Dans l’ombre d’Arsène : Lupin chasseur

© Netflix

Et si on arrêtait d’être snob et de s’étonner du succès d’une série Netflix ? Qui plus est française. Personnellement, je n’échangerais pas deux sachets de Marseille ou deux barils de Shooter contre cinq épisodes de Lupin (en attendant la deuxième partie avec une certaine impatience).

Carton de cette fin d’année 2020 qui aura connu son lot de catastrophes télévisuelles – l’omniprésence médiatique du Covid-19 et des fâcheux sur les plateaux des chaînes d’infos –, la série créée par Georges Kay avec Omar Sy, Nicole Garcia, Clotilde Hesme et Ludivine Sagnier dans les rôles principaux a déchaîné quelques passions et s’est attirée nombre de commentaires acrimonieux avant même d’être propulsée en tête des visionnages sur la désormais incontournable plateforme Netlfix. Même s’il chasse en terre américaine, le succès de Lupin n’est pas honteux. Et surtout, on doit se réjouir de lire les critiques a posteriori positives plutôt que les réactions à chaud des racistes s’en prenant à Omar Sy « sur les réseaux sociaux à cause de sa couleur de peau « … six mois avant la diffusion de la série.

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Avec Dans l’ombre d’Arsène, les créateurs de Lupin 2020 n’ont pas livré une adaptation fidèle des aventures du gentleman cambrioleur imaginé par Maurice Leblanc et personnifié sur petit écran par le très patrimonial Georges Descrières et le moins célèbre François Dunoyer ou sur grand écran par Jean-Claude Brialy et Romain Duris… Il s’agit bien pour Georges Kay et ses réalisateurs, Louis Leterrier, Marcela Said et Ludovic Bernard de transposer et écrire un nouveau Lupin, un héritier peut-être, un admirateur en l’occurrence, tout aussi doué que l’original.

Omar Sy incarne donc Assane Diop, père souvent absent et aux activités mystérieuses – pour ne pas dire trop vite douteuses –, et dont le passé a été cruellement déterminant : alors qu’Assane n’a que 14 ans, son père se suicide en prison après avoir été accusé de vol par Pellegrini, son riche et puissant employeur. La construction et le rythme des premiers épisodes évoluent au fil d’un avant-après qui décrit sans (trop) expliquer les tenants et aboutissants, les motivations profondes et surtout les ressorts psychologiques qui animent ce nouvel Arsène.

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Il s’agit donc bien d’une réécriture, qui invente autant qu’elle en réfère au Lupin historique : parce qu’il a lu et relu les livres de Maurice Leblanc, Assane est devenu cambrioleur et un coup du sort va le conduire à organiser enfin sa vengeance, pour se faire justice et punir ceux qui ont poussé son père à se donner la mort en coupable. La quête de la vérité et la preuve de l’innocence du père sont donc au centre de l’intrigue, comme le sont les questions de l’héritage, de la construction de soi et de la filiation – certes, à gros traits parfois.

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On oubliera très vite la critique lue sur L’Obs qui, déplorant une supposée absence de « French touch » (?), a pointé « action bouchonnée, écriture pauvre, clichés en série » pour préférer dire (en assumant justement le cliché) que Lupin, Dans l’ombre d’Arsène dépoussière un mythe, ose s’aventurer sur le terrain de la lutte des classes, du combat des humbles contre les puissants. Maladroite, sûrement imparfaite, la version 2020 de Lupin effleure de vraies bonnes questions comme au travers du personnage de la journaliste Fabienne Beriot qui a vu sa carrière brisée par le puissant Pellegrini ; comme lorsque Assane se mêle aux agents d’entretien du musée du Louvre pour ensuite participer incognito à une vente aux enchères dans le même musée (« parce que vous m’avez vu, mais vous ne m’avez pas regardé »)… Un peu trop vite, un peu trop en surface, parce que l’action est parfois privilégiée au détriment d’un peu plus de subtilité, Lupin parle de revanche, d’héritage, de place dans la société, et, en fil rouge avec une certaine efficacité, des modèles que l’on se choisit pour avancer. Avec une réalisation soignée qui renvoie les aventures des Arsène Lupin historiques à un passé (heureusement) révolu, Dans l’ombre d’Arsène se veut résolument moderne et fait entrer l’as de la cambriole dans le XXIe siècle.

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Lupin, Dans l’ombre d’Arsène, de Georges Kay d’après l’œuvre de Maurice Leblanc. Avec Omar Sy, Nicole Garcia, Clotilde Hesme et Ludivine Sagnier dans les rôles principaux. Partie 1 : 5 épisodes. Sur Netflix.