Plus je lis, plus j’écoute et plus j’écris sur Julia Kristeva.
Julia Kristeva
En 2017, paraissaient les Lettres à Dominique Rolin. 1958-1980 de Philippe Sollers qu’éditait Frans De Haes dans la collection blanche de Gallimard. Tout récemment, la même maison nous procure les Lettres à Philippe Sollers 1958-1980 de Dominique Rolin, ouvrage confié aux bons soins de Jean-Luc Outers. Un parfait diptyque pour illustrer une grande passion amoureuse mais sans que les deux « paroles » ou les deux « écritures » se rejoignent jamais vraiment comme en reflet de ce qui fut une liaison toute clandestine et toute elliptique pendant longtemps — jusqu’à ce que Bernard Pivot révèle dans une émission télévisée que le Jim dont parle Rolin en ses livres était bien Sollers.

Ainsi David Lodge serait Né au bon moment (Quite A Good Time to Be Born), premier volume de mémoires (1935-1975) qui paraît en poche chez Rivages. Et dès cette ligne de présentation il faudrait nuancer, comme toujours avec cet écrivain anglais aussi subtil et ironique qu’il est précis : oui, David Lodge écrit ses mémoires mais il n’est pas dans l’autocélébration empesée ou le nombrilisme, et ce qui frappe le lecteur dans les quasi 600 pages de ce livre c’est la modestie de l’écrivain, sa manière si particulière de lier sa vie à son œuvre comme à l’Histoire de son siècle, en une forme d’illustration singulière et d’exemplum — et ce, dès l’incipit : « je suis venu au monde le 28 janvier 1935, moment faste pour un futur écrivain né en Angleterre et appartenant à une famille de la classe moyenne la plus modeste comme la mienne, malgré les sombres menaces qui planaient sur l’Europe. Cela signifiait que j’aurais beaucoup de choses à écrire (…) ».
C’est d’abord un dispositif. Un comédien tend des cartes aux spectateurs des premiers rangs, retourne la carte tirée et y lit le titre de la scène à suivre. Le tirage au sort, chaque soir, rebat le lexique des scènes et désordonne le texte écrit. Le principe cardinal de la Poétique d’Aristote est l’enchaînement nécessaire des événements du drame qui « naissent les uns des autres » (γένηται δι᾽ἄλληλα) selon une loi de causalité. Dans Désordre d’Hubert Colas, ce principe fait long feu. L’ordre du spectacle est aléatoire : sa logique est la loterie d’un hasard systématique.
Il se passe quelque chose en ce moment et je dois retenir mon souffle pour en parler, je ne voudrais pas être submergé par mon lyrisme, j’aimerais être exact et précis, calme, « scientifique » pourquoi pas : pas facile quand il s’agit du sublime, de la question du sublime, sa possibilité, son existence, sa démonstration.

Tout semble se trouver dans la biographie de Thiphaine Samoyault qui vient de paraître en poche, chez Points : Le Barthes orphelin de père et épris de mère. Le Barthes atteint par la tuberculose et passant quatre ans dans des sanas. Le Barthes qui connaît une carrière disloquée dans les marges des champs universitaire et littéraire pour terminer par une chaire de Poétique au Collège de France. Le Barthes créant une version bien à lui de la savante sémiologie mais l’appliquant à des sujets à la portée de tous comme en ces Mythologies qui démontent les fantasmes des Français au temps du gaullisme. Le Barthes engagé qui défend le théâtre de Brecht et celui de Vilar, mais évite manifestes et manifestations, se disant marxiste non communiste tout en accompagnant Sollers en Chine au temps de la Révolution culturelle. Le Barthes à demi zen et ne redoutant rien tant que l’hystérie. Le Barthes plus attentif aux signes qu’aux choses et se donnant pour cible cette doxa qui régit toutes les conventions et toutes les régressions. Et tant d’autres Barthes encore qui ont assuré le rayonnement d’une figure intellectuelle majeure auprès des meilleurs spécialistes comme d’un public plus large.
La septième fonction du langage de Laurent Binet sort au Livre de Poche : Diacritik republie la critique de Johan Faerber parue au moment de la publication en grand format.

Ainsi David Lodge serait Né au bon moment (Quite A Good Time to Be Born), premier volume de mémoires (1935-1975) qui vient de paraître chez Rivages. Et dès cette ligne de présentation il faudrait nuancer, comme toujours avec cet écrivain anglais aussi subtil et ironique qu’il est précis : oui, David Lodge écrit ses mémoires mais il n’est pas dans l’autocélébration empesée ou le nombrilisme, et ce qui frappe le lecteur dans les quasi 600 pages de ce livre c’est la modestie de l’écrivain, sa manière si particulière de lier sa vie à son œuvre comme à l’Histoire de son siècle, en une forme d’illustration singulière et d’exemplum — et ce, dès l’incipit : « je suis venu au monde le 28 janvier 1935, moment faste pour un futur écrivain né en Angleterre et appartenant à une famille de la classe moyenne la plus modeste comme la mienne, malgré les sombres menaces qui planaient sur l’Europe. Cela signifiait que j’aurais beaucoup de choses à écrire (…) ».
La première fois ce fut à la télé, son visage calme et rayonnant, d’une grande beauté, face à Julia Kristeva. Il était question de Beauvoir et des Lettres à Sartre, c’était une émission de Pivot, je suis tombé amoureux, d’un coup, avant de la lire.
Déjà récompensé au début de la rentrée littéraire par le prix du Roman Fnac, Laurent Binet a reçu aujourd’hui le prix Interallié 2015 pour La Septième fonction du langage (Grasset). Retour sur le livre sous-titré «qui a tué Roland Barthes ?», primé 100 ans jour pour jour après la naissance du critique littéraire et sémiologue français.
Dans le tableau intitulé Il n’y aura plus de nouvelles annonciations, Musa reprend la forme d’une croix christique et met en scène des anges dans un jardin. Plusieurs couples d’anges, ou d’anges et humain(e)s, sont en train d’avoir des rapports sexuels. Sur l’axe central vertical est représenté par trois fois un ange agenouillé qui, étant donné le thème de l’Annonciation, évoque l’ange Gabriel mais en train d’enfiler un préservatif sur son sexe en érection selon les instructions d’un mode d’emploi rappelé en toutes lettres : « retirer soigneusement le préservatif de son emballage », « le préservatif doit être placé sur le pénis en érection », etc. Ce tableau se présente comme une tapisserie printanière en même temps qu’une œuvre religieuse, renvoyant à une réalité sexuelle (et médicale, sociologique, etc.) contemporaine ainsi qu’au style de certaines affiches de prévention du VIH que l’on peut voir en Afrique noire. Comme les autres œuvres de Musa, celle-ci construit un télescopage complexe de thèmes, de références, de discours, de procédés, de temporalités.
Du 14 au 17 octobre, se déroulera le colloque international « Inside Barthes. Barthes tel qu’en lui même », sous la direction de Colette Fellous et Tom Bishop, organisé par le Center for French Civilization and Culture conference de la New York University.
À travers ses doubles – Frantz Fanon, Jean-Luc Godard –, John Edgar Wideman mène dans Le Projet Fanon (Éd. Gallimard) son questionnement politique. « Tout n’est qu’une seule et unique chose, à jamais, le monde que je fabrique à partir de moi-même, le moi-même que le monde fait de moi. »
Dans les dernières années de sa vie, Roland Barthes caressait le doux et infini projet, toujours repoussé jamais accompli, d’écrire un essai qu’il désirait intituler La Phrase au cœur duquel, comme il s’en explique dans son Roland Barthes par Roland Barthes, il aurait traqué, parmi ses auteurs favoris, la phrase comme une savante érotique et une patiente idéologie. Sans doute ce même Roland Barthes serait-il aujourd’hui pour le moins surpris de se découvrir héros malgré lui de La Septième fonction du langage de Laurent Binet, un des romans parmi les plus plébiscités de cette rentrée littéraire, où pourtant ne figure paradoxalement pas l’ombre d’une phrase, pas l’amorce d’une écriture, pas même le ton inexpressif d’une quelconque voix : La Septième fonction du langage inventerait malgré soi le degré gelé de la Littérature, le degré moins un de l’écriture.
Dossier Barthes Livres
Roland Barthes voyage en Chine du 11 avril au 4 mai 1974, en compagnie de François Wahl et d’une délégation de Tel Quel, composée de Philippe Sollers, Julia Kristeva et Marcelin Pleynet.
Ils ont payé leur voyage, leur itinéraire est balisé, préétabli, fléché. Ce que Barthes appelle le « Tourisme de rois. Tout ce voyage : derrière la double vitre de la langue et de l’Agence », chargée d’accompagner les intellectuels occidentaux dans leur périple à travers la Chine, de traduire, mais aussi de faire écran.