Quand on connaît l’œuvre d’Ananda Devi, qu’on a lu Indian Tango, Le Rire des déesses, Pagli, qui vient de sortir en poche, ou Le Sari vert, pour ne citer que ceux-là, on sait que son nouveau roman sera inévitablement l’un de ceux à ne pas manquer, ce que Le jour des caméléons confirme.
Ananda Devi
Dans l’essai qu’elle consacre à Ananda Devi, Cécile Vallée insiste sur la notion d’hybridité, qui concerne déjà l’origine de l’auteure mauricienne : « arrière-petite-fille d’immigrés indiens », qui a « baigné dans plusieurs cultures et plusieurs langues ». Est aussi soulignée sa double activité d’écriture : littéraire et universitaire. Cette double casquette éclaire les thématiques qu’elle privilégie et explore avec une connaissance des milieux qu’elle met en scène : l’identité et le communautarisme dans une société multiculturelle.
« C’est un livre et puis c’est tout ». C’est ainsi qu’Alice Zeniter conclut le « préliminaire » de Toute une moitié du monde après avoir annoncé que ce ne serait ni un essai ni une « rêverie », terme qui sans renvoyer à un genre codifié comme l’essai, ne convient pas plus à ce qu’elle nous propose. De même, Sylvia P. d’Ananda Devi n’est ni une biographie, ni un roman, ni un essai sur la poétesse Sylvia Plath mais tout cela à la fois. Bref, ce sont deux livres et puis « c’est tout ». C’est effectivement « tout », tout ce qui concerne la littérature : la lecture et l’écriture, le réel et la fiction. Ces deux lectrices-écrivaines, écrivaines-lectrices nous offrent deux livres hybrides tout aussi passionnants l’un que l’autre.
Dans le préambule de son recueil de nouvelles L’Illusion poétique (2017), Ananda Devi affirme : « aujourd’hui, plus que jamais la littérature est un combat nécessaire ». Ses deux dernières œuvres s’inscrivent avec force dans ce combat : elle en expose les grandes lignes à travers le récit de son parcours d’écrivaine dans Deux malles et une marmite et le met en œuvre dans son roman Le rire des déesses.
Témoignages ou fictions ? Dans un article récent, j’ai présenté le récit de Monia Ben Jémia, paru à Tunis en ce début d’année et deux fictions algériennes. De nombreuses réactions de lectrices m’ont rappelé que, depuis ce dernier quart de siècle, les fictions francophones étaient nombreuses à suggérer ou décrire une situation incestueuse et ses dégâts durables. On pourrait rappeler L’Enfant méduse de Sylvie Germain en 1992. Mais ce sont les œuvres francophones qui me parlent et dont je veux parler…