Babel a livré une de ses plus belles réalisations avec Des voix de Manuel Candré. Pas la Babel labyrinthique de Borges, non, mais bien une Babel coextensive à toutes les époques, à toutes les langues fissurées laissant s’échapper « des voix » et se glissant de bibliothèque en bibliothèque, ces vastes tours qui sont autant de « Babel sombre[s] » comme le disait Baudelaire. Pourtant Babel a ici disparu et c’est « Pragol » (Prgl) qui occupe le récit comme le spectre d’une Prague mêlée à la distorsion propre aux voix qui hantent le récit fabuleux de Jacob.
Manuel Candré
Des voix, de Manuel Candré nous laisse d’abord silencieux, muet. Ce n’est pas que nous n’avons rien à dire d’un tel livre, ni qu’il ne servirait à rien d’en dire quelque chose, mais c’est comme s’il était d’abord impossible d’en parler, d’en écrire, d’en dire.
Diacritik est aussi un espace qui entend accueillir les créateurs, leur offrir les conditions d’une visibilité, susciter des créations inédites. Deux rubriques, pour l’instant, sont spécialement consacrées à des expériences de création : Photo-graphies et Ecrire aujourd’hui.
Maintenant imaginez une terre de sable cernée par les eaux pacifiques et, sur cette langue, un arbre parfaitement conifère. Au pied de l’arbre dont les racines se dressent en l’air en de noueuses parades pour plonger plus profondément dans le sol, un morse est venu s’échouer. Pratiquant le morse, comme vous et moi le français, le morse soumet toute son énergie graisseuse à répondre à cette unique question par des suites de traits courts et longs (qui, pour le confort du lecteur, ont été ici traduits). Voici sa réponse :

Le dimanche 20 mars, à Livre Paris, Michael Cunningham — à peine sorti de son entretien pour Diacritik — retrouvait Nathalie Azoulai pour une rencontre autour et « au bout du conte », animée par Sophie Quetteville. L’un comme l’autre ont récemment publié ce type de récit : Michael Cunningham voit paraître en France Ils vécurent heureux, eurent beaucoup d’enfants, et puis… et Nathalie Azoulai a participé à un recueil collectif, Leurs contes de Perrault, proposant sa version de Cendrillon ou le petit gant de soie.
DEmiLEUquinZE (Face A)
J’ai rencontré Deleuze, j’avais vingt ans, et son Nietzsche, petit ouvrage conçu comme un bestiaire philosophique, alors que j’étais descendu au Mans pour un festival de jazz (nous y verrions Christian Vander faire un jam avec son maître Elvin Jones. Nous étions trois, Jean-Christophe C., Nicolas B.
Manuel Candré présente son livre, Le portique du front de mer, comme l’effet de sa « rencontre » avec Vermillion Sands, recueil de nouvelles de J.G. Ballard. Le thème de la rencontre est un de ceux qui traversent ce livre : rencontre avec des événements étranges, des mirages extraordinaires, des distorsions du temps, de l’espace, des passions incompréhensibles du corps.
Écrire, n’est-ce pas toujours se situer dans une filiation, un « qui suis-je ? », interrogation d’une identité comme d’une inspiration ? Écrire n’est-ce pas d’abord avoir lu ? Le Portique du front de mer de Manuel Candré énonce sa source : la découverte séminale, vingt ans plus tôt, de Vermilion Sands de Ballard et les « paysages intérieurs que sa lecture a fait lever en moi ».
On vous a déjà annoncé le beau programme de Paris en toutes lettres il y a quelques temps sur Diacritik.
Mais deux événements récurrents de ce festival me plaisent tout particulièrement et depuis le tout début de ce festival.