LAS VEGAS /Twelveth day
J’ai froid en me levant. J’ai une sale tête. Une douche, je descends en 8 ou 9 secondes du quatorzième, via l’ascenseur. Je remarque que contrairement à New York, le treizième étage existe. J’ai faim. Pour la première fois de ma vie, je vais dans un « Starbucks» ou sinon c’est un hamburger ; ou encore une tequila ; à 9h00 du mat, je vois tous ces types en train de picoler. Il faut dire qu’ici le jour n’existe pas. C’est une belle utopie. Tu peux vivre ici 24h/24 sans voir le jour ; manger, boire, marcher, t’amuser, faire l’amour… Mais surtout jouer ! Afin d’imaginer la taille de cet endroit, je demande à une des femmes de ménage combien il y a de chambre dans l’hôtel et elle me répond : « One Thousand Seven Hundred ! ». Je n’ai qu’une hâte, c’est voir le soleil. Je vais me faire le « Strip », le « Las Vegas boulevard » en entier. Que finalement je dépasse. Et dire que cette ville a été fondée par les mormons au milieu du 19ème siècle. S’ils savaient ! C’est le cirque, le même qu’à Hollywood multiplié par mille. Beaucoup plus de « Transformers ». Je ne sais pas ce qui est le plus insupportable : la vision ou le son qui t’accompagne avec des baffles qui diffusent des chansons ignobles tous les dix mètres. C’est le grotesque dans toute sa splendeur et j’y participe. Je me demande bien combien d’énergie et de matière utilise cette ville. Le bilan carbone ou environnemental doit être au top ! Je photographie des personnes qui travaillent, des ouvriers en général ; une belle rencontre, Lyndon, qui vit ici depuis 45 ans. On rit beaucoup ; de la vacuité de cet endroit ! Mais il s’y plait, en tant qu’être vivant, et cela je le respecte. Même si ce n’est pas mon trip ; même si je suis sûr que je pourrais apprécier de vivre ici. Ce sont les circonstances dans lesquelles je me trouve ici qui font que je n’apprécie pas cet endroit ; car je n’ai pas le temps de le vivre, dans la vie réelle, de tous les jours. J’ai choisi ce parti ; celui d’être un passant dans le pire espace qui puisse exister. J’aurais voulu explorer les alentours, les lieux de vie, mais pour cela il faut plus, beaucoup plus de temps.
Il y a toujours des images à faire de toute manière. Au tout début, c’est le délire. Au bout de 4 minutes trente maximum, lorsque tu as compris où tu es, c’est fini ! Même si un bout du Louvre est là avec derrière des bâtiments de Haussmann de peut-être 100 mètres de haut, ou que la victoire de Samothrace est là, au bord d’une fontaine, d’un bassin où tu peux mettre des pièces pour faire un vœu. Devant, un panneau t’indique que les pièces sont récupérées pour une bonne œuvre ! C’est bien mais rien ne se perd à Las Vegas ; pas le moindre cent ! Le système de circulation est fait de telle façon que tu te trouves obligé de passer dans les espaces commerciaux ; tu dois traverser les routes sur des passerelles qui vont de casinos en casinos. Des voitures du genre « Hot Wheels » partout ! Au Casino Riviera, un bas-relief en bronze avec des filles de dos ; une image, car les fesses sont toutes patinées ; on se demande bien pourquoi ! Je ne touche pas ! Les choses s’étirent ; immenses terrains vagues et futurs projets : Londres, La Cité Interdite, etc. Le casino « encore » mais je n’en veux plus. Les distributeurs de journaux ; je n’y prête aucune attention jusqu’à m’apercevoir qu’ils distribuent des fascicules pour « Escort girl ». Même si évidemment la prostitution est illégale ici. D’ailleurs, je souris lorsque j’aperçois l’énorme panneau « Showgirl/ Peep Show » au coin du Las Vegas Blvd et de « GARCES avenue ». Je vais jusqu’à Downtown ; traversant des « zones » : terrains vagues, chapelles à mariages, prêteurs sur gage, cramés du cerveau en tout genre. C’est bien pire lorsque la nuit tombe ! C’est « Las Vegas Parano » ou « zombie Land » ! La seule chose un peu poétique à mes yeux, et qui sauve ma journée, même si l’image n’est pas parfaite, c’est ce couple de gamins allongés sur un accès à un parking, riant, se caressant et regardant le ciel. Le ciel qui se couche un peu plus tard : montagnes et palmiers ; c’est toujours aussi beau. Je rentre mais veux prendre le bus. Sur le « strip » pas de « ligne locale » ; c’est six dollars le ticket de bus mais j’abdique ! J’ai compris le mauvais de cette ville, du moins de sa surface et j’aimerais tant aller en profondeur. Pas de temps.
Demain, je serai seul dans la Death Valley.