Paru tout récemment aux éditions Ardemment, Affreville est le récit (ni fiction ni essai historique) jusqu’alors inouï du râle de la défaite qui a résonné sur la génération des familles des militaires français en poste en Algérie pendant la guerre d’indépendance. Ce texte dense, rythmé de séquences et tableaux montés entre eux comme les plans d’un film, dépasse largement le cadre habituellement dévolu au genre du « témoignage » et n’est surtout pas, il faut le dire tout de suite, un énième livre sur la guerre d’Algérie.
Claire Tencin
Les éditions Ardemment, créées en 2021, privilégient des fictions et essais d’autrices qui ont été « invisibilisées » au cours de l’Histoire mais aussi des textes plus récents, leur objectif étant de « constituer un matrimoine en vis-à-vis du patrimoine dominant ». Elles viennent de publier Affreville de Claire Tencin, un récit très singulier sur la guerre d’Algérie.
Qui connaît aujourd’hui Louise Colet, autrice du XIXe siècle, dont l’œuvre très éclectique a été couronnée de succès éditoriaux ? Juliette Adam, sa contemporaine, dont le traité politique Idées anti-proudhoniennes sur la femme, l’amour et le mariage de 1858 a osé démonter point par point la rhétorique misogyne de l’éminent socialiste Proudhon ? Qui connaît encore Alexandrine de Tencin, la mère de Jean d’Alembert, aussi libertaire que libertine, qui a tenu un célèbre salon au XVIIIe siècle et a produit quatre romans à la carrière européenne, republiés avec un égal succès jusqu’à la fin du XIXe siècle ? Comme tant d’autres autrices et artistes, elles ont été »invisibilisées » par le processus d’effacement des femmes dans l’Histoire, que le dénigrement et les jugements misogynes ont favorisé à dessein.
Ardemment éditions est une toute jeune maison créée en novembre 2020 avec deux titres féminins à son actif : La femme à cœur d’homme de Clotho et La Tencin, Femme immorale du 18e siècle de Claire Tencin.
Entrer dans les proseries de Lambert Schlechter, c’est comme entrer par effraction dans une maison aux portes grandes ouvertes au petit matin.
Sculptrice et autrice, Valérie Rossignol modèle très subtilement le corps des hommes dans son bel opus De terre et de chair paru chez L’Arbre Hominescent en 2019. Sous forme d’un diptyque « Homme de terre » et « Homme de chair », elle nous donne à voir la nudité masculine avec sensibilité et altruisme dans le rapport créatif qu’elle met en langue.
Avec ce nouvel essai de la collection « versant intime », La Forme du monde, Belinda Cannone poursuit sa lente ascension sur le chemin de l’expérience esthétique qu’elle a entreprise avec son essai S’émerveiller publié en 2017 chez Stock.
« Que l’on considère donc ce journal comme le lieu de la confession ; j’y exprime tout ce qui m’habite, tout ce qui me préoccupe, tout ce dont, d’une façon ou d’une autre, je sens l’urgence de me libérer. » Ainsi Curzio Malaparte, en s’inscrivant dans la tradition littéraire des confessions, instaure le pacte de lecture de son journal dans un fragment inaugural intitulé « Sens interdit ».
Corps et désir : Le silence dans la peau de Claire Tencin ou le hiatus de la langue maternelle (7/8)
Le très beau texte de Claire Tencin, Le silence dans la peau, enroule l’histoire de trois femmes, généalogie familiale sur trois générations échouées dans leur silence, le silence de la peau, le silence du désir, le silence de la mère : une mère aïeule qui doit se séparer de ses enfants pour jouir d’être une femme qui désire ; une mère qui doit renoncer au désir, qui déclare sa non jouissance de femme, une mère toute mère, infanticide et innocente ; une fille qui refuse la maternité, le devenir corps-mère, et qui par le récit fait advenir la mère avec la syntaxe du père moins le père.
À l’occasion de la parution des splendides Poèmes et antipoèmes de Nicanor Parra, l’écrivaine Claire Tencin a interrogé pour Diacritik Felipe Tupper, le maître d’œuvre de cette indispensable anthologie bilingue qui vient de paraître au Seuil dans la collection de Maurice Olender. Tencin et Tupper s’interrogent ici sur les arcanes de l’œuvre clef du poète chilien de 103 ans, enfin traduite en français par Bernard Pautrat.
Le neuvième roman de Laurent Gaudé, Ecoutez nos défaites, interroge la guerre, qu’elle soit, déclarée ou feutrée, dans le présent d’une Méditerranée bouleversée, submergée par ses identités particulières.