Anouar Rahmani est un jeune écrivain algérien et défenseur des droits humains. Dans ce qu’il écrit, il milite pour la liberté individuelle, pour l’environnement, pour les droits des minorités LGBT+ en Algérie. A la suite de son interpellation par la police et d’un interrogatoire portant sur ses critiques de certains membres du gouvernement algérien, sur sa religion et ses partis pris politiques, il est convoqué par la justice ce 17 février. Entretien avec l’écrivain Abdellah Taïa.
Anouar Rahmani est écrivain et militant. Quels sont ses engagements ?
Anouar Rahmani a 27 ans. Il vit dans la ville de Cherchell, pas loin d’Alger. Il écrit en langue arabe et il a publié en 2017 un premier roman, La ville des ombres blanches. Ce roman a été interdit immédiatement et l’auteur a été accusé de blasphème et d’atteinte à la religion. Anouar est aussi un militant, un défenseur des droits humains.
Quels sont les faits qui lui sont reprochés et pour lesquels il a été convoqué par la police algérienne en janvier dernier ?
Les prises de position très courageuses d’Anouar lui ont attiré beaucoup d’ennuis avec les autorités algériennes. Le 17 février, il doit comparaître devant le tribunal de la ville de Cherchell. Il est accusé cette fois-ci d’« insulte à l’encontre des responsables de l’État » pour ses publications sur les réseaux sociaux.
Est-ce la première fois qu’Anouar Rahmani est inquiété par la police et la justice ?
Non, ce n’est pas la première fois. Anouar a raconté plusieurs fois comment, à partir de la publication de son roman, les autorités l’ont harcelé. Pas que lui d’ailleurs : sa famille a été elle aussi inquiétée. Anouar pense que les autorités lui en veulent surtout pour sa défense de la liberté d’expression et des droits LGBT+ en Algérie. Il a demandé que le mariage homosexuel soit légalement reconnu en Algérie.
Oui, je sais qu’il lui a été interdit d’écrire dans les journaux nationaux, et que certains événements auxquels il devait participer ont été annulés, suite à des pressions. Dans certains journaux, sur les réseaux sociaux, il a été violemment accusé d’hérésie, d’insulte à l’Islam. Est-ce que, malgré ces pressions et les risques, Anouar Rahmani a des soutiens en Algérie, en particulier chez les jeunes ?
Oui, oui, il a des soutiens en Algérie. Et il a besoin qu’on le soutienne un peu plus, en France, au Maroc, ailleurs, pour que sa voix très importante ne soit pas écrasée.
Est-ce que sa critique des pouvoirs politiques algériens et de certaines normes sociales rejoint un mouvement plus général dans la société algérienne ?
Absolument. C’est un réveil. Un éveil. Une révolution. De la part des gens comme Anouar et de la part de la grande majorité des Algériens qui démontrent, depuis plusieurs mois maintenant, à quel point ils sont engagés dans la voie du vrai changement politique. Un changement radical qui vient de l’intérieur et qui n’a nullement besoin de la bénédiction de l’Occident. Les Algériens sont mes héros.
Son procès doit se tenir ce 17 février. Quelle peine risque-t-il ?
Il risque une peine d’emprisonnement qui pourrait aller jusqu’à deux ans.
Qu’est-ce qui peut être fait pour soutenir Anouar Rahmani ?
Anouar Rahmani est pour moi l’image même du jeune Arabe d’aujourd’hui : conscient de l’histoire de son pays et des enjeux du monde, courageux, engagé sur le terrain, pas dans le dénigrement et la haine inutile de ses compatriotes, pas dans une vision d’avenir importée de l’Occident. Il est un Algérien qui écrit et par l’écriture il s’engage, il critique le pouvoir, les autorités, il prend des risques pour de vrai, pour de vrai, pas pour prendre la pose de l’intellectuel engagé. Il ne s’engage pas que pour lui mais pour plusieurs causes politiques. Très sincèrement, je l’admire et je demande ici qu’on le soutienne fort. Il le mérite. Il le mérite.