Parvenu à cent – c’était convenu –, tu te retournes. La futaie est vide. Peu de bruits, des oiseaux discrets, des branches et des feuilles qui craquent sous tes pas. Et puis ce vent léger qui agite les cimes. Tu fouilles là où tu aurais eu l’idée de te cacher : derrière un buisson de ronces, sous de hautes fougères. Tu examines minutieusement chaque arbre.
Tu reprends ta recherche dans la direction opposée. Tu inspectes même les cachettes les plus dérisoires ou franchement ridicules sans découvrir le moindre indice. Dépité, tu recommences ta première exploration de façon encore plus méthodique. En vain.
L’angoisse monte doucement, se faufile. Tu la connais bien. Sa fidélité force l’admiration. Elle t’envahit de la même manière quand tu voyages avec tes parents et que vient le moment de trouver un hôtel. Tu es terrorisé à l’idée que ta mère et ton père t’abandonnent, filent en douce pendant la nuit, te laissant seul et démuni dans la chambre anonyme. A l’étranger, c’est pire. Tu espères toujours occuper le lit près de la porte ; ainsi, penses-tu, ils seront obligés de te passer sur le corps pour s’enfuir…
Tu as honte de l’avouer, tu n’en parles jamais, à quiconque ; c’est un douloureux secret qui, à l’appréhension originelle ajoute la peur du ridicule. Quand tout l’hôtel est plongé dans la nuit, tu essayes de te maintenir éveillé le plus tard possible. Lorsque tu entends tes parents ronfler, tu relâches un peu ta vigilance et tu t’endors à ton tour. Chaque nuit, le même scénario se répète.
Tu paniques, tu recommences à chercher de façon désordonnée, sans la moindre méthode. Tu cours, tu te griffes les jambes aux fourrés, tes repères s’estompent, tu tombes dans les feuilles mortes. Ta tête heurte une branche, tu perds connaissance.
