L’œuvre de Philippe Cazal convoque à la fois sa passion des mots, un savoir-faire graphique et l’art de la mise en scène. À partir de mots sélectionnés, il parvient à constituer des théâtres de lettres qui mettent à l’épreuve la trop facile lecture qu’offre généralement les mots d’ordre et autres slogans de l’espace public.
Ce travail qui s’est d’abord fait connaître au sein du groupe UNTEL (1975-1980) en détournant les codes de la publicité commerciale, se poursuivra par la création du magazine d’art PUBLIC (1983-1989), parallèlement à son parcours artistique.
Une sélection d’œuvres est présentée, comme des morceaux choisis, à la galerie Michèle Didier sous le titre « Des œuvres… voire quelques saillies », jusqu’au 27 mai, montrant différentes facettes de cet artiste malicieux. Une œuvre qui mérite autant d’être vue que d’être lue.
Comment te présenterais-tu ?
Comme un chercheur curieux.
Comment présenter ton œuvre ?
Je bouscule la lisibilité des mots, je déploie de multiples approches visuelles par le découpage, la scission des syllabes, je joue avec les strates de lecture pour décortiquer le langage et déplacer son sens.
Le travail le plus récent devient plus abstrait, la compression des mots – que je nomme Les Compacités – va révéler une forme inattendue et donner un sens nouveau.
Ta première rencontre avec le graphisme ?
Comme élève de 1969 à 1973 à l’ENSAD (École nationale supérieure des Arts décoratifs) avec des professeurs exceptionnels : Jean Widmer et d’autres professeurs d’origine suisse d’une immense rigueur nous ont appris à mettre un point dans un espace, car c’est le début d’une relation graphique à l’espace. Nous avons eu également l’occasion de côtoyer Roman Cieslewicz, Martial Raysse et Jean-Paul Goude !

©P. Cazal
Ton plus grand choc culturel ?
Avant de « monter » à Paris j’étais en apprentissage ouvrier avec comme perspective, peu réjouissante, de travailler en usine ! Mais je découvre Paris en 1968 et décide de tout mettre en œuvre pour y rester. Les rencontres faites aux Arts Déco grâce à Pierre Cabanne, qui invitait des créateurs à rencontrer les élèves, vont bousculer ma vie.
Ta première rencontre avec l’art contemporain ?
En 1965, à la Fondation Maeght à Saint-Paul de Vence, découverte des œuvres de Joan Miró et Alberto Giacometti. Puis, à partir de 1968, à Paris, en découvrant les œuvres des artistes présentés principalement dans les galeries Yvon Lambert (rue de l’Échaudé), Daniel Templon (rue Bonaparte), Alexandre Iolas, Denise Renée et Claude Givaudan (boulevard Saint-Germain).
Une belle rencontre ?
Daniel Buren … j’ai mis presque dix ans avant de le rencontrer en 1979.
Je l’ai invité à participer à une exposition « Une idée en l’air » que j’ai montée dans sept lieux à New York (PS1, The Clock Tower, Franklin Furnace, White Columns, Alternative Museum…). Il a été très généreux de son temps et de ses conseils. Cela a été le début d’une belle amitié. Par la suite, Daniel m’a invité à participer à l’exposition rue d’Ulm, en 1983, « A Pierre et Marie, Une exposition en travaux » organisée avec Sarkis, Michel Claura, Jean-Hubert Martin et Selman Selvi. Puis en 1994, lors d’une exposition à Moscou, « Le Saut dans le vide », nous avons présenté un travail en commun, son œuvre était intitulée « La mesure de l’objet » et la mienne « L’objet de la démesure ». Cette œuvre commune a été réactivée en novembre 2022 dans une galerie de Liège.

L’artiste disparu.e que tu aurais aimé connaître ?
J’ai toujours été fasciné par Barnett Newman, la part de l’imaginaire dans son œuvre. Aussi, Picabia, qui a été un sacré personnage, un aventurier de l’art.
Un auteur qui a inspiré ton travail ?
Guy Debord et Gilles Deleuze. Pourparlers, c’est le livre sur lequel je me suis appuyé pour laisser divaguer mon imaginaire.
Quel événement t’a marqué ces derniers temps ?
La guerre en Ukraine. C’est un événement qui vient changer les perspectives et les certitudes, on croyait être débarrassé de ça.
Quelle utopie, quel espoir pour demain ?
Mettre la culture en avant. Je ne sais pas si la culture va sauver le monde mais ça va rendre le monde plus intéressant. Il n’y a pas d’autre alternative. C’est la connaissance.
Ton mot préféré ?
Philippe Cazal est représenté par la galerie Hervé Bize (Nancy) ; mfc-michèle didier, Paris/Bruxelles (66 rue Notre-Dame de Nazareth, 75003 Paris) ; et la Galerie LRS52 à Liège.