sous la direction de Sylvie Loignon et Isabelle Grell, un colloque international sur une figure majeure de l’écriture contemporaine : Camille Laurens. En présence de la romancière et aux côtés également de Philippe Forest et d’Olivier Steiner, les différentes interventions, en partenariat avec l’IMEC et la Maison des écrivains, reviendront sur le labyrinthe sans cesse relancé et infini d’un œuvre dont la mouvance et les jeux de dédoublements n’en font jamais celle que vous croyez.

En effet, Comme Camille Laurens l’affirme elle-même, le labyrinthe et le kaléidoscope sont « deux images qu’elle cultive ». D’abord parce que le labyrinthe construit ses œuvres : avec cette structure où la perte se conjugue à la trouvaille et à la révélation, ce sont les influences du polar et du romanesque qui s’entremêlent. Quant au kaléidoscope, Camille Laurens en parle de la façon suivante : « Le kaléidoscope, c’est l’ensemble de mon travail depuis le début, ce sont des morceaux de couleur que je bouge pour en faire des romans différents. Toujours les mêmes fragments sont agencés. C’est toujours moi, toujours une fiction à partir d’obsessions personnelles. »

Au-delà des mots de l’écrivain, au-delà du fil d’Ariane qu’elle veut bien tendre à ses lecteurs, ces deux figures du kaléidoscope et du labyrinthe semblent pouvoir rendre compte des enjeux de l’écriture de Camille Laurens car elles tendent, d’une part, vers une structure non pas seulement narrative, mais cognitive : le mythe. Avec le labyrinthe est ravivé le mythe du Minotaure – dont on ne sait quelle entité il figure dans l’œuvre : l’écrivain ? le lecteur ? la mort ?  la folie ? etc. D’autre part le kaléidoscope fait signe vers un instrument d’optique, instrument de perception offrant une prise en charge particulière du réel. Il témoigne à la fois des obsessions propres à l’auteur, et de cette obsession particulière à l’écrivain véritable : l’ajointement des mots au réel. C’est encore l’articulation du fantasme et du réel qui détermine l’œuvre de Camille Laurens, tout comme celle entre le réel et le virtuel. Son écriture kaléidoscopique a d’ailleurs la spécificité d’allier variation et répétition – questionnement au cœur du travail de l’écrivain.

Le labyrinthe et le kaléidoscope déclinent ainsi les grands pans de l’œuvre : sur l’identité, tout d’abord, car ils rendent compte d’un jeu de dédoublements, de masques, tout autant que de troubles de la psyché affectant des personnages qui fascinent l’auteur : « on fait de bien belles choses avec la faille de soi » écrit Camille Laurens, jouant sur l’assimilation métaphorique du texte au tissu dans Tissé pour mille. Le labyrinthe et le kaléidoscope entendent aussi souligner combien l’œuvre fait jouer les différences sexuelles, et fait résonner une forme de féminisme – dont il faudrait mesurer l’évolution depuis les premiers romans jusqu’aux œuvres les plus récentes, en passant par Les Fiancées du diable, ce livre d’art traversé de figures mythologiques, où l’écrivain enquête sur les « femmes terrifiantes » et leur pouvoir destructeur.

Donnant à voir une érudition impressionnante, ces deux figures peuvent également se référer à la façon dont l’œuvre se nourrit de références intertextuelles, de citations de chansons, d’allusions cinématographiques, comme autant de fragments du réel qui rivalisent avec la virtualité omniprésente (notamment par le biais d’internet et des réseaux sociaux – on pense par exemple à Celle que vous croyez).

Plus largement, la métaphore visuelle du kaléidoscope ouvre étrangement à une mise en scène des voix, à une polyphonie qui participe aussi de la dimension sociale de l’œuvre.

Une telle cartographie invite in fine à découvrir l’œuvre d’une tisseuse de mots – tout autant qu’une tisseuse de maux – qui n’est sans doute pas celle que nous croyons.

Programme 

Jeudi 2 mars 2017 – Université de Caen Normandie, MRSH, salle des actes

9h45 Ouverture du colloque par Brigitte Diaz (directrice du Laslar EA 4256), Isabelle Grell (ITEM/CNRS) et Sylvie Loignon (Université de Caen Normandie, Laslar EA 4256)

Séance 1 : Le labyrinthe, au fil des mots

Présidente de séance : Florence de Chalonge (Université Charles de Gaulle- Lille 3)

10h Yves Baudelle (Université Charles de Gaulle – Lille 3) : « Du classicisme »

10h25 Nicole Thatcher (Université de Westminster, Londres) : « Jeux et enjeux de l’écriture dans les quatre premiers romans de Camille Laurens »

Séance 2 : Genèses labyrinthiques

Présidente de séance : Sylvie Loignon (Université de Caen Normandie)

11h15 Annie Pibarot (Université de Montpellier) : « La place de la psychanalyse dans la genèse de Romance nerveuse »
11h40 Karin Schwerdtner (Université Western Ontario) : « Philippe, ou le labyrinthe ‘épistolaire’ de Camille Laurens »

Séance 3 : Un kaléidoscope désirant ? fragments d’un discours amoureux 

Présidente de séance : Isabelle Grell (ITEM/CNRS)

14h30 Alexandre Dufrénoy (Université Charles de Gaulle – Lille 3) : « Dans ces bras-là : vers une nouvelle poét(h)ique du sentiment »

14h55 Olivier Steiner (écrivain, Paris) : « Camille n’est pas celle que vous croyez, ni Laurens »

Séance 4 : Identité et écriture kaléidoscopiques

Présidente de séance : Mélissa Thériault (Université du Québec à Trois-Rivières)

15h45 Sophie Jaussi (Université de Fribourg) : « “Là je tiens une phrase d’homme” : Camille Laurens et la voix masculine »

16h10 Annie Richard (Femmes-Monde) : « Celle que vous croyez de Camille Laurens ou fragments d’un discours féminin »

19h Soirée lecture à l’IMEC en présence de Camille Laurens 

Vendredi 3 mars 2017 : Université de Caen Normandie, MRSH, salle des actes

Séance 5 : Au cœur du labyrinthe, le spectre  

Présidente de séance : Marie-Hélène Boblet (Université Caen Normandie)

9h30 Jutta Fortin (Université de Vienne) : « De la mère comme hantise au mythe personnel : la “mère morte” »

9h55 Adrienne Angelo (Auburn University) : « L’écriture mortuaire dans l’écriture du soi, ou (se) créer pour (se) faire reconnaitre : le cas de Celle que vous croyez »

10h20 Johan Faerber (Université Paris III – Sorbonne nouvelle) : « Leçons de ténèbres, ou l’autofiction comme intervalle et atopie du vivant dans l’œuvre de Camille Laurens »

Séance 6 : Repenser le Minotaure ? Féminisme et féminin dans l’œuvre de Camille Laurens

11h10 Table ronde avec Marie-Hélène Boblet (Université Caen Normandie), Florence de Chalonge (Université Charles de Gaulle – Lille 3), Mélissa Thériault (Université du Québec à Trois-Rivières).

Séance 7 : Identité et écriture kaléidoscopiques II

Président de séance : Jean-Michel Devésa (Université de Limoges)

14h30 Philippe Forest (Université de Nantes) : « Münchhausen, les craques et le coucou »

14h55 Yannan Yao (Université des études internationales de Shanghaï) : « De l’écriture fragmentaire à l’écriture de soi »

15h20 Simona Crippa (Université Paris III – Sorbonne nouvelle) : « Camille Laurens, l’inexplicable Pénultième ».

Séance 8 : « Des rêves ou des essais, des labyrinthes ou des cartes au trésor » (Tissé par mille) : et concrètement, comment ça s’écrit ?

16h Entretien de Camille Laurens avec Isabelle Grell et Sylvie Loignon.