Hier soir, à La grande librairie, on nous proposait une grosse tartine de poésie. Outre l’animateur et son habituel enthousiasme carnassier à bagouses, il y avait là quatre personnes tout à fait respectables, dont Jean-Pierre Siméon, qu’on nous a présenté comme la nouvelle idole des jeunes, le poète officiel des acnéiques.
Ces personnes se trouvaient réunis sur un plateau de télévision pour assurer la promotion de la poésie auprès des jeunes. L’ambition est louable, quoi qu’assez paradoxale. Les jeunes, on le sait, c’est rien que des petits cons. Il suffit de leur conseiller un truc pour qu’ils fassent le contraire.
Oui, c’est con, des fois, les jeunes. Parfois plus encore, si possible, que les pas jeunes. On le sait, on est passés par là.
Ici, on les engageait à se rimbaldiser à mort. Dérèglement de tous les sens (y a pas que le shit, le harcèlement en meute et le porno dans la vie), Révolte métaphysique (lâchez vos i-phones, bande de merdeux, à vos pass culture !), Cloués nus aux poteaux de couleurs et tout le toutim. On évoquait les rappeurs que, ben, en fait, oui, eux aussi, sache-le, jeune, ils font de la poésie.
Sylvain Tesson était catégorique : la poésie c’est la résistance. Olivier Frébourg était d’accord. Jean-Pierre Siméon – retiens la nuit – abondait. Katrina Kalda, tout à son enthousiasme, pensait poétiquement aux grenouilles en voie de disparition, congratulée par ses trois camarades es rimbaldies. On se demandait avec angoisse, nous qu’on est des littéraires (qu’on le veuille ou non) : comment ne pas être d’accord ? Parce que, la poésie, jeune, c’est quand tu n’es pas d’accord, tu vois, et que tu ne te sens plus guidé par les haleurs.
Ah, nom de dieu, oui : comment ne pas être d’accord avec ce que disaient ces personnes bien sous tous rapports chapeautées par le François à bagouses ?
Il faut bien le dire : on était horriblement d’accord. Et quelque chose clochait.