Juliette Adam : Une féministe contre Proudhon

Pour tenter de contrer une domination masculine évidente non pas seulement sur le terrain de la politique et de l’économie mais aussi sur celui de la culture, le désir de constituer un matrimoine a récemment fait l’objet de mobilisations actives dans des domaines aussi divers que scientifiques, artistiques ou littéraires. Il s’agit de tirer de l’anonymat des savantes, des créatrices ou des femmes de lettres en invitant à considérer la valeur de leur travail, trop souvent négligée, voire masquée, par une société patriarcale condescendante.
La jeune maison d’édition ardemment (sans majuscule) s’inscrit dans cette démarche avec sa collection « Les Ardentes » qui se donne pour but de rendre visible des textes de femmes oubliés ou devenus inaccessibles non pas du fait de leur importance mineure, mais tout simplement en raison d’une infériorisation injustifiée de leurs autrices dans une société où les préjugés différentialistes demeurent. En les présentant dans une version modernisée mais respectueuse de l’original, les éditions ardemment visent à mettre en relief la pertinence toujours actuelle de ces ouvrages pour une plus grande compréhension de notre modernité et son ouverture vers des pistes de réflexion inhabituelles sans occulter leur dimension de témoignage historique. Le souhait est aussi que la qualité de la langue, à laquelle ces écrivaines ont recours, et la force de leurs conceptions puissent être appréciées par un lectorat d’aujourd’hui. Ces autrices osent s’affirmer comme des sujets libres capables de prendre la parole pour interpréter les évènements de leur temps et revendiquer leurs droits comme Louise Colet dont La Vérité sur l’anarchie des esprits suivi de Edgar Quinet, l’esprit nouveau (1871-1875) ont été republiés en avril 2022 par les éditions ardemment.

C’est dans ce cadre qu’en janvier 2023 paraît Une féministe contre Proudhon de Juliette Adam — connue aussi sous les noms de Juliette Lamber ou de Juliette La Messine — qui échafaude un projet sociétal audacieux. Ce pamphlet d’une toute jeune femme, paru en 1858 sous le titre Idées anti-proudhoniennes sur l’amour, la femme et le mariage, a nécessité un remaniement dans la présente édition pour en faire ressortir les idées originales, accompagnée d’un appareil critique ayant pour but d’éclairer la dimension philosophique du texte et son actualité par des rapprochements avec des pensées contemporaines. C’est pourquoi cette édition méritait un nouveau titre.

Comment considérer un programme de société qui se réclame de la justice et qui, dans le même temps, consent, voire se fonde, sur la soumission des femmes ? Cette conception de la République ne constitue-elle pas une supercherie ? L’évolution positive de l’humanité peut-elle s’accomplir autrement que dans la reconnaissance de la nécessité d’une réelle mixité genrée ? Telles sont les interrogations principales de Juliette Adam dans ce plaidoyer féministe qu’elle offre à la publication en 1858. Elle a alors 18 ans seulement. Mais elle a su tirer de l’enseignement de son père, lecteur de Fourier et de Saint-Simon, une croyance profonde dans les valeurs de l’égalité et du progrès, ainsi qu’un art solide de l’argumentation.

Le contexte historique, pendant lequel ce premier écrit de jeunesse est élaboré, est particulier. La vague émancipatrice de la Commune de Paris n’est déjà plus d’actualité. Sous l’Empire, les mouvements favorables à la liberté et à la solidarité s’étiolent. Pierre-Joseph Proudhon vient de faire paraître, le 22 avril 1858, un gros livre intitulé De la Justice dans la Révolution et dans l’Église, dont le caractère est ouvertement phallocratique. Le père de l’anarchisme a déjà rencontré, en 1848, la désapprobation de plusieurs femmes, qui refusent de ne voir « dans le socialisme qu’un simple problème d’économie politique » et en concluent que si « la propriété, c’est le vol », l’appropriation des femmes par le chef de famille « c’est le viol », et donc « la plus inique des propriétés », comme l’affirme avec force Jeanne Deroin, ouvrière qui, avec l’appui de quelques démocrates, a l’audace de se présenter aux élections de 1849, pour réclamer le suffrage universel. Mais dans les années 1850-1860, comme la plupart des activistes de 48, dont Victor Hugo, elle sera contrainte à l’exil. Proudhon, qui est à l’origine de l’éradication de sa candidature, déclare sans ambiguïté son intention de forger l’idéologie socialiste sans l’égalité des sexes. Il est une autorité charismatique incontestée dans les courants de la gauche et auprès du prolétariat. Seul-e-s- quelques-uns ou quelques-unes s’opposent à lui, dont Étienne Storm qui juge sa pensée comme un retour des plus vulgaires à la tradition. C’est pourtant contre cette figure politique majeure que Juliette Adam ose s’élever. Elle avoue, en un premier temps, son admiration pour les idées maîtresses de Proudhon. Elle connaît bien ce philosophe. Elle a lu sa critique du socialisme autoritaire et marxiste, son rejet de l’étatisme, mais aussi sa dénonciation de la démocratie libérale et de la propriété privée. Elle fait référence à son idéal d’une économie de solidarité et d’un projet de reconstruction « du social par le social » par l’autogestion, la mutualité des sociétés ouvrière ou les banques du peuple, etc. De La Justice dans la Révolution et dans l’Église aurait été un grand texte rédigé en « un style incomparable », si leur auteur ne s’était pas laissé aller à des « injures les plus brutales et les plus grossières » contre les femmes et principalement contre celles qu’elle admire le plus : George Sand, la grande républicaine, et Daniel Stern, maîtresse de Franz Liszt plus connue sous le nom de Marie d’Agoult, à qui l’on doit La Révolution de 1848. L’ennemi du père de l’anarchisme est la femme émancipée, atteinte de « nymphomanie intellectuelle », qui imite les manières masculines, la « virago », la femme de lettres, dont George Sand est, à ses yeux, le « détestable prototype ». « Cette femme écrit comme elle pisse. » « Qui donc me délivrera de cette femme ? […] Je ferai justice de cette vieille catin », écrit-il. George Sand devrait être punie de s’habiller en homme, de fumer des cigarettes et de courir toute l’Europe avec ses amants.

Juliette Adam sollicite Jenny d’Héricourt, saint-simonienne féministe et socialiste avérée, adversaire de Proudhon, pour se lancer dans l’entreprise d’une condamnation claire. Mais face au désaccord de celle-ci, elle décide, avec l’aide de Charles Fauvety, directeur de la Revue philosophique de se confronter elle-même au défi. « Laisser de telles injures sans les relever » serait « abominable ». « Il faut que, femmes, elles soient défendues par une femme. » La misogynie déchaînée de Proudhon ne représente pas, selon elle, un élément isolé de sa pensée. Elle est inhérente à la nouvelle organisation qu’il promeut. Aussi c’est sur le terrain de la philosophie, de l’économie et de la politique qu’Adam engage sa défense des femmes, en ciblant les incohérences et les paradoxes du système proudhonien. Elle a conscience du caractère délicat de sa situation sociale et intellectuelle, puisque les institutions de son époque ne lui ont pas permis de faire d’études. Elle souligne même, non sans ironie, cette infériorité de départ : « M. Proudhon représente la force, puisqu’il est homme ; moi, la faiblesse, puisque je suis femme ». Mais la force, selon elle, ne constitue pas la valeur supérieure. Au-dessus d’elle, il convient de placer la vérité. Et en matière de vérité, l’humilité a la qualité du bon sens et du courage requis pour mener avec persévérance des combats justes. Fruit d’un travail acharné, son livre est terminé au bout de deux mois comme elle le raconte dans son ouvrage autobiographique Mes premières armes littéraires et politiques : « Deux mois durant j’écrivis, je recopiai, je remaniai, je refis mon petit livre la nuit, en secret, m’enfermant dans ma chambre où j’étais seule avec ma fille, mon mari plus occupé de l’une de nos servantes que de moi ». L’accueil mitigé de celui-ci (il essuie le refus de huit des plus grands éditeurs parisiens), n’empêche pas l’écrivaine de l’envoyer à Proudhon avec la dédicace humoristique : « Une jolie femme à un malotru ». George Sand apprécie les Idées anti-Proudhoniennes et le fait savoir, en commandant à la Revue des Mondes d’écrire un article sur ce texte. Le Journal Le Siècle annonce : « Un livre destiné à produire une grande sensation », « On le dit d’une très jeune femme, quoique très viril ». C’est à partir d’un quiproquo amusant que débute la relation de Juliette alors épouse La Messine avec Daniel Stern. Souhaitant exprimer à l’auteur des Idées anti-Proudhoniennes son estime, la comtesse d’Agoult manifeste une surprise face au pseudonyme qu’il aurait choisi : « Il est étonnant, monsieur, que vous ayez pris un nom de femme, quand, nous femmes, nous choisissons des pseudonymes d’hommes ». Juliette La Messine lui répond que de pseudonyme il n’est pas question.

Juliette Adam

Dans son pamphlet philosophique et féministe, elle explique que le défaut majeur de la réflexion proudhonienne est d’avoir affirmé que la justice suffit à tout, l’amour, l’idéal et la religion devant être éradiqués de la société. Cette thèse simpliste, née d’une « froideur cérébrale », est l’expression, selon elle, d’une anthropologie mutilée, qui identifie le sujet à la raison en prônant une séparation avec les affects perçus de manière péjorative. Cette anthropologie est elle-même associée à une conception hiérarchique de la différence des sexes. Cautionnant les préjugés les plus archaïques hérités d’Aristote et de la patristique sur la supériorité des hommes, du fait de leur rapport plus étroit à la force et à la raison, et l’infériorité des femmes, de par leur lien plus important au corps et aux affects, Proudhon est, au fond, bien moins moderne qu’il ne le prétend. Pour lui, la femme n’est qu’un moyen terme entre l’homme et le singe. L’homme seul peut prétendre à la citoyenneté ainsi qu’aux charges de commandement domestique et politique. L’imperfection essentielle de la femme la condamne au contraire à servir. Dans son Programme révolutionnaire (1848), Proudhon défend une représentation hiérarchique de la famille conçue comme une propriété de l’ouvrier et condamne le travail des femmes. Selon le père de l’anarchisme, la destinée des femmes ne peut s’accomplir que dans l’espace privé. Entre la courtisane et la ménagère, il n’y a pas de milieu. Le congrès de Genève de 1866 reprendra des arguments proches qui emporteront une adhésion massive. Comme le montre Michèle Riot-Sarcey, dans La Démocratie à l’épreuve des femmes, la famille et la femme ont généralement été estimées comme les propriétés de l’homme par les Républicains-socialistes : « Unité sociale fondamentale, la famille est la seule richesse véritable concédée aux hommes déshérités […] Fonder la citoyenneté sur la propriété, c’est imposer à tous ceux qui n’ont rien un rapport possessif, plus que hiérarchique, dans la famille. En l’absence de travail, la famille est devenue l’unique propriété des prolétaires. Un modèle de représentation politique est ainsi institué : la mère, devenue le pendant indispensable du citoyen, ne peut accéder ni à la liberté ni à l’égalité ».

Adam s’attache à déconstruire ces sophismes sur l’infériorité naturelle des femmes tant d’un point de vue physique, que moral ou intellectuel. Leur appropriation par la puissance maritale constitue une injustice criante, selon elle, mais elle ampute aussi l’humanité de plus de la moitié de ses capacités productrices et créatives. La pensée de l’écrivaine ne s’arrête cependant pas à cette étape critique. Elle est aussi constructive. Contrairement à Proudhon, Adam affirme que la maternité et la conjugalité relèvent d’un choix et non d’un destin ni d’une nature. Il y a de nombreuses femmes qui optent pour le célibat et qui décident de ne pas avoir d’enfants.  « Le rôle de la poule couveuse est très respectable sans doute, mais il ne convient pas à toutes et n’est pas aussi absorbant qu’on veut bien le dire. » Ces rôles facultatifs sont, d’autre part, transitoires et nullement exclusifs de la participation à la vie active. La société n’a jusqu’à présent considéré les femmes que du point de vue des intérêts masculins (plaisir ou profit). Dans l’avenir, elles seront reconnues comme des sujets autonomes, susceptibles de montrer leur propre valeur et aptes à élaborer leur propre loi. Pour cela, il faut changer l’institution des filles qui doit avoir pour but de former un sujet instruit et capable de se gouverner soi. L’éducation professionnelle, qui vise à élargir le champ des activités féminines en réduisant les différences entre hommes et femmes, y prend une place majeure.

Les réflexions politiques d’Adam peuvent apparaître comme une utopie ou comme le souhait d’un socialisme futur plus cohérent avec ses valeurs fondamentales et indissociable de la reconnaissance d’une égalité des sexes. Pour Adam, une distinction entre deux formes de socialisme s’impose : un socialisme froid, qui est celui de Proudhon et qui se réfère exclusivement à la raison et à la justice dans son aspect formaliste et gestionnaire, et un socialisme, qui accueille à côté de l’exigence d’équité, les vertus morales de l’amour et de la compassion. Le bonheur de la communauté sociale demande une complémentarité des fonctions de justice et d’amour, qu’il n’y a pas lieu de hiérarchiser. C’est bien dans la négligence de la valeur de l’amour que réside l’erreur politique majeure de Proudhon. Ce fonctionnalisme prouve la place centrale des femmes dans la vie collective, morale et politique. Comme l’écrit Adam « Les institutions du présent et de l’avenir sont des institutions de mutualité, de garantisme, de charité. Elles ont surtout pour but de répandre le savoir, de généraliser le bien-être, de garantir l’existence individuelle par le secours de la communauté, de secourir la faiblesse, l’infirmité, la maladie. Les institutions de cette nature réclament, bien plus que celles des phases antérieures, le concours de la femme. » Ainsi l’éducation, la médecine, l’administration publique et la justice demandent à s’ouvrir à la mixité. La connaissance, que les médecins ont du corps, est générale et n’est pas toujours adaptée au corps singulier de chacun. Cela est d’autant plus vrai du corps des femmes, dont la pleine intelligence ne peut revenir à des hommes. D’où la nécessité d’instituer un doctorat en médecine pour les femmes qui ne sauraient être limitées au rôle de sage-femme mais qui doivent commander. De même la constitution exclusivement masculine des membres du jury lors d’un procès est très contestable. Elle ne permet pas de représenter la société sous son double aspect : « Comment envisager qu’une jeune fille, par exemple, puisse être jugée équitablement par des hommes, qui ne peuvent se mettre à sa place et éprouver les choses d’une manière identique à elle ? La présence de femmes dans le jury n’est-elle pas cruciale dans des situations telles que le viol ou l’infanticide ? ».

On pourrait éprouver une réticence face à ce fonctionnalisme en y décelant une sorte de stratégie féminine de pouvoir et la résurgence d’un différentialisme dont les mentalités du XIXe siècle parviendraient décidément difficilement à se débarrasser. Pourtant, Adam reconnaît clairement la possibilité d’une interchangeabilité fonctionnelle entre les sexes. Si la société comprend des fonctions mâles et femelles, si elle fait appel conjointement à la justice rationnelle et à la sollicitude pour former une morale et une politique complètes, on ne saurait prétendre pour autant que les fonctions de justice renvoient exclusivement aux hommes ni celles de sollicitude seulement aux femmes. Les qualités dites féminines ou masculines, parce qu’elles se réfèrent à des assignations sociales de genre, sont mobiles et substituables d’un individu à l’autre. L’expérience concrète suffit à démentir une telle croyance en l’uniformité genrée. Ainsi, pour la force, il y a des femmes bien plus robustes que certains hommes. Il en va de même des sentiments. La compassion ou la sensibilité sont parfois plus grandes chez un homme que chez une femme, comme la sévérité et la fermeté sont par moment plus manifestes chez une femme que chez un homme. Ce qui compte pour la communauté c’est que les fonctions de justice rationnelle et de sollicitude puissent s’équilibrer et se compléter en étant également accomplies par l’un ou l’autre sexe. Comme l’affirme très clairement Adam, les rôles des hommes et des femmes n’ont pas être décidés à l’avance par la société ou l’éducation. Ils doivent pouvoir incomber au libre choix de chacun-e et être accessible à toutes et à tous et selon les préférences et les compétences. Avec le progrès rapide des techniques dans le domaine du travail, les femmes pourront bientôt accéder à tous les métiers, y compris à ceux qui requièrent le plus de force physique : « Les machines transforment les métiers et les féminisent en les égalisant ».

Le texte de Juliette Adam frappe par son audace et son plan précis de société plus humaine et plus généreuse indissociable d’une émancipation des femmes. Des proximités sont envisageables avec certains courants philosophiques et sociologiques contemporains. On peut songer notamment aux pensées du care, initialement apparues, aux États-Unis, grâce aux écrits de Carol Gilligan. Dans son ouvrage Une voix différente. Pour une éthique du care (1986), Carol Gilligan formule l’hypothèse d’une conception morale différente mais non explicitement indexée à un genre sexué, contrairement à l’interprétation essentialiste qui a souvent été faite de son travail. Elle distingue à ce titre l’éthique du care et l’éthique de la justice et ouvre un débat capital entre une moralité centrée sur la mise en œuvre des lois, où l’impartialité et l’objectivité occupent une place majeure, et une moralité exprimée d’une « voix différente » reconnue le plus fréquemment dans l’expérience des femmes, mais pas seulement, et causée par un souci de maintenir des relations humaines interpersonnelles. Cette moralité ne se fonde pas sur des principes universels mais part de cas particuliers. Elle s’accomplit non pas dans une théorie mais dans une pratique, dans une action ou plus précisément dans un travail. Dans Un monde vulnérable : pour une politique du care (2009), Joan Tronto montre que la distinction entre la justice rationnelle et les sentiments, ainsi que leur indexation respective au domaine public et masculin, pour la justice rationnelle, et au domaine privé et féminin, pour les affects et l’éthique de la compassion, ne vont pas du tout de soi, mais qu’ils relèvent d’une construction théorique initiée en grande partie par le kantisme au XVIIIe siècle, dont Proudhon est l’héritier, et que l’on voit ressurgir au XXe siècle, à certains endroits de La Théorie de la justice de John Rawls, à laquelle les adeptes de l’éthique du care s’opposent globalement. Joan Tronto indique, dans cet ouvrage, que cette philosophie morale de tradition kantienne prend sens dans un contexte historique et socio-économique précis. Son apparition est étroitement liée à l’émergence de la bourgeoisie et de la société de marché, où l’individu est atomisé et détaché des liens aux communautés naturelles et affectives. À côté de cette tradition de l’autonomie morale et de la justice rationnelle, qui sert souvent encore de modèle dominant au XIXe siècle et jusqu’au XXe, il importe de reconnaître l’importance de morales des sentiments, qui revêtent une teneur philosophique non moins négligeable et qui ancrent l’éthique et la justice non pas seulement dans la raison objective mais principalement dans la sympathie et la sollicitude. Au XXIe siècle, dans une société de plus en plus fragilisée et précarisée, confrontée au chômage et à l’exclusion, aux guerres, aux migrations, ainsi qu’au recul de l’État providence, au profit du capitalisme financier, l’extension du domaine du care à l’organisation politique elle-même apparaît nécessaire pour la sauvegarde d’une démocratie réelle. Ces idées étaient déjà énoncées par Juliette Adam deux siècles auparavant dans un style différent. L’urgence de les entendre n’a fait que s’accentuer au fil du temps.

Juliette Adam, Une féministe contre Proudhon, Postface d’Isabelle Krier, Éditions ardemment, collection les Ardentes, janvier 2023, 130 p., 14 €