L’été arrivant, vous vous laisserez peut-être tenter, si la situation sanitaire le permet, par la visite d’un des nombreux musées consacrés à la Shoah, d’un lieu de mémoire en France ou à l’étranger, ou même par la découverte d’un des camps d’extermination, parmi lesquels Auschwitz-Birkenau est celui qui attire le plus de visiteurs chaque année.

Le « Seuil du jour« , d’hier pour nous, livre en accès gratuit le temps du confinement, est En Camping-car d’Ivan Jablonka, invitation au voyage, récit en mouvement d’un historien qui fut adolescent dans les années 80 et propose, dans ce récit de soi en mouvement, une forme d’« ego-histoire » un je serti dans une époque. Raconter ses étés en camping-car sur les routes d’Europe, c’est proposer une traversée tout autant spatiale que temporelle, redessiner la cartographie d’un « paysage intérieur » en mêlant l’intime et le collectif, réécrire son CV, en quelque sorte, CV pour Curriculum Vitae et Combi Volkswagen…

La disparition de Josef Mengele plonge avec brio dans l’intimité d’un monstre nazi en cavale en Amérique du Sud, en entrant dans le détail du quotidien d’abord flamboyant puis sordide du « médecin » d’Auschwitz, Olivier Guez met en lumière les complicités et la corruption des entourages et des états, tout comme la médiocrité et la banalité de Mengele. Le criminel nazi a échappé à la justice des hommes pendant près de quarante ans, mais aura tout de même été châtié ici-bas, en s’auto-dévorant. Retour sur le livre d’Olivier Guez, prix Renaudot 2017, vient de sortir au Livre de Poche.

Olivier Guez, auteur de la très documentée Disparition de Josef Mengele expose sa méthode, son intention littéraire et parle des problématiques qui ont présidées à la fabrication de ce roman de non-fiction, à l’atmosphère chirurgicale et qui sonne comme une prémonition, venue du passé. L’ouvrage, au moment où cet entretien a été réalisé, figurait sur la liste du prix Goncourt. Il a été couronné aujourd’hui par le Prix Renaudot.

Je tremble presque à l’idée de commencer ce texte, cette lettre que je t’adresse. Ce n’est pas exactement trembler, c’est une grande appréhension, un vertige, je sais aussi que tous ces mots, ceux déjà là et ceux qui s’annoncent, finiront peut-être à la corbeille, on verra. Je mesure tout le ridicule, le risque d’emphase et l’insignifiance peut-être de mon geste, sa vacuité, sa et ses vanité(s).

L’oubli du fascisme. Des millions de morts juifs. L’oubli des millions de morts communistes, tziganes, homosexuels, fous. L’oubli de la mort comme politique. L’oubli des corps battus, brûlés, gazés, fusillés. L’oubli des corps torturés. L’oubli que Jean-Marie Le Pen a commencé sa carrière en éditant des chants nazis. L’oubli que les fondateurs du FN sont des nazis, des collaborateurs, des pétainistes, des négationnistes. L’oubli que les piliers historiques du FN sont toute l’extrême-droite française, les néofascistes et néonazis français et européens. L’oubli du racisme et de l’antisémitisme. L’oubli du fascisme comme politique actuelle. L’oubli que la politique du FN est une politique de mort.

« Évidemment, l’Holocauste pose problème à tous ceux qui se penchent sur la question. » Peut-on encore écrire sur ce passé qui conditionne nos modes de pensée contemporains ? Telle est la question centrale du roman-monde publié par l’écrivain islandais Eiríkur Örn Norđdahl, Illska (Le Mal) dans une traduction d’Eric Boury, qui sort en poche chez Points.

Comme si la chose allait mieux une fois dite, l’usage éditorial veut que figure sous le titre d’un livre la mention de son appartenance. L’usage aime le genre. Ainsi du mot roman. Avant même d’entamer la lecture, ignorant tout de ce qui en constituera l’expérience, aura-t-on vu ce mot qu’un horizon se tracera pour laisser supposer ce qui nous attend.
Ce pourrait être le cas au vu de l’élégante couverture bicolore de format carré du livre qu’on vient de lire, qu’on a posé devant soi avec cette conviction, rare et troublante, qu’il est de ceux qui ne se referment pas. Le mot roman s’y trouve effectivement, écrit en petites lettres noires enlevées sur un gris pâle, juste au-dessous du titre, L’interdit, lui-même suivant le nom de son auteur. Un nom inscrit là sobrement, sans prénom, exposé, comme livré à lui-même, confié à un passage d’encre noire sur fond blanc.

L’écrivain Elie Wiesel est mort aujourd’hui. Né en 1928 en Roumanie, naturalisé américain à la fin des années 60, il avait été déporté en mai 1944, à Auschwitz puis Birkenau. Il avait 15 ans. Rescapé des camps, où il perd une grande partie de sa famille, il écrira La Nuit, récit de sa déportation, de la survie, de l’indicible.

« Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait », Mark Twain : C’est sur cette épigraphe (citation tirée des Aventures de Huckleberry Finn) que s’ouvre le dernier roman du couple Schwarz-Bart, L’Ancêtre en solitude, histoire d’un livre posthume qui aurait pu ne voir jamais le jour.