Dernières nouvelles du Cosmos, une histoire de rencontres

Le samedi 7 janvier 2017, l’Institut Médico-Educatif Amalthée de l’association ARISSE et le cinéma Le Chaplin de Mantes la Jolie organisent une projection-rencontre de Dernières nouvelles du Cosmos, documentaire éclairant et sensible réalisé par Julie Bertuccelli. Sorti en salle le 9 novembre dernier et salué par la critique, le film de l’auteur de La cour de Babel et de Depuis qu’Otar est parti… raconte le parcours d’Hélène Nicolas, autiste déficitaire qui n’a pas accès à la parole et dont l’habilité motrice est insuffisante pour écrire. Mais, alors qu’elle n’a jamais appris à lire, la jeune femme se révèle l’auteur d’œuvres d’une grande poésie sous le nom de plume de Babouillec SP (pour « sans paroles »).

Hélène Nicolas est née en 1985. Diagnostiquée autiste très déficitaire, elle intègre vers l’âge de 8 ans l’institution médico-sociale qu’elle quitte à 14 ans. A partir de 1999, elle suit au domicile familial un programme de stimulations sensorielles accompagné d’activités artistiques et corporelles. Hélène n’a pas accès à la parole et son habilité motrice est insuffisante pour écrire. Mais, à l’aide d’un alphabet en lettres cartonnées et plastifiées, elle écrit des mots, des phrases, communique. En 2009, avec ses petites lettres, Babouillec écrit Raison et acte dans la douleur du silence et en 2010 entame avec Arnaud Stéphan un travail de création littéraire orienté vers la scène et le théâtre.

Au moment de la sortie de son film, Julie Bertuccelli parle de sa rencontre avec son héroïne, à l’univers poétique si singulier, si énigmatique, subjuguée par sa force et son intelligence innée : « mes films sont toujours nés de belles rencontres, comme celle de jeunes magistrats dans La Fabrique des juges, ou celle d’adolescents de toutes nationalités dans La Cour de Babel. De film en film, ce sont souvent les mêmes thématiques qui m’attirent, les mêmes interrogations qui reviennent, notamment autour de la différence et des difficultés de la vie qui nous rendent plus forts et nous construisent. Je ne cherchais pas à faire un documentaire sur le handicap ou l’autisme. Mais la difficulté à communiquer est un domaine qui m’intéresse depuis longtemps ».

Chef de service à l’IME Amalthée et co-organisateur de l’événement ce samedi à Mantes La Jolie, Yvan Le Flohic raconte sa rencontre avec l’équipe du film, avec pour point de départ, un immense coup de cœur pour le film de Julie Bertuccelli et l’histoire d’Hélène alias Babouillec.

Yvan Le Flohic : je travaille depuis début 2012 pour l’association ARISSE à l’IME Amalthée et « dans l’autisme » depuis plus de 15 ans. J’ai toujours été attiré par cette modalité de fonctionnement différente que je peux comparer aux expériences de confrontation à une culture différente. C’est d’ailleurs ce que font certains professionnels du milieu : Josef Schovanec, autiste asperger, docteur en philosophie, auteur de Je suis à l’est ou Jacques Constant, pédopsychiatre, auteur de Voyager en pays autiste, et bien d’autres encore. Cette comparaison tend à considérer qu’une « co-existence » est possible. Elle pousse à l’humilité dans le regard que nous pouvons porter sur les personnes classées dans la case
« handicap ». Elle révèle ce paradoxe de notre action professionnelle qui consisterait à intégrer socialement ces personnes que la société met au ban. Car oui, il s’agit bien du paradoxe des travailleurs sociaux souligné par Pierre Bourdieu, que je me permets de citer ici parce qu’il était intervenu dans la même salle dans laquelle le film sera projeté (
La sociologie est un sport de combat de Pierre Carles). Bien sûr, je ne saisis pas tous les aspects de l’autisme et cela génère tant d’intérêt et soulève tant de questions. Il y a toujours à découvrir et autant de frustrations : comment aider ces personnes sans avoir accès à une compréhension claire de leur fonctionnement?

La recherche sur le pourquoi et le comment de l’autisme n’a toujours pas abouti et le film ne donne pas de réponse. Ce que le documentaire souligne brillamment, c’est bien évidemment l’humanité, mais c’est aussi l’importance du fonctionnement sensoriel particulier dont bénéficie Hélène Nicolas/Babouillec. Cette sensorialité qui pour de plus en plus de chercheurs est perçue non plus comme un dysfonctionnement mais comme un potentiel atout. C’est le cas de Laurent Mottron, psychiatre et chercheur en particulier : voir le documentaire L’autisme vu de l’intérieur dans lequel des personnes autistes se décrivent.

Il est rare de voir des documents aussi forts en humanité sur le sujet, en particulier à propos de personnes diagnostiquées « déficitaires ». C’est le premier point sur lequel je voulais que l’équipe soit amenée à réfléchir. La bienveillance, dans notre métier, n’est pas une posture finie. Elle doit sans cesse s’interroger, s’adapter. La rencontre avec les personnes autistes n’est pas simple et peut régulièrement s’avérer très éprouvante. Par exemple, une personne autiste n’ayant pas ou trop peu accès à une forme de communication peut, et on le comprend facilement ici, exprimer des sensations négatives (« je me suis coupé le doigt ») par de l’hétéro-agressivité. Ces sensations ne sont pas toujours évidentes à déceler par les professionnels qui font justement l’objet de cette agressivité (par exemple, une couleur de peinture sur le mur peut générer une vraie douleur chez la personne autiste dont le système sensoriel est si particulier) et ainsi, par méconnaissance et par réflexe, la bienveillance s’étiole. Le film est une force sur ce point. C’est de cette réflexion dont je suis parti pour organiser cette séance de travail pour l’équipe. 

Et ce samedi à Mantes La Jolie, avec la réalisatrice du film, Julie Bertuccelli, après la projection de Dernières nouvelles du Cosmos, prolonger, échanger, communiquer, partager, construire.

  • Dernières nouvelles du Cosmos, projection débat, au cinéma ECM CHAPLIN à Mantes la Jolie le samedi 7 janvier 2017 à 10h. Place Mendes France 78 200 Mantes la Jolie. Evènement organisé par l’IME AMALTHEE de l’association ARISSE et ECM LE CHAPLIN.
  • Dernières nouvelles du Cosmos, Réalisation, image, son : Julie Bertuccelli – Montage : Josiane Zardoya – Production : Yael Fogiel, Laetitia Gonzales – France, 1h25 – film documentaire – Pyramide Films – 2016