Pays natal (11/16)

© Laurent Deglicourt

Je suis aux anges. Luc et C. viennent d’arriver, papa et maman aussi (elle semble de bonne humeur maman en ce moment). C’était bien cette baignade, l’eau, pour une fois, n’était pas trop froide et j’en ai profité autant que j’ai pu. À un moment, je suis remonté pour goûter, j’ai mangé une poire que papa avait cueillie, avant de partir, sur l’arbre en espalier près de la maison et, une fois que je l’aie eu avalée, j’ai voulu retourner tout de suite à la baille (c’est papa qui dit souvent ça : « à la baille »). Alors ma mère m’a dit que je venais de manger et que ça pouvait être dangereux, preuve que ça lui arrive de prendre soin des autres ; mais mon frère est intervenu en précisant qu’une petite poire de rien, ce n’était pas grave. Ils sont vraiment tous gentils, je ne sais pas ce qui se passe, peut-être le cycle de la lune, la bonne influence des planètes…

Je suis donc retourné dans l’eau une deuxième fois et c’était vraiment super ! Les vagues me submergeaient, je plongeais dedans, je n’avais absolument pas peur, mieux, je m’avançais de plus en plus loin, là où je n’avais plus pied. Je sais qu’il faut faire attention, que les courants sont traitres et qu’ils ont vite fait de faire dériver les nageurs téméraires. Je me suis répété ce mot : téméraire…, je me suis dit que, parfois, je pouvais être ainsi… Mais il a fallu remonter pour me sécher tout de même… Tout a une fin comme dit souvent maman. Tout le monde s’est changé, ça a pris du temps. Moi par exemple, je ne veux absolument pas qu’on voit mes fesses, alors je gigote pendant de longues minutes dans ma serviette pour passer mes vêtements secs.

On a repris les deux voitures, la GS et la R5 et, avant d’embarquer, mon père a dit que ce serait sympa de boire un verre à Onival avant de rentrer. Ça arrive tellement rarement, je me suis demandé quelle mouche l’avait piqué. D’habitude, papa fait très attention à l’argent. Maman dit d’ailleurs de lui qu’il est radin. Mais il parle toujours très vite d’autre chose dans ces cas-là ! On a eu du mal à se garer, il y avait beaucoup de monde, plein d’enfants surtout. La terrasse du café était bondée mais, heureusement, des gens partaient quand nous arrivions et on a pu s’installer. Là, je suis en train de siroter mon diabolo-grenadine et je me dis que la vie est chouette parfois. Dommage que Claire ne soit pas avec nous. Mais en rentrant tout à l’heure, je lui raconterai tout.

© Laurent Deglicourt