Anne Savelli : « Faire des romans sur la vie » (Une ville au loin)

Où lire ? Où écrire ? Ainsi est formulée l’interrogation d’Anne Savelli dans son livre nativement numérique Des Oloé, espaces élastiques où lire où écrire (mai 2011) paru aux éditions D-Fiction. Le lieu où on lit et la position de notre corps sont des questions qui se posent de nouveau avec la lecture numérique.
J’ai découvert le travail d’Anne Savelli grâce à cette invention si poétique des Oloé et sa conception de l’écriture qui semble tant en syntonie avec le web. Elle écrit dans son billet « être lue » sur son blog-atelier Fenêtres open space :

« Il n’est pas toujours évident de basculer du côté de la publication, de se décider à faire lire, de s’exposer. Cela m’a pris du temps : longtemps j’ai pensé fragments (que j’aurais mis sur blogs, quand j’avais 18-20 ans, si Internet avait existé) et non livres. Un jour, j’ai pensé livre (c’était Fenêtres), ce qui m’a poussé à envoyer mon texte en lecture. Cependant, j’ai pensé livre comme ceci : un livre, pour moi, est un ensemble de livres constitués de fragments. La structure qui soutient chaque livre, en assemble les fragments, est en réalité la structure d’ensemble, celle qui unit les livres, tous les livres – et je ne sais, bien sûr, combien il y en a, puisque je suis vivante, espère n’avoir pas terminé… Qu’on ne s’y trompe pas : tout cela me paraît sans rapport avec le mot œuvre : je continue, en effet, à penser l’écrit sous forme de fragments. Par contre, avec le mot site, on peut réfléchir… Je vais néanmoins continuer à employer le mot livre, comme je dis écrivain. Simplement, le sens (dans mon esprit, une fois de plus) s’est, depuis l’enfance, déplacé. »

« Et si ça ne va pas, il n’y aura qu’à inventer un mot » précise-t-elle. Anne Savelli a inventé le mot Oloé

A l’occasion de la sortie du livre numérique Une ville au loin (à télécharger gratuitement), Anne Savelli inaugure cette nouvelle rubrique de Diacritik – Archipels du numérique – dédiée aux écritures numériques. Elle a répondu à mes questions sur son travail — numérique ou imprimé ; sur sa conception de l’écriture — seule ou en collectif ; sur ses influences, ses usages du Web mais aussi sur les difficultés aujourd’hui d’être auteure.

Ceci est un corps © Anne Savelli

Anne, peux tu me dire depuis quand tu écris ? Une lecture d’enfance qui a tout déclenché ? Comment cela est-il né, il y a eu un hapax, un moment déclencheur ?

Anne Savelli : J’écris depuis le cours élémentaire. J’ai commencé en CE2 par écrire des poèmes, que j’illustrais (je fabriquais moi-même des recueils) et qui étaient parfois donnés à apprendre aux élèves de ma classe. Je dessinais également de petites BD qui étaient ensuite imprimées imprimées dans le journal de la bibliothèque jeunesse de Saint-Germain en Laye. En CM1 ou CM2, j’ai commencé à écrire un roman policier qui n’a jamais avancé et dont le voleur se révélait être le commissaire. A cette même période, j’ai imaginé un roman dans lequel, en résumé, la perfection deviendrait totalitaire. A chaque fois, j’écrivais très peu, les premiers chapitres seulement, mais je cogitais longtemps, j’y pensais beaucoup.

Ce qui a tout déclenché, c’est le poème de Rimbaud, Les Poètes de sept ans, chanté par Ferré et que ma mère écoutait sur cassette quand j’étais encore en maternelle. A un moment, Ferré chante :

À sept ans, il faisait des romans, sur la vie
Du grand désert, où luit la Liberté ravie,
Forêts, soleils, rives, savanes ! – Il s’aidait
De journaux illustrés où, rouge, il regardait
Des Espagnoles rire et des Italiennes.

mais il coupe après « vie », ce qui donne :  A sept ans il faisait des romans sur la vie. Pour moi, « faire des romans sur la vie » à sept ans était donc normal. Très logiquement, je me suis dit que c’est ce que je ferai, dès que je saurai écrire. J’avais décidé, pour me démarquer de Rimbaud (et lui être supérieure, il faut bien l’avouer — j’avais quatre ou cinq ans, tout espoir était permis) que moi, je ne m’aiderais même pas de journaux illustrés !

Et comment as-tu intégré (naturellement ou pas) le numérique à ton travail ? Je me souviens du billet « être lue » sur Fenêtres où tu décrivais ce mode fragments (caractéristique du web) qui te convenait parfaitement…

En ce qui concerne le numérique, ce que je peux dire, c’est que dès qu’il a été possible de se connecter, dans la seconde moitié des années 90, je l’ai fait. J’étais fauchée, mais quand même. La connexion a d’abord et avant tout permis de circonscrire la malédiction de la boîte aux lettres vide – j’étais à la fois au chômage, sans éditeur et sans réseau, ce qui faisait beaucoup. J’ai commencé par m’abonner à une liste de diffusion de poésie, qui envoyait chaque jour des poèmes dans ma boite mail – ah, cette joie de ne plus descendre les escaliers et de remonter déçue. Puis j’ai découvert remue.net, le site Labyrinthe, Zazieweb, etc. Avec de l’aide, j’ai créé un premier site en html très simple, vers 1998, contenant quelques textes et des illustrations.
En 2000, parce que j’avais une bonne connaissance de la Toile littéraire française, comme on disait, j’ai travaillé pour une société internet américaine et c’est ainsi que je me suis retrouvée en train de « scanner » le web toute la journée à la recherche des meilleurs sites. J’en ai profité pour tenter des expériences, j’ai participé à des sites de critique littéraire, publié dans des revues en ligne, suivi de près les premières propositions des éditeurs numériques…

41QGveIuAlL._SX329_BO1,204,203,200_Ensuite, la boîte a fermé et je suis devenue journaliste dans la presse informatique. J’ai dû alors me concentrer sur de la description de logiciels, ce genre de choses, ce qui m’a éloignée de mes centres d’intérêt — qui ont toujours été l’écriture, l’art, la création. J’essayais quand même de suivre ce qui continuait à se passer et quand Fenêtres open space, mon premier livre, a été publié en 2007, six ans après la parution des premières pages dans la revue de remue.net grâce à François Bon, c’est très naturellement que j’ai créé un blog pour l’accompagner.

Au début, je pensais simplement ajouter du contenu, des notes non retenues dans le livre, des photos prises dans le quartier décrit. Mais j’ai commencé à réfléchir à ce que signifiait écrire dans l’interface, publier immédiatement, placer ou non des liens dans le texte… Je me suis mise à lire différemment, aussi, passant de blog en blog, de site en site, tout en continuant la lecture de livres papier.

Savelli FrankPour Franck, le numérique n’a pas eu beaucoup d’importance lors de l’écriture, si ce n’est documentaire – comme le font tous les auteurs aujourd’hui – ou pour rechercher des traces de lui. Par contre, dès que j’ai commencé à m’intéresser à la notion de décor, que ce soit lors de la création de mon avatar, Dita Kepler, ou de la mise en place de Décor Lafayette, j’ai saisi qu’il se passait quelque chose : ce que j’écrivais commençait à déborder du papier. La surface du papier ne me suffisait plus. D’où les index que je mets souvent à la fin de mes livres, par exemple. Si Décor Lafayette, comme Décor Daguerre qui paraîtra l’an prochain, sont des livres « papier », quelque chose dans la structure est très proche du numérique, de la façon dont les outils transforment notre rapport à l’écrit. Non pas en termes de phrases, paragraphes brefs ou langage SMS (clichés courants de qui n’a pas cette pratique), mais de pensée arborescente, plutôt. Je commence à penser quelque chose et plusieurs notions apparaissent côte à côte, qui se développent, qu’il m’appartient de ne pas hiérarchiser tout de suite, de ne pas négliger, au contraire : de relier. Décor Daguerre, livre en soixante-quinze parties reliées entre elles, traversées par six ou sept « feuilletons », est un texte hétérogène, dont on voit les coutures, qui laisse de la place au lecteur. Il ne fait pas un tout harmonieux, parfait, sans faille, onctueux et rond, comme un roman dont rien ne dépasse. Ici, tout dépasse : l’essence même du web. Des fils dépassent, on tire dessus, on les relie, les superpose, dessine des formes avec…  Décor Daguerre, c’est d’ailleurs l’histoire de ce qui est circonscrit et de ce qui dépasse, en quelque sorte, je m’en rends compte en l’écrivant.

Dans ton texte « La concurrence ne m’intéresse pas », paru dans le tome 2 de Devenirs du roman (éditions inculte, 2014), tu écris que tu passes indifféremment du blog aux « feuilles » du traitement de textes.
Le web permet le travail de documentation utile à l’écrivain mais il interagit en permanence avec la pensée — je pense aux interactions choisies ou subies par la fréquentation des réseaux sociaux. Comment se déroule ce processus dans ta vie de tous les jours ?

Ce n’est jamais simple, toujours à penser : les limites entre l’écriture du livre en cours, les réseaux, répondre aux mails, surfer, c’est nous qui les mettons et bien sûr, nous n’avons pas appris à le faire. Il n’y a pas de protocole à suivre puisque le numérique n’existait pas dans notre enfance. Il n’y a pas eu d’apprentissage antérieur, ni extérieur.

Là je réponds à ta question parce qu’elle m’intéresse et que les délais sont serrés pour ton article. Mais je le fais également tout de suite, sans attendre, dans l’espoir d’aller me replonger d’ici une heure dans mon travail en cours, un livre sur Marilyn Monroe, et ne plus en sortir. Je rêve d’avoir la tête à Hollywood en 1951, d’être enfermée dans la chambre du Beverly Carlton hotel où elle vivait alors et de n’en sortir qu’au bout de plusieurs heures d’écriture.

J’en rêve chaque jour, mais la vie continue : il y a le livre de L’aiR Nu, Une ville au loin, qui paraîtra dans deux jours au moment où je t’écris, et dont nous avons signé le Bon à tirer hier soir, effectuant des corrections jusqu’au bout. Il y a le lancement d’un financement participatif sur Ulule, qui m’occupe constamment ces jours-ci – envoyer des mails, relancer, envoyer des informations sur les réseaux sociaux, écrire la newsletter, voir si le chiffre monte puisque ce qu’on nous donne, nous ne l’aurons effectivement que si l’objectif a été atteint. Et tout ça sans gagner un sou, ce qui n’est pas possible puisque je ne suis pas rentière – il y a donc l’angoisse liée au manque d’argent à gérer en même temps.

Cette démultiplication de soi, de son attention ne vient pas seulement de l’objet, de l’outil, que ce soit la box ou l’ordinateur. Elle vient d’abord de la façon dont nous vivons et dont la société nous traite. Pour s’en sortir, financièrement, quand on n’est pas en CDI, il faut se démultiplier sans arrêt, ce qui d’ailleurs ne suffit pas. Ce n’est pas spécifique au statut d’auteur, bien sûr : quand j’étais journaliste pigiste, c’était pareil. Mais quand on est auteur et qu’on ne reçoit pas un sou de ses éditeurs, comment on fait ? Les livres ne s’écrivent pas tout seuls la nuit. Soit on arrête, soit on se démultiplie en espérant tenir.

C’est ainsi que j’ai, non pas un, mais cinq livres en tête. Que j’ai monté L’aiR Nu l’an dernier avec mes camarades du collectif. Que je passe ma vie à arrêter d’écrire pour monter des dossiers qui, peut-être, m’aideront à tenir, mais peut-être pas, c’est pourquoi il faut à la fois y croire à fond et ne plus y penser dès que le courrier a été posté. Dans tout ça, il y a du web, bien sûr, puisque le web sert à tout.

Maintenant, le web en lui-même, comment agit-il sur l’écriture ? « Le » web n’existe pas. Il y a le site de fan de Marilyn qui m’apporte mille informations sur ce que je cherche et ne me sort donc pas de l’écriture. Il y a le site des bibliothèques de la ville de Paris qui me renseigne sur la possibilité d’aller emprunter un livre que je viens de découvrir. Là, non plus, je ne sors pas de l’écriture : je sors de chez moi, je vais chercher le livre, c’est de l’écriture. Il y a le dossier « Marilyn autrement » que j’ai créé sur Facebook. Je poste une photo, soit quand j’ai envie de m’y remettre et que je n’y arrive pas, pour me réinscrire dans ce que j’ai à faire ; soit pour faire une pause ; soit pour me récompenser d’avoir bien travaillé (!) ; soit pour le plaisir ; soit pour donner envie aux gens de me suivre…

Il y a encore, pendant que j’écris, l’œil que je jette aux réseaux et qui me déconcentre, la mort partout, les attentats, les manifs, etc. Et sur ces mêmes réseaux, une photo qu’on m’envoie en lien avec ce que j’écris et qui m’encourage à poursuivre…

Tout cela est extrêmement ambivalent, complexe. Positif et négatif en même temps, si on veut – mais bien malin celui qui peut déterminer à l’instant ce qu’il en est.

Dans de nombreux articles – mal informés et parfois de mauvaise foi – quand on parle d’écriture numérique (concept qui serait encore à définir, mais est-ce utile ?) on entend souvent le terme autoédition à la suite. On vit encore sous le règne absolu et romantique d’un auteur omniscient en liaison avec les forces mystiques de la création et la figure d’un éditeur, détecteur de l’originalité, du style et de la saveur d’un texte. La réalité est plus terre à terre et… plus financière. Or, ce que l’on remarque, dès que l’on se penche un peu vers les auteurs qui sont – ou vivent ? – sur le web c’est cette volonté de collectifs ou encore d’accepter des interactions avec leurs textes.
Tu parles de François Bon et je pense à la pré-publication de ses travaux dans son tiers-livre, véritable laboratoire ouvert pour lu et pour nous, les lecteurs curieux. Comment vois-tu ce web collectif, interactif ? Peux-tu nous en dire plus, par exemple, sur ton avatar @ditakepler. Et ce collectif à quatre voix, L’air Nu ? Il me semble qu’il y a là quelque chose de nouveau dans le rapport entre écrivains notamment par rapport à des mouvements du passé comme les écrivains surréalistes ou encore ceux du Nouveau Roman.

La désacralisation de l’écrivain, figure solitaire et hautaine, j’en entends parler depuis quinze ans. A vrai dire, dans un sens comme dans l’autre, je m’en fiche totalement. Ce qui m’intéresse, c’est l’écriture elle-même, le moment où quelque chose s’écrit. Ce qui m’intéresse, c’est le vivant, l’inédit, l’inouï. Le reste, c’est une question d’image et je m’en fous. Je comprends très bien qu’on ait envie d’être seul, plongé dans l’écriture, de ne pas en parler ni rien. Je comprends aussi qu’on ait envie de circulation, d’échanges.

Ce que le web permet, c’est l’échange, oui : nous sommes quelques-uns à  nous serrer les coudes depuis des années, sans rivalité, ce qui n’aurait jamais été possible autrement, je crois. Ce qui s’est passé, c’est la possibilité de rencontrer quelqu’un en ayant déjà des affinités avec lui, en ayant eu des échanges avant même de savoir quoi que ce soit de lui, de son visage ou de sa vie, ce qui n’était pas possible avant : il fallait se rencontrer, puis commencer par tâtonner. L’approche à l’autre est devenue différente. En même temps, nombre de gens ne se connectent que pour parler d’eux ou faire leur publicité, bien sûr, sans curiosité de ce que fait le voisin. Mais c’est pareil : je m’en fiche un peu. « Faire sa pub » sans fausse honte, ça ne me gêne pas, au contraire : je suis toujours contente de savoir qu’un auteur dont j’aime les livres en fait paraître un nouveau, ou d’aller lire son blog si j’ai le temps, si je suis disponible. Qu’il donne de ses nouvelles sur les réseaux, je trouve ça très bien. Maintenant, si c’est toujours dans le même sens, évidemment, ça devient problématique. Mais c’est accessoire : ce n’est pas compliqué de paramétrer les informations qu’on reçoit. L’important n’est pas là, dans les questions de personnes, d’ego.

Ce qui compte, c’est le rebond que permet la circulation des textes, l’énergie qu’elle donne. Quand je tombe sur un texte de Cécile Portier, de Pierre Ménard ou de Christine Jeanney qui me touche, par exemple, ou que je regarde une vidéo d’Arnaud de la Cotte, un élan se crée. Parfois je le leur dis, puisque je les connais. Souvent non : je lis, rouvre mon document, me remets à écrire. Certains d’entre nous commencent à mourir, aussi ; on ne les perd pas de vue pour autant. Je relis Maryse Hache régulièrement parce que ses textes en ligne sont toujours accessibles et qu’ils reviennent sur Twitter grâce à relire.net. On a appris récemment le décès de Francis Royo sur les réseaux, qu’on ne connaissait et lisait que grâce au web. Nous en avons tous été très touchés. Ses textes restent, tout comme, dans mon esprit, les photos qu’il postait chaque matin sur Facebook, l’immense curiosité qu’il avait pour le travail des autres, ces relais permanents qu’on retrouve également chez Brigitte Célerier, dont je suis les billets sur le festival d’Avignon chaque année.

Collectif LairNu (c) Communauté de Communes Moret Seine et Loing
Collectif LairNu © Communauté de Communes Moret Seine et Loing

Côté collectif, que te dire encore ? Quand nous avons monté L’aiR Nu l’an dernier, avec Pierre Cohen Hadria, Mathilde Roux et Joachim Séné, les raisons ont été multiples. On avait tous envie depuis longtemps de faire du son, de faire vivre une « radio » littéraire. Il y avait également l’idée de créer notre propre emploi à temps partiel : on est tous auteurs, suspendus à la réponse d’un éditeur, d’un galeriste, d’un client… L’aiR Nu, c’est une façon de propulser des choses, de ne pas attendre qu’elles arrivent. On ne veut pas être bénévoles : on veut en vivre à quart temps chacun. D’où le temps qu’on y passe, paradoxe, en paperasserie, recherche de subventions, etc. On est à la fois dans la création pure, l’échange permanent et dans tout ce que le travail a de plus trivial et quotidien : la déclaration aux agessa, l’élaboration de projets, de budgets, etc. Les mains dans le cambouis, tous les quatre, et un soutien indéfectible quand on a l’impression d’être mal compris ou qu’on reçoit des réponses négatives.

C’est très important, le collectif, pour ça : on comprend mieux à plusieurs comment fonctionne ou dysfonctionne un système et comment y remédier. Est-ce que c’est ça, la nouveauté ? Je ne sais pas. En tout cas, ce que je constate, c’est qu’on a tous les quatre des personnalités très affirmées, et que ça marche ! Le livre qui sort le 7 juillet, Une ville au loin,  et le site qui l’accompagne sont un bon reflet de ce que je raconte, je crois.
Numérique, papier ou autre chose, ce que j’aime, c’est créer de la vie, du neuf.
Le collectif peut prendre des formes moins visibles, aussi.

Quand j’ai créé mon avatar sur Second Life Dita Kepler, en 2009, je savais que je ne voulais pas en faire un personnage dans l’acception classique du terme. Je voulais simplement qu’elle reste le plus libre possible, non liée à la publication : je lisais mes textes en public, au Cent Quatre ou à la Bellevilloise, mais ne les postais pas sur Fenêtres, n’en faisais pas un ensemble à soumettre à un éditeur. Je ne pouvais pas prévoir que Pierre Ménard allait la faire parler sur Twitter – ce que j’avais pourtant implicitement mis en route en disant un jour en public que tout le monde pouvait s’emparer d’elle. A partir de là, Dita Kepler est restée « mon » personnage, mais elle a, sans le dire, été voir ailleurs, du côté d’autres auteurs. Sur Twitter, c’est parfois moi qui tient le compte, parfois non. Chez Christophe Grossi, on trouve un texte qui parle d’elle (lire ici)… Etc.

Ensuite, ce que j’avais prévu de faire, des lectures en public, a évolué : des « variations » sont survenues, en numérique à la Marelle (Dans Anamarseilles, Dita s’anamorphose jusqu’à faire corps avec des quartiers entiers de Marseille), sous forme codée en treize épisodes sur remue.net (Journal du silence, journal de la lutte, co-réalisé avec Joachim Séné), sous forme « papier » chez Joca Seria (Ile ronde, livre signé de mon nom et écrit par moi, certes, mais pour lequel Joachim a écrit une voix, tandis que Mathilde Roux faisait la couverture et qu’Arnaud de la Cotte y glissait des photos). Aujourd’hui, je laisse un peu Dita tranquille, sauf quand j’ai quelque chose à dire que je n’arrive à exprimer que par elle. A ce moment-là, je rouvre Twitter. Mais elle pourrait encore prendre mille formes : c’est le principe.

Dita Kepler n’aura cependant jamais l’ampleur collective du Général Instin – auquel il m’arrive ponctuellement de participer. Ils sont à la fois proches et différents (j’ai déjà imaginé leur rencontre, du reste, mais n’ai rien écrit pour l’instant).

Une ville au loin, texte du collectif L’aiR Nu

Suivre Anne Savelli sur « le Web qui n’existe pas », voici quelques pistes (liste non exhaustive, l’auteure aime les avatars) :
Son blog atelier
Sa page Facebook — Son twitter : @athanorster — Son instagram
Dita Kepler sur twitter etc.

Le projet L’Air Nu peut être soutenu sur Ulule avant le 17 juillet.

BIBLIOGRAPHIE commentée par Anne Savelli :

2007 Fenêtres, Open space, éditions Le Mot et le reste, « journal du regard » écrit dans le métro aérien lors de trajets pour se rendre au travail. J’ai ouvert également ouvert un blog du même nom, toujours actif.

2008 Cowboy Junkies, The Trinity Session, éditions Le Mot et le reste, collection Solo, ouvrage qui évoque le deuxième album d’un groupe de rock folk canadien. Intimement lié à Franck (voir ci-dessous). Il en est, en quelque sorte, la bande-son.

2010 Franck, éditions Stock, collection La Forêt, portrait d’un jeune homme marginal en fonction des lieux qui lui sont rattachés.

2011 Des Oloé, espaces élastiques où lire, où écrire, éditions D-Fiction, livre numérique avec photographies consacré aux lieux, urbains ou non, dans lesquels il est possible de lire, d’écrire, de penser, de rêver.

Autour de Franck, éditions publie.net, livre numérique écrit avec Thierry Beinstingel, inspiré par mon livre, Franck.

2013 Décor Lafayette, fiction sur le thème des grands magasins, éditions Inculte.

Dita Kepler, journal du silence, journal de la lutte, texte codé (site remue.net), animé par Joachim  Séné, avec participation de Pierre Ménard. Dita Kepler est un projet littéraire au long cours, transmedia, que je fais vivre de plusieurs façons depuis 2009 : lectures publiques, projection de photos, publications d’extraits en revue ou sur d’autres sites que le mien, texte codé, compte Twitter.

2014 Laisse venir, livre numérique écrit avec Pierre Ménard, fondé sur l’écriture parallèle de deux trajets Paris-Marseille, virtuels puis réels. Éditions La Marelle.

Ile ronde, déchirure / tempête, variation pour Dita Kepler, éditions Joca Seria.

2015 Anamarseilles, variation pour Dita Kepler, livre numérique. Éditions La Marelle.

Diptyque, texte écrit pour la compagnie de danse Pièces détachées, qui évoque la relation entre deux corps qui s’attirent, deux êtres qui s’observent.

2016 Une ville au loin, texte du collectif L’aiR Nu : livre numérique. On y croise trois personnages qui effectuent, pour des raisons multiples et de manière très différente, des trajets entre Paris et la banlieue.

Projets :

Décor Daguerre, ouvrage centré sur le film d’Agnès Varda, Daguerréotypes, à paraître en février 2017 aux éditions de l’Attente.

Volte-face : fiction en cours ; écriture centrée sur la figure de Marilyn Monroe.