Nouvelles anthropologies ? Littérature du présent et expériences limites, ce vendredi avec Nicole Caligaris

Nouvelles anthropologies ? Littérature du présent et expériences limites

Ce vendredi, en présence de Nicole Caligaris, aura lieu en Sorbonne une journée d’études à l’initiative d’Alice Laumier et Aurore Labadie consacrée aux nouvelles anthropologies, et plus particulièrement à la manière dont la littérature du présent se saisit de la question des expériences limites.

De fait, le roman, vecteur de visions plurielles de l’homme, n’en propose aucune représentation unifiée, mais se plaît à l’inverse à le questionner au moyen de diverses instances – personnage ou narrateur. « « Formes humaines » de la fiction », ceux-ci permettent au roman d’être un discours à portée anthropologique, ainsi que « le champ d’une élaboration poétique du sujet ». Le sujet et ses représentations, de fait, sont restés des enjeux centraux de la littérature, jusque dans les remises en cause les plus radicales dont ils ont été les objets. Cette question « est aujourd’hui centrale encore mais dans un sens bien spécifique, note Philippe Daros : elle a en effet pour enjeu, apparemment paradoxal, un décentrement. » C’est donc par le biais des expériences singulières qui décentrent le sujet, le bouleversent ou le métamorphosent que nous souhaiterions questionner la présence de « nouvelles anthropologies » à l’œuvre dans la littérature du tournant du XXIe siècle – expériences singulières, parfois limites, dans lesquelles l’écriture s’engendre ou qu’elle produit comme un questionnement renouvelé sur le sujet, son rapport au monde, à lui-même et à l’altérité.

Désocialisation, dépersonnalisation, déshumanisation, réification, aliénation, anonymat, stéréotypie, désubjectivation, animalisation, sont autant de thèmes qui émergent ou se réactualisent au sein de la littérature contemporaine. Ces exemples d’expériences limites, qu’elles relèvent de la banalité du quotidien ou de l’extraordinaire, modifient, voire transforment, les personnages qui y prennent part. Par leur force (dé)structurante, elles aboutissent à des formes inouïes de l’homme, qu’il pourrait être intéressant d’étudier dans une perspective qui prend en compte leur historicité. Saisies dans leur négativité par la littérature, elles témoignent d’une forme d’inquiétude vis-à-vis d’un certain nombre de phénomènes et de pratiques historiquement déterminées et représentées comme des menaces. Mais ces expériences sont-elles uniquement examinées par les romanciers selon un angle critique ? Nous envisagerons cette tension à l’œuvre dans la littérature du présent, qui se refuse en partie à tout discours normalisant. Celle-ci continue à aller chercher dans ces expériences limites qui font « éclater » le sujet, sa stabilité, ses contours et son identité, les variations d’une élaboration complexe qui relance sans cesse la création. Ces confrontations de soi au monde se présentent-elles alors comme la possibilité d’une critique d’un ordre social dont l’apparence pacifiée et fonctionnelle est à remettre en question ? Tendue entre ces deux dynamiques, la littérature y puise pour le moins une force questionnante, et dans certains cas une visée critique, dont on envisagera la portée politique : la représentation de ces expériences limites en tant qu’elles transforment le sujet/l’homme interroge en retour la société et ses pratiques, tout en réactualisation la question de l’engagement à travers le paradigme de l’implication.

Loin d’être seulement thématiques, ces expériences sont pour la littérature contemporaine porteuses d’un réel enjeu esthétique. Touchant aux modes traditionnels de structuration de l’expérience, elles semblent appeler des expérimentations formelles qui posent continuellement la question : quel récit possible ? Nous nous demanderons ainsi comment les auteurs contemporains activent ce lien entre expérience et expérimentation à travers la déstabilisation du récit, le renouvellement du personnage et l’invention formelle.

Programme :

Matinée
9h – accueil
9h30 – Présentation d’Alice Laumier et d’Aurore Labadie

« Expériences limites et implications politiques »

9h50 – Eléonore Devevey (ENS Lyon), « Echappées bamiléké. Gérard Macé et Arno Bertina aux marges de l’ethnologie »
10h20 – Sylvaine Dauthuille (Sorbonne Nouvelle), « Des loups et des revenants : déconstruction et dépassement romanesques d’une hantise contemporaine, dans Faux Nègres, de Thierry Beinstingel, et Le Royaume, d’Emmanuel Carrère. »
10h50 – discussion
11h – Pause

« Anthropologie du sujet »

11h15 – Hannes de Vriese (Université de Toulouse), « Les personnages de Hubert Mingarelli : pour une anthropologie des « tout petits liens » »

« Anthropologie culturelle : expérience du lecteur »

11h45 – Anne-Isabelle François (Sorbonne Nouvelle), « Matérialités, littérature du présent et expériences limites. Perspectives comparatistes »
12h15 – discussion
12h30 – 14h – Pause déjeuner

Après-midi consacrée à Nicole Caligaris

14h00 – Anne Roche (Université de Provence – Aix-Marseille), « Dépêtrer l’identité »
14h30 – Cécile Chatelet (Sorbonne Nouvelle), « Multiples protagonistes, dédoublements de personnages et femmes-biches dans l’œuvre de Nicole Caligaris »
15h – discussion
15h15 – Pause

15h30 – 17h – Entretien avec Nicole Caligaris

Lieu : Salle Max Milner – Esc. C – 2ème étage – 17 rue de la Sorbonne, 75005 Paris

En raison du plan Vigipirate à l’entrée de la Sorbonne, prévoir de se munir d’une pièce d’identité.