Lettre ouverte à Pap Ndiaye

© Lycée Mozart en lutte

Monsieur le ministre,

Aujourd’hui sont proclamés les résultats du premier tour de l’examen du Baccalauréat. Il s’agit, peut-être encore, du jour le plus important de la scolarité de tous les lycéens de France et des professeurs qui les ont formés.

Du côté des professeurs du lycée Mozart du Blanc-Mesnil (93), l’heure est à l’inquiétude et aux interrogations ; l’anxiété quant à l’avenir du lycée est immense et palpable chez de très nombreux collègues. Pourtant, nous savons que, malgré la pénurie des moyens et une dégradation constante de nos conditions de travail, nous avons fait notre devoir. Nous savons, en effet, que nos efforts ont encore porté certains fruits : les élèves du lycée Mozart ont pu bénéficier d’une formation de qualité et de professeurs engagés et soucieux de leur réussite.

En 2006, le lycée avait été classé « dernier lycée de France », avec des résultats pour certaines filières bien en deçà de la barre des 50% de réussite. Mais, grâce à l’action d’un proviseur vaillant dont la priorité a été de revaloriser les enseignements et d’améliorer les conditions d’étude pour les élèves, suivie de celle de certains autres chefs d’établissement qui partageaient ce même projet, grâce aux efforts conjugués d’une communauté éducative soudée qui a toujours eu pour priorité l’intérêt des élèves et la qualité des enseignements, cela n’a plus jamais été le cas : le lycée a même été classé premier de France en 2016 puis 2017 et bénéficie encore cette année d’un classement tout à fait honorable, se plaçant toujours dans les dix meilleurs lycées de France.

Alors que se passe-t-il au lycée Mozart du Blanc-Mesnil ?

Depuis la rentrée 2021, un nouveau proviseur a été nommé à la tête du lycée. Dès son arrivée, les cas de maltraitances se sont multipliés occasionnant des arrêts maladie pour souffrance au travail comme il n’y en a jamais eu au lycée Mozart. Les personnels soutenus par les syndicats ont alors passé leur année à utiliser toutes les procédures offertes par l’institution afin d’alerter les autorités : de très nombreux signalements inscrits sur le registre santé et sécurité, plusieurs exercices du droit de retrait portant sur cette action maltraitante du proviseur et sur son désintérêt pour l’application du protocole sanitaire mettant ainsi en danger la santé tant psychologique que physique des personnels et des élèves, mouvements de grève prolongée, demandes d’audiences auprès de la Direction des services départementaux de l’Éducation nationale (DSDEN), obtention d’une visite du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) le 19 mai 2022 au cours de laquelle des dizaines de collègues aux profils très divers ont pris leur courage à deux mains pour témoigner face à une commission qui les a assurés entendre leur souffrance.

Cependant, tous ces efforts n’ont abouti à rien d’autre que conforter le proviseur dans ses pratiques de management hyper brutal qui ont conduit à transformer l’établissement en un lieu de travail anxiogène et en cour de récréation géante au sein de laquelle les élèves perturbateurs en difficulté sont assurés de l’impunité et où travailler devient un défi. En effet, ce proviseur multiplie de fait les pratiques intimidantes, profère sans cesse des menaces contre les collègues, méprise les instances de concertation du lycée. De plus, il sabote notre travail en faisant le choix de ne pas sanctionner les élèves et en décourageant les professeurs qui initient des projets pourtant destinés à accompagner les élèves d’un lycée classé « Politique de La Ville ». Enfin, il n’hésite pas également à user de l’un de ses comptes Twitter où, publiquement, il attaque directement des collègues, se moque d’eux dans une utilisation inappropriée, humiliante et provocatrice des réseaux sociaux.

Il est maintenant clair que le proviseur du lycée Mozart a le soutien de l’institution, qu’il s’agisse du rectorat, de la DSDEN et même du ministère (puisque le cas de notre lycée y a été évoqué lors du CHSCT ministériel du jeudi 9 juin), car l’institution considère que l’action brutalisante de ce proviseur est tout à fait adaptée aux personnels du lycée Mozart. Ce qui ne peut que laisser perplexe : pourquoi vouloir s’en prendre à un lycée dans lequel les élèves réussissent et les équipes sont stables ? Pourquoi vouloir détruire ce qui marche encore ?

Et il faut savoir que notre cas n’est pas isolé : ce même proviseur avait déjà utilisé ces mêmes méthodes dans son précédent établissement laissant les personnels dans un état de « stress post traumatique » comme en attestent les témoignages écrits que nous avons reçus de leur part et que nous avons remis aux autorités ; dans d’autres établissements, des collègues nous racontent les mêmes histoires provoquées par ce même management violent et sans intelligence. Ainsi, lors de la séance du CHSCT départemental du jeudi 30 juin au cours de laquelle le cas du lycée Mozart a été évoqué, 7 autres établissements de Seine-Saint-Denis ont été signalés cette année par les syndicats comme victimes « d’un mode de management brutal et arbitraire qui occasionne de la souffrance au travail ».

Monsieur le ministre, vous avez accepté le poste que vous a proposé le président Macron, vous avez dit votre intention de continuer la même politique que votre prédécesseur en ne remettant en cause ni la réforme du lycée, ni le système de sélection post-bac Parcoursup, ni le projet de refonte du statut des enseignants. La question est maintenant claire : quelle va être votre politique en matière de gestion du personnel ? Allez-vous poursuivre sur la voie de la brutalité managériale en laissant les mains libres à des proviseurs persécuteurs sans foi ni loi ? Est-ce de cette manière que vous voulez vous assurer que vos réformes et vos actions passeront auprès des personnels et s’imposeront aux élèves ? Serez-vous le garant d’une école où enseignants et personnels vont travailler dans la plus grande anxiété ?

Personne ne peut plus nier le manque d’attractivité du métier d’enseignant étant donnée la profondeur de la crise du recrutement. Vous espérez, avez-vous déclaré, y remédier en revalorisant les salaires des enseignants. Mais qu’en est-il de tous ces enseignants, dont nous sommes, qui sont déjà en place, notamment dans un département, le 93, où les difficultés sont telles que d’innombrables postes restent vacants, et sont poussés vers la sortie par des méthodes d’une brutalité sans nom ? Sous-payés, travaillant dans des conditions matérielles de plus en plus difficiles, nous devrions accepter de ne recevoir aucune reconnaissance de l’institution et pire encore d’être sommés de nous taire en permanence pour ne pas subir les foudres des chefs qui gèrent nos établissements ? Est-ce que sur ce point également vous serez dans la continuité de votre prédécesseur ?

Monsieur le ministre, cette fin d’année, les enseignants du lycée Mozart sont en grande détresse, l’un de nos collègues a fini aux urgences psychiatriques ; vous avez à plusieurs reprises évoqué votre mère, professeure de SVT, qui était donc elle aussi une collègue, qu’auriez-vous pensé si elle avait fini dans le même état ? L’auriez-vous laissée aux mains d’un personnel de direction que l’avis officiel du CHSCTD du 30 juin dit qu’il doit être muté pour mettre à sa place « un nouvel ordonnateur à la rentrée 2022 » ?

Veuillez accepter, monsieur le ministre, l’expression de nos sentiments républicains et sachez que nous ne renoncerons jamais à notre dignité ni à celle de notre fonction.

Les professeurs en souffrance du lycée Mozart en lutte

Contactez ici : lyceemozartenlutte@gmail.com

© Lycée Mozart en lutte