Entretien avec Nedjib Sidi Moussa: « La figure du Musulman accompagne la disparition de celle de l’ouvrier »

Revenant sur une actualité nourrie depuis de nombreuses années par de faux débats sur les présumés musulmans, Nedjib Sidi Moussa offre dans La Figure du Musulman une vigoureuse et éclairante réflexion sur le rôle des politiques dans la propagation d’une fièvre identitaire confusionniste et apeurée. Soulignant l’opportunisme ou l’aveuglement de certains courants réactionnaires, Nedjib Sidi Moussa met en lumière l’action des racistes, des antiracistes et des entrepreneurs communautaires dans le remplacement de l’« Arabe » par le « Musulman », de l’ouvrier par le délinquant radicalisé. Mais que faut-il précisément entendre par cette figure du Musulman ? Ne s’agit-il pas d’une figure sciemment utilisée par certains pour détruire la classe ouvrière ? Et comment expliquer cette complaisance de « la gauche de la gauche » pour les thèses confuses et peu rigoureuses des Indigènes de la République et de leur figure de proue, Houria Bouteldja ? Autant de questions que Diacritik a voulu poser, le temps d’un grand entretien, à Nedjib Sidi Moussa, auteur de l’un des essais les plus remarquables de ces dernières années.

Ma première question porte sur la genèse de votre vigoureuse réflexion sur la fabrique du Musulman telle que vous l’identifiez dans le paysage politique mais aussi bien médiatique de la France des années 2000 et 2010. Comment s’est imposée à vous l’idée de votre essai ? De quelles considérations ou peut-être de quels événements particuliers êtes-vous parti puisque vous indiquez dans votre avant-propos avoir œuvré depuis « un contexte particulier, celui de la France de 2016 » ? Comment cette figure majuscule du Musulman s’est-elle imposée comme la pièce maîtresse de ce que vous nommez sans détours « un réagencement de la société française » contemporaine ?

Une série d’événements sur les plans politique, intellectuel et social m’a conduit à rédiger cet essai : le débat sur la déchéance de la nationalité française pour les terroristes binationaux, les prorogations successives de l’état d’urgence, l’écho donné au livre de la porte-parole des « Indigènes », l’« affaire » Kamel Daoud, le mouvement contre la loi Travail, pour n’évoquer que les plus significatifs et rester dans le contexte français. Pris ensemble, ces éléments incitent à appréhender non seulement la persistance de la question sociale – malgré la décomposition du mouvement ouvrier et la fragmentation de la pensée critique – mais aussi la volonté – très explicite chez certains protagonistes aux agendas certes différents – de la reformuler à travers les prismes de la confessionnalisation ou de la racialisation. Ces dynamiques fabriquent le Musulman en s’appuyant sur la peur du terrorisme spectaculaire mais aussi le chômage de masse, sur les crises du système capitaliste mais surtout sur les difficultés à lui opposer des alternatives radicales. La figure du Musulman accompagne aussi la disparition de celle de l’ouvrier puisque, chez certains – notamment à gauche – la société ne serait plus structurée par les affrontements entre classes sociales aux intérêts distincts mais par une opposition entre le peuple et l’oligarchie, par un clivage entre les 1% et les 99% ou alors – plus inquiétant – par une lutte entre « races sociales ».

Afin de venir au cœur de votre propos, vous ouvrez d’emblée votre essai sur la définition du Musulman que vous prenez immédiatement soin de distinguer des Arabes : détournant ironiquement l’expression de Renaud Camus, vous indiquez que le véritable « Grand Remplacement » s’attache actuellement à celui de la figure de l’Arabe par celle du Musulman.
Pourquoi ainsi le Musulman n’est-il pas, selon vous, un Arabe ? Pourquoi les Arabes ne sont-ils pas devenus, comme le laissaient entendre Françoise Gaspard et Claude Servan-Schreiber, des « beaufs » comme il advient de chaque vague migratoire ? Peut-on considérer que le Musulman constitue une réponse idéologique et symétrique à l’usage croissant et démultiplié du terme de « laïcité » ? En un mot : en quoi le Musulman est-il « fabriqué » et donc artificiel sinon artificieux ?

Au plan international, le Musulman ne peut être plus être l’Arabe aujourd’hui car le nationalisme arabe – dans ses déclinaisons libérales ou marxisantes – a cédé le pas face à la montée en puissance de l’islamisme dans les années 1980. Ce renversement du rapport de forces – au détriment des militants de gauche originaires de la rive sud de la Méditerranée – s’est aussi traduit dans l’évolution du climat idéologique et des termes utilisés pour désigner ceux que l’on a jadis appelé, en France, les « ouvriers nord-africains » ou les « travailleurs immigrés ». La figure du Musulman révèle alors une double absence sémantique : celle du rapport à l’exploitation et celle du rapport à la migration. Sur ce dernier aspect, la question n’est pas simplement idéologique, elle est aussi sociologique. Il ne s’agit donc pas que d’une pure création artificielle, médiatique ou élitaire – car cela occulterait le rôle de certains Musulmans eux-mêmes, notamment les plus activistes, et de segments non négligeables de la gauche. C’est ce qu’écrivait par exemple Bachir Dahak dans une tribune au sujet de la candidate voilée du NPA : « S’il est vrai que chacun a sa méthode et son tempo, il est indéniable dorénavant que Besancenot et Besson participent séparément à une fabrication idéologique détestable de l’islam et des musulmans de France » (Le Monde, 3 mars 2010).

La plupart des Musulmans dont on parle sont nés en France et jouissent de la nationalité française. Le projet de retour au pays des ancêtres – qui ne sont pas tous arabes, loin de là, mais aussi d’origine berbère, turque, subsaharienne, européenne, etc. – n’est plus porté par ces populations mais par les xénophobes qui prônent la « remigration ». Beaucoup ne se réclament plus, dans l’espace public, d’une autre nationalité d’autant que, pour ne parler que du cas algérien, la récente modification de la Constitution interdit aux binationaux l’accès à certaines fonctions, ce qui vient limiter les aspirations binationales des Franco-Algériens. Je pense toutefois que François Gaspard et Claude Servan-Schreiber ne se trompaient pas complètement en écrivant que les « Beurs » – comme on disait en 1984 – allaient devenir des beaufs. Cependant, on ne peut s’empêcher de s’interroger avec Guy Debord et Mezioud Ouldamer – qui a décidé de nous quitter cet été – sur l’état d’une société qui s’enfiévrait hier sur la question des immigrés, et s’affole aujourd’hui à propos des Musulmans. Quant aux nouveaux usages de la laïcité – par exemple à l’extrême droite –, ils ont surtout conduit à entretenir la confusion et, dans certains cas, à stigmatiser pour mieux faire disparaître des mots d’ordre pourtant simples comme « séparation des églises et de l’État » ou « l’argent public à l’école publique ». Mais la figure du Musulman a peut-être plus à voir avec la diffusion croissante de la notion d’islamophobie qu’il faudrait plutôt placer en regard de la judéophobie sans pour autant la mettre sur le même plan.

Une fois cette figure du Musulman posée, vous affirmez qu’il s’agit d’une démission révolutionnaire, d’un abandon des luttes sociales et émancipatrices : qu’en somme, le Musulman signe pour vous le divorce d’avec une conscience sociale et prolétaire. Pour quelles raisons cette figure du Musulman surgit-elle donc comme le signe le plus visible et aigu d’une certaine gauche qui se révèle, comme vous l’affirmez, « incapable d’articuler anticapitalisme, antiracisme et anticléricalisme » ?
Pour vous, le Musulman s’impose comme le triomphe rutilant de la confessionnalisation et de la racialisation sur toute autre question sociale et sur toute question sociale même. Pourquoi, selon vous, dans cette France des années 2010, la lutte des classes a-t-elle cédé la place à la lutte des races dont le Musulman est le symbole ?

Si l’on revient un instant à la dimension sociologique du phénomène, il se trouve que les Musulmans ont beaucoup à voir avec les descendants de l’immigration maghrébine – algérienne en particulier. Celle-ci est historiquement liée aux couches les plus défavorisées économiquement de ce pays, même si tous ne furent pas, loin de là, des prolétaires. Mais des éléments se sont depuis détachés de la classe ouvrière par leur formation, statut social, activité économique, alliance matrimoniale ou orientation politique. À tel point que l’on a parlé de « beurgeoisie » dont les représentantes les plus visibles furent, à la faveur de la promotion de la diversité et de la parité, Rachida Dati et Najat Vallaud-Belkacem. Politiquement, nous sommes donc assez éloignés d’Alexandra Kollontaï, Federica Montseny voire Louisa Hanoune. On trouve désormais des Musulmans parmi la petite ou moyenne bourgeoisie qui se disputent des places sur le marché très concurrentiel de la représentation.

Cependant, face à la saturation, certains professionnels de la politique – ou qui aspirent à le devenir – cherchent à se placer sur un segment de marché bien spécifique en espérant qu’il soit aussi porteur que celui du halal pour l’alimentation. Il faut donc créer des institutions, des associations et s’organiser autour de causes distinctes du reste de la population. C’est par exemple le cas de la lutte contre l’islamophobie avec toutes les équivoques que cela génère, sur fond de profondes divisions du mouvement antiraciste. Une certaine gauche n’a jamais été anticléricale pour la simple raison qu’elle se réclamait d’une confession particulière ou qu’elle estimait qu’il ne s’agissait pas d’un combat prioritaire. Par ailleurs, une conception différentialiste de l’antiracisme prévaut de l’extrême gauche à l’extrême droite au nom du respect des identités et de la peur du métissage.

L’émergence de la figure du Musulman se retrouve donc au carrefour de ces évolutions sociologiques et mutations idéologiques. La démonétisation du référent ouvrier, l’abandon du projet socialiste et de la perspective révolutionnaire a laissé le champ libre à toutes les manifestations de la longue crispation identitaire dont il nous faudrait sortir au plus tôt. Les politiques antisociales et antidémocratiques menées par les gouvernements successifs – notamment ceux dits de gauche – ainsi que les attitudes conciliatrices des sommets des organisations censées défendre les intérêts des travailleurs ont une énorme responsabilité dans la situation présente.

Dans votre éclairante généalogie qui dévoile la construction du Musulman, vous posez dans l’histoire récente de la France la date de 2005 comme point de rupture politique et sociétal. Pour quelles raisons considérez-vous l’année 2005 comme une année charnière à même de pouvoir révéler les soubresauts mais également les foyers de contresens et autres confusions qui aboutissent, comme vous le dites, au « marasme de notre époque » ?

L’année 2005 me paraissait un excellent point de départ pour expliquer l’accélération des processus étudiés dans mon essai. Cependant, j’aurais pu partir de 2001 avec l’onde de choc des attentats du 11 septembre suivis de la polémique causée par le match France-Algérie quelques semaines plus tard – ce qui m’incite à penser, mais cela nécessiterait de plus amples développements, qu’il y a bel et bien une centralité de la question algérienne en France. Mais pour en revenir à 2005, cette année fut effectivement charnière pour plusieurs raisons : le débat sur le « rôle positif » de la colonisation, les provocations algéroises de Dieudonné M’Bala M’Bala, la publication de l’Appel pour les assises de l’anti-colonialisme post-colonial – plus connu sous le titre « Nous sommes les indigènes de la République ! » –, le rejet populaire du projet de constitution européenne, les réactions aux caricatures du Jyllands-Posten et les émeutes urbaines de l’automne. Là encore, persistance de la question sociale – qui s’est exprimée avec fracas sur les terrains référendaire et émeutier – mais aussi tentative de la retraduire à travers une grille de lecture postcoloniale, sur fond de ressentiment mémoriel – il faut relire l’entretien de M’Bala M’Bala au quotidien algérien L’Expression le 20 février 2005 – et de cristallisation des débats autour des enjeux liés à l’islam, de près ou de loin.

Dans ce que vous appelez encore de manière décisive « le moment postcolonial » de la France des années 10, vous identifiez avec force le rôle clef des Indigènes de la République et notamment de leur figure de proue : Houria Bouteldja. En quoi vous paraît-elle être l’une des actrices majeures de la fabrique de la notion de Musulman ?
Très attentif à ses multiples glissements discursifs, vous soulignez à de nombreuses reprises la récupération idéologique du « décolonial » opérée par Bouteldja. En quoi s’agit-il pour elle d’un outil qui, en l’installant dans la posture de la victimisation par héritage, lui permet d’installer son discours au-delà de la Droite et de la Gauche et en somme de le dépolitiser ? Ne s’agit-il pas ici pour Bouteldja de faire appel à ce que Jean-François Bayart nommait en 2005 au moment de l’« appel des indigènes » cette « condition coloniale fantasmatique » ?

Il faut prendre soin, à mon sens, d’éviter de personnaliser les débats ou de ne focaliser son attention que sur une seule organisation à la surface militante extrêmement réduite malgré ses relais – jadis ? – significatifs dans les milieux médiatiques ou universitaires. Pour ma part, ainsi que je n’ai eu de cesse de le répéter dans les débats auxquels j’ai participés, si j’ai des divergences de fond avec les « Indigènes » – comme avec d’autres groupes réactionnaires du même acabit –, c’est surtout l’attitude de certains pans de la « gauche de la gauche » qui me pose problème en raison de leur complaisance avec les thèses de cette mouvance qu’ils valident et diffusent au nom de la solidarité avec ceux qu’ils appellent désormais « racisés », « descendants de l’immigration post-coloniale » ou, plus simplement, Musulmans. Et cela sans penser un seul instant aux individus qui rejettent ces nouvelles appellations d’origine contrôlées ou à leurs propres camarades qui interviennent dans les luttes sociales sans ressentir la nécessité de faire de leur héritage familial un motif de récriminations perpétuelles contre l’universalisme révolutionnaire et le mouvement ouvrier.

Jean-François Bayart a eu une position particulière dans le champ universitaire suite à l’appel des « Indigènes » en publiant plusieurs textes critiquant frontalement les études postcoloniales. Mais il ne fut pas le seul puisque j’ai aussi mentionné dans mon essai les contributions de Romain Bertrand et Pierre Boilley chez les universitaires, sans oublier Daniel Bensaïd qui parlait, très justement, de la « mythologie des origines ». J’aurais pu ajouter, parmi les personnes ayant exprimé leur refus de s’associer à cet appel, Michel Tubiana, président de la Ligue des droits de l’Homme, qui déclarait : « On ne lutte pas contre la domination et les discriminations par la simplification ni par le simple rappel du passé » (Le Monde, 22 février 2005). Ou encore, sur un autre plan, Serge Quadruppani qui écrivait : « il s’agirait encore et toujours de se placer dans une posture de soutien à l’opprimé et donc (…) se mettre à leur service en renonçant à tout esprit critique sur les oppressions concrètes, religieuses et machistes, qui sévissent en ces milieux populaires » (No Pasaran, février 2005).

De la même manière, quel sens donner au concept de « race » dans les discours de Bouteldja ? Ne s’agit-il pas du renouvellement d’un clivage identitaire propre au sarkozysme notamment qui installe de nouveau une essentialisation par la promotion d’une race, concept lui-même confus et erroné puisque, comme le dites, chez Bouteldja se met en place ce que vous nommez très justement une « fumeuse race sociale » ? En quoi chez elle la « race » sert-elle à fabriquer de la polémique au lieu d’œuvrer à la politique ?

La nouvelle vigueur donnée à la diffusion de la notion de « race » dans les espaces intellectuels et militants doit beaucoup à la propagation des analyses conceptualisées sur les campus nord-américains et issues pour la plupart des études subalternes, postcoloniales ou se réclamant de l’intersectionnalité avec le triptyque : « race », genre, classe.

La « race » – avec ou sans guillemets selon les auteurs, parfois en italique – a donc été remise au goût du jour en étant associée aux notions précitées ou en lui accolant des épithètes censés lui donner des gages de respectabilité dans un contexte hexagonal hanté par le souvenir des lois raciales de Vichy et ses conséquences meurtrières. Dans son essai La contre-révolution coloniale en France, Sadri Khiari – ancien dirigeant trotskiste et tête pensante des « Indigènes » – justifiait, en 2009, l’usage de la notion de « races sociales » – qui n’est pas une création puisqu’on la trouvait par exemple chez l’abbé Joseph Gatry qui opposait les « sauvages » aux « civilisés » dans son Catéchisme social de 1848.

Pour sa part, Khiari l’associait à « l’émergence de la suprématie blanche » mais aussi à la « structuration d’un champ politique mondial articulé autour de l’affrontement entre le Pouvoir blanc et la Puissance politique indigène. » Cette perspective, validée par un éditeur qui jouit d’une certaine estime au sein de la « gauche radicale », remplace donc le vieux clivage bourgeoisie contre prolétariat par une nouvelle lutte entre « Pouvoir blanc » et « Puissance politique indigène ». Évidemment, la question n’était pas de savoir si cette analyse collait à la réalité vécue par les couches les plus défavorisées de la population – en particulier celles des quartiers populaires – mais plutôt de fournir une justification idéologique aux « Indigènes » qui s’orientaient vers la constitution d’un parti politique interclassiste, recyclant les thématiques chères au tiers-mondisme, au nationalisme arabe et à l’islamisme – qui a l’avantage de procurer une audience virtuelle plus importante.

Dans ce même mouvement qui fait s’interroger sur ce concept de « race », on peut être en droit de se demander ce que revêtent précisément chez Houria Bouteldja les concepts semblablement assez flous et ambigus d’« indigènes » et de « Blancs ». On pourrait les relire ici notamment à la lumière de remarques de Thierry Hoquet, Gilles Deleuze et Jacques Rancière sur lesquelles j’aimerai avoir votre sentiment tant elles me paraissent faire écho à votre travail.
De fait, dans un récent article « Nous Noirs, Eux Blancs » paru dans le numéro de Critique de juin-juillet (n°841-842), Thierry Hoquet, recensant l’essai d’Houria Bouteldja Les Blancs, les Juifs et nous, remarque à son propos que Bouteldja reprend avec « des termes aussi grossiers que « Blancs » et « Indigènes » une structure duelle qui enferme les individus dans des identités. » Une telle considération ne peut manquer de faire écho à ce que Deleuze affirmait déjà en son temps à propos des Nouveaux Philosophes, à savoir que ces polémistes raisonnaient « par gros concepts, aussi gros que des dents creuses… pouvant faire des mélanges grotesques, des dualismes sommaires ». En quoi peut-on considérer les notions développées par Bouteldja comme autant de concepts sommaires destinés à fermer le débat plus qu’à ouvrir à une quelconque réflexion ? Ne sommes-nous pas dans du marketing plus que dans la réflexion ? Est-ce que les Indigènes, dans une logique libérale inavouée et impossible à assumer, ne seraient-ils par une marque pour s’imposer dans le champ médiatique ?
En définitive, le caractère peu rigoureux de ses concepts ne relève-t-il pas de ce que Jacques Rancière nomme le « consensuel », à savoir la vérification de ce qui est tel qu’il est, la reconduction d’idées reçues ? En quoi s’agit-il de la tentative de rationalisation et de justification de préjugés notamment sur l’homosexualité ? Houria Bouteldja est-elle finalement consensuelle donc médiatique sans le savoir ?

Il est important de replacer l’entreprise politique des « Indigènes » dans un espace plus ou moins contestataire mettant au centre de ses préoccupations les questions mémorielles liées à la colonisation ou à l’esclavage, l’antisionisme, l’anti-impérialisme ainsi que la défense de la « race » et de la religion. Une des figures de ce microcosme a par exemple été le suprémaciste noir Stellio Gilles Robert Capo Chichi dit Kémi Séba, ancien membre de la Nation of Islam, qui avait fondé la Tribu Ka et le Mouvement des damnées de l’impérialisme, avant de faire parler de lui dernièrement au Sénégal. Le positionnement des « Indigènes » ou d’autres groupes qui ont, pour le moment, encore besoin de la complicité d’éléments issus de la « gauche de la gauche » – éditeurs, journaux, revues, universitaires et organisations se reconnaîtront – pour exister, ressemble donc à première vue à un jeu d’équilibre entre des aspirations profondément réactionnaires et la volonté de paraître encore vaguement progressistes pour ne pas se couper trop rapidement de ses indispensables soutiens qui acceptent d’être qualifiés de « Blancs » quand ils ne se présentent pas eux-mêmes ainsi.

Mais il n’y a pas de « Blancs » sans « non-Blancs » et d’accord sur l’existence d’espaces politiques distincts selon le phénotype ou le pourcentage du « total de ses ancêtres », pour le plus grand bonheur des ethno-différentialistes de tous bords… Il serait peut-être bon, sur ce point, de faire davantage connaître le texte de militants allemands paru en 2012 dans Analyse & Kritik et traduit l’an dernier en français : « Decolorise it ! » (Timult, mars 2016). Ceci pour souligner que le problème ne se situe pas uniquement au niveau hexagonal mais que des points d’appui existent aussi sous d’autres latitudes. Autrement, je partage les remarques formulées dans vos questions à une réserve près. La médiatisation des « Indigènes » – et donc de sa porte-parole – ne reposait pas sur un malentendu mais sur une stratégie qui figurait en toutes lettres dans leur déclaration de principes : « Le PIR agit pour que les indigènes puissent largement s’exprimer dans les médias. » Gill Scott-Heron nous avait pourtant prévenus : « La révolution ne sera pas télévisée ». C’était entre L’Obsolescence de l’homme de Günther Anders et Sur la télévision de Pierre Bourdieu…

L’un des autres points fondamentaux de votre essai consiste à mettre en lumière combien le discours d’Houria Bouteldja relève non pas d’une logique émancipatrice et révolutionnaire mais appelle à la vérité une grille de lecture proprement contre-révolutionnaire. En quoi, selon vous, Bouteldja repeint en rouge, comme vous le dites encore en conclusion, les forces de la contre-révolution ?
De manière plus générale, comme vous le démontrez avec force en analysant le récent mouvement de la France Fière qui, dans le sillage de Sens Commun, se situe à la droite de la droite, en quoi peut-on considérer le Musulman comme une construction réactionnaire ? En quoi est-il aussi l’émanation du néo-libéralisme le plus féroce ? Le Musulman est-il de Droite sinon pire ?

Là encore, il faut comprendre que le succès médiatique des « Indigènes » – qui n’a d’égal que son échec politique en tant que parti, à l’instar de nombreuses organisations fondées ces dernières années sur fond de rejet de la démocratie représentative – doit tout ou presque aux éléments de la « gauche de la gauche » qui ont bien voulu les légitimer même si beaucoup ont pris leurs distances depuis 2005, souvent en silence. D’ailleurs, je ne songeais pas à la porte-parole des « Indigènes » dans le passage de la conclusion que vous mentionnez. Il s’agissait plutôt d’un autre aspect développé dans l’ouvrage et qui a trait au conflit israélo-palestinien, plus particulièrement à la solidarité inconditionnelle de pans non négligeables de la « gauche radicale » avec les partis islamistes. J’ai notamment cité l’appel de Nadine Rosa-Rosso – ancienne secrétaire générale du Parti du travail de Belgique – qui critiquait la gauche européenne pour son manque de soutien au Hamas et au Hezbollah (Mouvements, 15 février 2009) avant d’initier une campagne en faveur de ces mouvements. Le marxiste Gilbert Achcar qualifiait pour sa part clairement le Hezbollah d’« organisation intégriste » (Inprecor, septembre-octobre 2006) mais il a fallu attendre dix années supplémentaires – et l’internationalisation du conflit syrien – pour que soit publié un texte important de Joseph Daher qualifiant la formation chiite de « force contre-révolutionnaire » (Contretemps, 12 juillet 2016), ce qui était loin d’être acquis dans certains milieux.

Après tout, la philosophe américaine Judith Butler avait bien présenté le Hamas et le Hezbollah comme des organisations « progressistes », de « gauche » et « anti-impérialistes ». Cela illustre le recul de l’internationalisme et l’étendue du malaise chez les intellectuels dès qu’il s’agit d’aborder la question islamiste, ainsi que le soulignait par exemple le philosophe américain Michael Walzer (Le Monde, 8 mai 2015). Mais cela montre surtout l’aveuglement quant aux ressorts essentiellement droitiers de l’émergence de la figure du Musulman puisque celle-ci prend son essor sur la démobilisation, la peur, le clientélisme, la précarisation, etc. Il existe une tradition d’extrême droite islamophile comme l’ont prouvé, sans remonter trop loin dans le temps, les groupements Arabisme et francité, La banlieue s’exprime ou Fils de France. Toujours à droite, il y a aussi d’autres cercles ou réseaux comme France Fière qui occupe un créneau libéral-conservateur : libéral comme l’atteste la tribune de ses dirigeants en faveur de l’« ubérisation » de l’économie (Les Échos, 23 février 2016) et conservateur au plan sociétal comme le prouve leur alliance avec les opposants au mariage homosexuel. La figure du Musulman n’est donc pas une aberration de la société spectaculaire, elle en est juste l’exact reflet.

Au-delà des ressorts discursifs et idéologiques à l’œuvre chez Houria Bouteldja que vous mettez parfaitement en évidence, j’aurais aimé vous demander comment vous expliquez le succès foudroyant de ses propos confusionnistes. Pourquoi rencontre-t-elle un tel écho notamment, et de manière très surprenante, parmi un certain nombre d’intellectuels si l’on en croit encore la récente tribune parue dans Libération pour venir la défendre signée notamment par des personnalités aussi diverses que Rony Brauman ou Isabelle Stengers ?
Pensez-vous, à l’instar de Mélusine dans son article « Bouteldja, ses « sœurs » et nous », que ces personnalités incidemment « pardonnent à la dominée les énormités qu’elle profère et qu’ils combattent habituellement, au nom de l’authenticité de sa colère indigène… en refusant de faire fonctionner leur appareil critique habituel ? » Ne la tiennent-elles pas, par condescendance sociale et intellectuelle, comme une non-personne, c’est-à-dire comme quelqu’un dans l’incapacité de tenir un discours articulé ? Ou alors faut-il voir, plus largement, dans son indéniable succès cette fascination de l’époque qu’Olivier Roy relève pour tout ce qui s’offre comme radical, pour la radicalité tenue pour tout engagement possible ?

C’est sans doute notre époque qui est confusionniste. Quand des gouvernements dits de « gauche » mènent des politiques de droite, quand les publireportages pullulent et l’infodivertissement triomphe, quand le sens des mots n’est plus important à l’heure de la novlangue postmoderne, quand on prête aux réseaux sociaux la capacité à faire des révolutions, alors il existe des espaces pour des personnages comme Lutz Bachmann, Giuseppe Grillo ou Nigel Farage chez nos voisins européens. Pour en revenir au cas des « Indigènes », il convient de relativiser le « succès foudroyant » de leurs propos sans pour autant sous-estimer leur portée dans certains cercles universitaires et militants. Vous citez deux intellectuels, parmi neuf autres, ayant signé l’an dernier une pétition de soutien à une « militante politique autonome et arabo-musulmane » – comme ils la qualifient –, invitant à débattre de son livre, sans que l’on sache où se situent leurs « francs désaccords ».

Ce qui m’a le plus surpris dans cette affaire, c’est la stupéfaction de certains lecteurs – y compris de sympathisants des « Indigènes » – qui semblaient découvrir pour la première fois cette prose. Pourtant, leur porte-parole avait déjà accordé des entretiens à plusieurs publications de gauche au cours des dernières années. Et son discours n’a pas tellement changé, à quelques nuances près, notamment en matière religieuse. Mais, pour en revenir à l’interpellation des intellectuels précités, de quoi faudrait-il débattre ? Du fait que « les Blancs ne pourront plus entrer dans un quartier comme c’est déjà le cas des organisations de gauche » (Nouvelles Questions féministes, vol. 25, 2006) ? Du fait que « la perspective décoloniale, c’est d’abord de nous aimer nous-même, de nous accepter, de nous marier avec une musulmane ou un musulman, un noir ou une noire » (Vacarme, 26 avril 2015) ? Du fait que « poser la question de la « souche » est indispensable » (Mouvements, n°83, 2015) ? On voit très bien, dans ce cas précis, la disparition de toute forme de rigueur intellectuelle – moins chez celle qui tient de tels propos mais chez ceux qui, à gauche, prennent la responsabilité de les diffuser. Cela traduit par ailleurs un profond mépris pour les personnes censées être représentées par les « Indigènes » mais qui n’ont cependant rien demandé à personne. Cette condescendance insupportable a d’ailleurs commencé à susciter diverses réactions chez les « premiers concernés » et le texte de Mélusine en fait partie.

Si je suis d’accord avec le constat souligné dans votre question, je suis en revanche beaucoup plus réservé sur la conclusion de l’article qui s’adresse – principalement ou exclusivement – aux « femmes racisées » et renvoie dos-à-dos « l’arnaque de l’allégeance communautaire et l’illusion des chevaliers blancs universalistes. » Je pense encore à d’autres textes comme celui de Lala Mliha (Mediapart, 10 juillet 2017) qui a tout à fait raison de dénoncer le paternalisme des derniers soutiens des « Indigènes » mais évoque, dans une rhétorique résolument intersectionnelle, « l’exclusion des femmes voilées » sans poser la question de l’aliénation religieuse. Enfin, la tribune « Ils ont commencé indigènes, ils sont maintenant indigestes, ils finiront indignes » (Quartiers libres, 17 mars 2017) a eu un certain écho dans les milieux antiracistes pour avoir critiqué l’opportunisme politique des « Indigènes » – assimilés à la « nouvelle beurgeoisie militante » – tout en reprochant aux organisateurs de la Marche pour la justice et la dignité de ne pas avoir placé la lutte contre l’islamophobie au centre de leurs préoccupations.

En écho à la précédente question et comme en symétrie à l’omniprésence médiatique de Bouteldja, comment expliquez-vous qu’en revanche, le PIR n’ait toujours pas, sauf erreur de ma part, réagi à votre essai publiquement, notamment sur son site, lui qui, à l’ordinaire et dans sa logique de la joute sophiste, se révèle si prompt à venir en découdre avec ceux qui articulent une critique à son égard ? Qu’est-ce qui, selon vous, dans votre réflexion, les met intellectuellement et politiquement en déroute ou en tout cas les jette dans un silence aussi rare que remarquable ?

Peut-être parce que mon livre ne s’adresse pas aux entrepreneurs communautaires – qu’ils soient « Indigènes », islamistes ou ethno-différentialistes – mais aux militants qui ont un rapport privilégié avec le mouvement ouvrier et révolutionnaire pour combattre – ensemble et non séparément – les tendances qui ont accompagné les dérives confessionnelles et racialistes de ces dernières années au sein de la « gauche de la gauche ». Peut-être aussi parce que je ne me situe pas sur le terrain de la provocation virtuelle, des coups d’éclats médiatiques, du sophisme permanent, de la mauvaise conscience antiraciste, de la culpabilisation de la gauche, de la distorsion des faits, de l’usage public d’informations privées, etc. Peut-être aussi parce que je ne nie pas l’existence de discriminations – à l’embauche, au logement, aux loisirs, etc. – et que j’estime que le problème ne sera pas résolu dans le cadre d’un système qui frappe d’abord les pauvres, les précaires, les chômeurs, les prolétaires, toutes origines confondues.

Peut-être aussi parce que je ne suis pas le seul à avoir formulé une critique des « Indigènes » et de leurs homologues – tout en faisant partie des rares à l’avoir exprimé d’un point de vue révolutionnaire. Il faut toutefois bien comprendre que, dans la décantation en cours, beaucoup d’anciens compagnons de route seront tentés de reproduire certains traits des « Indigènes », certes sans leurs excès verbaux, mais en réactualisant peu ou prou la même matrice idéologique qui ne fut d’ailleurs jamais leur propriété exclusive. C’est bien pourquoi la réaction la plus violente contre mon essai a été publiée dans le journal Alternative libertaire (mars 2017) par un militant qui avait plus tard reconnu avoir été « emporté par [son] agacement » en me lisant. Ce journal, que j’achetais chaque mois, avait fait la promotion du féminisme « décolonial » et « islamique » dans son édition de novembre 2016. On en revient au cœur du problème.

Je voudrais en venir à présent au caractère programmatique de votre essai. Votre propos ne se présente pas uniquement en effet comme un bilan et une analyse précise et solide des discours du PIR : citant notamment L’Internationale situationniste, vous leur opposez, en marxiste, le désir et la nécessité de se réinscrire dans une lutte sociale et plus largement d’abandonner tout clivage identitaire pour œuvrer à un universalisme retrouvé. Seriez-vous ainsi d’accord avec la conclusion de Thierry Hoquet que nous évoquions plus haut selon laquelle, au-delà de toute crispation identitaire, il s’agirait d’aller vers une « identité feuilletée » et « entrecroisée » ?

J’ai lu avec grand intérêt l’article de Thierry Hoquet et j’y ai trouvé matière à réflexion, notamment en raison des références très précieuses dont L’identité. Une fable philosophique du philosophe marocain Ali Benmakhlouf qui, en 2011, attirait notre attention sur « le sophisme de la spécificité, celui de la crispation identitaire et mortifère, celui de l’appartenance exclusive. » Au plan philosophique, cette perspective est infiniment plus réjouissante que celle proposée par les essentialistes de tous horizons. Mais mon propos – bien plus modeste car se situant à un autre niveau –, formule non seulement un refus de l’assignation identitaire mais aussi, plus largement, une critique de la politique de l’identité qui ne répondrait qu’aux angoisses d’une certaine petite bourgeoisie – qui monte – sans régler les problèmes des classes populaires – qui stagnent.

D’ailleurs, des textes parus outre-Atlantique dans des revues comme Dissent, Jacobin ou Fifth Estate se sont montrés très sévères à l’égard des impasses de la politique de l’identité, en particulier après l’élection de Donald Trump. En effet, je me suis référé dans mon essai à des revues du siècle dernier comme Socialisme ou Barbarie, Noir et Rouge et Internationale situationniste qui s’inscrivaient dans une perspective internationaliste et universaliste. Mais j’aurais pu ajouter à cette énumération d’autres publications comme Khamsin, Sou’al et Le Désir libertaire dont les contributions me paraissent préserver « un horizon commun de la lutte théorique et pratique contre les méfaits du capitalisme » pour reprendre les termes du philosophe anarchiste Renaud Garcia dans Le désert de la critique paru en 2015. Cet horizon commun ne me paraît pas accessible en entretenant la séparation organisationnelle ou en parlant son langage, même sur un ton plus ou moins radical.

Mon ultime question voudrait vous interroger sur l’élection d’Emmanuel Macron et la peut-être nouvelle séquence politique et incidemment médiatique qui s’est ouverte avec elle. N’avez-vous pas, pour l’instant, le sentiment d’un net recul aussi soudain que radicalement surprenant des polémiques identitaires ou encore religieuses qui visent à mettre en avant de manière raciste les Musulmans ? Sommes-nous entrés dans une nouvelle ère où les questions vont se reposer différemment avec un perceptible recul là aussi de la popularité du FN qui a toujours été conjointe au succès médiatique d’une Bouteldja comme si l’élection de Macron avait permis à la France de trancher le débat ?

Ainsi que nous avons pu le constater avec mes différents interlocuteurs, ces polémiques médiatiques surviennent moins souvent dans des périodes de forte mobilisation sociale ou politique. Elles sont plutôt l’expression de la confusion et de la défaite comme l’a montré l’affaire du burkini durant l’été 2016, donc après la protestation contre la loi Travail. Il se trouve que la centralité des élections présidentielles a fait passer au second plan ces préoccupations, sans doute également en raison de l’absence de nouvel attentat majeur sur le territoire français. Mais il y a aussi la croyance, au sein des états-majors politiques, en l’existence d’un « vote musulman » dont il faudrait s’attirer les faveurs ou alors éviter de trop se l’aliéner dans une période marquée par le rejet des formations traditionnelles et d’abstention massive dans les quartiers populaires. Certes, cela a peut-être permis à Benoît Hamon de gagner face à Manuel Valls dans le cadre de la primaire de gauche mais cela ne lui a pas suffi pour gagner les présidentielles malgré son « entretien exclusif » accordé au site Oumma.com (21 avril 2017).

En revanche, je ne pense pas que l’élection d’Emmanuel Macron ait permis de trancher quoi que ce soit. Au plan économique, il cherche à poursuivre la politique de déréglementation de son prédécesseur, pour le plus grand bonheur des possédants. Au plan sociétal, peu après la pétition de soutien à Lallab – victime de cyberharcèlement (Libération, 23 août 2017) –, il a nommé au sein du Conseil présidentiel pour l’Afrique sa présidente Sarah Magida Toumi, une entrepreneuse sociale franco-tunisienne. Lallab s’est fait connaître du grand public en envoyant sa trésorière Attika Trabelsi affirmer porter « le voile par choix » face à Manuel Valls sur France 2 (Le Monde, 9 mai 2017). Cette association féministe défend une vision particulière de l’intersectionnalité puisque selon ses termes, « les musulmanes se trouvent à l’intersection d’au moins 3 critères de discriminations – le genre, la race, la religion. » On remarquera dans ce triptyque la disparition de la classe et des guillemets pour la « race ». Il n’y a donc pas lieu de s’indigner puisque cette nomination nous démontre, s’il le fallait encore, que cette version du féminisme – ici islamique – peut être clairement compatible avec les ordonnances gouvernementales visant à démanteler le code du Travail.

Ces questions se poseront sans doute différemment dans les années à venir – avec un renouvellement générationnel et une évolution des termes du débat – mais il faudra prendre garde à ne pas se tromper d’agenda parce que la lutte pour l’égalité ne saurait être confondue avec la « diversité » comme le notait Walter Ben Michaels.

Nedjib Sidi Moussa, La Figure du Musulman : essai sur la confessionnalisation et la racialisation de la question sociale, éditions Libertalia, 2017, 156 p., 8 €