Sur Illusions perdues par Balzac & Giannoli (1837-2021)
Actuellement sur les écrans, l’œuvre repose de tous temps sur les rayonnages des bibliothèques et librairies.
Balzac
Tansonville encore. Gilberte y lit une nouvelle de Balzac, La Fille aux yeux d’or, récit d’une passion entre femmes. Avec l’intention, prétend-elle, de se porter à hauteur de la culture de ses oncles Guermantes. Suivra ce commentaire du roman : « “Mais c’est absurde, invraisemblable, un beau cauchemar. D’ailleurs, une femme peut, peut-être, être surveillée ainsi par une autre femme, jamais par un homme” ».
La mise en scène ne peut être évoquée dans le cadre d’une interrogation sur le roman sans poser tout d’abord cette loi fondatrice : la mise en scène porte une empreinte générique. Elle est liée à l’intime histoire du théâtre, et désigne, comme une violence, le permanent excès du texte de théâtre sur ce qu’il n’est pas : comme si la mise en scène était un théâtre moins le théâtre, l’instance critique d’une théâtralité qui se sait organisatrice de formes sans pour autant parfois vouloir toujours se montrer.
Avec cette création mondiale à l’Opéra de Paris, Luca Francesconi perpétue le héros balzacien dans un univers contemporain : en faisant de Vautrin un personnage dont l’esprit maléfique fait songer à Méphistophélès et la puissance quasi divine à Wotan, Luca Francesconi a transformé les personnages de Balzac en véritables héros. L’homme qui sert de pivot à cette pièce contraint par ricochet tous les protagonistes à se situer au même niveau, celui de la dévastation.
Sans doute notre contemporain est-il taraudé, secrètement, soudainement, par l’idée, impossible mais toujours vive, d’un contre-livre, d’un Livre nu et comme noir qui aurait compris dans l’envers négatif et comme néantisé de toute Littérature, qu’écrire, ce serait désormais écrire après tous les livres, bien après les bibliothèques, quand la dernière page du dernier livre a été tournée depuis longtemps et que tous les livres sont à présent refermés et rangés, irrémédiablement.
Jonathan Franzen l’écrivait en 1996 déjà, dans Perchance to Dream, un article publié dans le Harper’s : « Nous vivons dans une culture fortement binaire.»
« Quel est le but du cinéma ?
Que le monde réel, tel qu’offert sur l’écran, soit aussi une idée du monde.
Il faut voir le monde comme une idée, il faut le penser comme concret »
(Jacques Rivette, Les Cahiers du cinéma, 1963)