Ciné-club Le 7e genre : Entretien avec Anne Delabre

Le 7e genre, « le ciné-club qui défie les normes », reprend sa programmation à partir du 19 septembre à 20h au cinéma Le Brady (Paris 10). Rencontre et entretien avec sa fondatrice et animatrice, Anne Delabre.

Peux-tu revenir sur ton parcours et la genèse du ciné-club ?

Journaliste de presse écrite pendant une quinzaine d’années, passionnée de cinéma depuis toujours, j’ai eu envie d’allier mes compétences professionnelles et ma passion. L’idée du ciné-club est née d’une envie très personnelle, reléguée au second plan depuis mes années étudiantes. L’opportunité s’est présentée en 2013 quand j’ai rencontré, par l’intermédiaire d’un ami, le directeur du cinéma Le Brady, Fabien Houi. Mon projet lui a plu et il accepté de me mettre à disposition sa salle un soir par mois. Tout a été très vite, à peine trois mois pour préparer deux séances « test ». L’idée n’était pas de créer un ciné-club de plus à Paris, mais d’apporter autre chose. Je nourris un intérêt particulier pour les questions de genres et de sexualités et le livre sur le cinéma français et l’homosexualité que j’ai écrit avec Didier Roth-Bettoni en 2009* a été un point de départ indirect pour le projet. En visionnant de nombreux films à ce moment-là, j’avais comme une frustration de ne pas pouvoir les mettre plus en valeur. Un ciné-club, avec une projection suivie d’un débat avec un(e) invité(e), donne l’occasion de faire (re)découvrir des œuvres à un plus large public.

Peux-tu expliquer quelle est la ligne éditoriale ?

Le slogan du ‘7e genre’ est : « Le ciné-club qui défie les normes », avec un focus sur les questions de genres et de sexualités minoritaires. L’idée est d’ouvrir un maximum le champ des possibles avec des films de toutes époques, de tous styles, de toutes nationalités…. Des grands classiques du cinéma sont revisités au prisme de cette approche et des raretés redécouvertes à cette occasion. J’ai toujours voulu allier un côté purement cinéphilique et une approche plus sociologique, historique, économique et politique du cinéma, en replaçant le film dans son contexte de réalisation et de sortie. À l’heure des DVD, du streaming, de la VOD, défendre l’expérience collective qu’offre une salle de cinéma, et la convivialité qui l’accompagne, me tiennent aussi à cœur.

Comment s’est déroulé le lancement ?

2Deux séances ‘test’ ont été programmées en avril et mai 2013. J’ai choisi pour démarrer La meilleure façon de marcher (1976), le premier film Claude Miller auquel je tiens beaucoup et qui me semblait tout à fait pertinent par rapport à la ligne éditoriale, tant au niveau des questions de genres que de sexualités. C’était aussi une forme d’hommage à celui qui m’avait accueilli chez lui pour un long entretien dans le cadre de mon livre sur le cinéma, et m’avait expliqué à quel point ce film était si important pour lui. Patrick Bouchitey, qui tient le rôle principal du film avec Patrick Dewaere, nous a même fait l’honneur d’être notre invité pour inaugurer ‘le 7e genre’ !

Pour l’anecdote, cette première séance a eu lieu le 23 avril 2013, date de l’adoption par l’Assemblée nationale de la loi sur ‘le mariage pour tous’… Beaucoup de monde faisait la fête sur le parvis de l’Hôtel de Ville mais le ciné-club a quand même bien rempli la salle du Brady. Honorable pour une première ! Pour la deuxième séance, j’ai choisi Le baiser de la femme araignée (1985) d’Hector Babenco, un film que j’avais adoré étant adolescente, également emblématique des thématiques du ‘7e genre’. Le succès de ce deuxième essai a permis le lancement de la première saison officielle du ciné-club en septembre 2013.

Le baiser de la femme araignée
Le baiser de la femme araignée

Comment se passe la sélection des films ?

J’essaye d’avoir une programmation pointue sans être excluante ou élitiste. ‘Le 7e genre’ tient à être accessible à toutes et à tous, des cinéphiles le plus exigeants aux novices curieux de découvertes. Le choix des films se fait à partir d’envies personnelles essentiellement, mais doit prendre en compte les contraintes pratiques, qui restreignent souvent les possibilités de diffusion : la disponibilité des droits et des copies, et aussi celle des supports (35mm ou numérique). Même souci de diversité pour les invité(e)s : des gens de cinéma, des universitaires, des critiques, des militants etc.

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Pourquoi le ciné-club est-il aussi devenu une association ?

Le 7e genre est devenu une association en février 2015 pour pérenniser le ciné-club, le développer et apporter une dynamique collaborative et conviviale. Nous venons de dépasser la centaine d’adhérent(e)s, avec une parfaite mixité ! Sa vocation est à la fois culturelle et militante, par le biais des rendez-vous mensuels au Brady, mais aussi des projections-débats et conférences que j’anime régulièrement à différentes occasions (dans des festivals de films, dans le cadre de manifestations militantes, etc) autour des questions de genres et de sexualités minoritaires.

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Peux-tu présenter plus en détails quel sera le programme de ce semestre ?

La séance inaugurale de la quatrième saison aura lieu ce lundi 19 septembre avec L’éternel retour (1943) de Jean Delannoy. Ce film est un classique des films du patrimoine (il pourrait très bien être programmé dans le Quartier latin par exemple) mais il a aussi parfaitement sa place dans la programmation du 7e genre : C’est d’abord une œuvre dont beaucoup de personnes ont entendu parler sans l’avoir vue et elle est emblématique de l’approche du ‘7e genre’ : le décryptage des transgressions des normes de genres et de sexualités. Notre invitée sera à Delphine Chedaleux, dont l’ouvrage Jeunes premiers et jeunes premières sur les écrans de l’Occupation (France, 1940-1944), vient de paraître aux Presses universitaires de Bordeaux.

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Le 17 octobre, nous proposerons Un goût de miel (1961) de Tony Richardson, qui fait partie du mouvement anglais du « Free Cinema », fortement marqué par des revendications sociales et progressistes. Au programme du 14 novembre, The Watermelon Woman (1996) de Cheryl Dunye, cinéaste indépendante noire américaine et lesbienne, qui s’inscrit dans le « New Queer Cinema ». Une vraie rareté puisque le film n’a pas été distribué en salles en Europe. Pour finir l’année, place le 12 décembre à Garçon d’honneur (1993) de Ang Lee, plus familial et grand public. Nous commencerons 2017 avec la projection d’Un autre regard (1982) de Károly Makk le 30 janvier, en partenariat avec le colloque international « Homosexualité communiste (1945 – 1989) », organisé par l’université Paris Est -Créteil.

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Le 7e genre fait-il d’autres actions et a-t-il des partenaires ?

Le Brady est bien sûr un lieu particulier, puisque c’est son directeur qui m’a donné la chance d’y créer le ciné-club. Ce cinéma, qui a appartenu un temps à Jean-Pierre Mocky, fête cette année ses soixante ans. Après avoir été une salle de quartier puis un temple du cinéma d’horreur-épouvante, il affirme désormais une vocation d’art et essai avec une sensibilité ‘gay-friendly’ affirmée. Pour ces raisons, le ciné-club y a tout à fait sa place. Tout en ayant cette relation privilégiée avec cet espace d’accueil mensuel, ‘le 7e genre’ mène régulièrement des actions « hors les murs » : partenariat avec des festivals comme Chéries-Chéris et le Marais Film Festival à Paris, Écrans mixtes à Lyon, Ciné Marges à Bordeaux, etc. Je suis d’ailleurs ravie que nous soyons présents aussi hors de la capitale. Des actions ont aussi été menées avec des associations comme SOS homophobie, le Centre Simone de Beauvoir, ou encore des séances pour les scolaires avec le dispositif ‘collégiens et lycéens au cinéma’ et les cinémas indépendants de Paris. La pédagogie et l’éducation à l’image fait également partie des objectifs de l’association.

* Le Cinéma français et l’homosexualité (Danger Public)

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Programmation

Page FacebookTwitter – Contact : le7egenre@gmail.com

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