Billet proustien (41) : L’improbable méprise

Proust vers 1890 (Wikipedia Commons)

Marcel fait à Venise avec Maman un séjour longtemps reporté. Désormais, Albertine n’y serait plus que « faisceau de sensations » que réveillent ici et là les circonstances locales.

Mais un fait tranche parmi les autres au reçu d’une dépêche venue de France et qui dit : « “Mon ami, vous me croyez morte, pardonnez-moi, je suis très vivante, je voudrais vous voir, vous parler mariage, quand revenez-vous ? Tendrement, Albertine.” »

Soit l’extravagante nouvelle d’une résurrection d’Albertine dont le héros ne s’étonne pas plus qu’il ne faut comme si la chose était possible. Marcel se contente d’enregistrer l’annonce du télégramme et le fait qu’il n’en retire aucune joie.

À quoi il adjoindra l’idée du vieillissement en prélude au « Bal de têtes » du Temps retrouvé : « Et en m’apercevant que je n’avais pas de joie qu’elle fût vivante, que je ne l’aimais plus, j’aurais dû être plus bouleversé que quelqu’un qui, se regardant dans une glace après des mois de voyage ou de maladie, s’aperçoit qu’il a des cheveux blancs et une figure nouvelle d’homme mûr ou de vieillard. »

Marcel Proust, Albertine disparue, chap. III, Folio, p. 221-222.