Personne n’est élu a priori, ni historiquement, ni géographiquement : on ne choisit pas le lieu de sa naissance ni ses parents. Mes parents n’ont pas décidé à l’avance la couleur de mes yeux (ni mes résultats en classe). Mon caractère timide n’a pas été coché sur une grille d’évaluation. D’où il s’ensuit que le hasard est plus fort que l’élection, laquelle est réduite à un minuscule rectangle blanc (bulletin de vote).
L’homme qui sort de sa boîte (urne), tel un Christ ressuscité élu pour seulement cinq ans, comment le croire ? Comment croire à son message émancipateur ?
Personne ne peut croire à ce dispositif artisanal et fabriqué : un rideau, une signature, et BING ! Voici que Jésus se met à exister en chair et en os un beau soir du mois d’avril. Le soir du second tour, au sein des familles (partis, syndicats, non encartés et non concernés), on se souviendra de la formule A VOTÉ comme on s’est souvenu d’avoir prononcé AMEN, en s’étranglant, quand on était petit.
Voici le Sauveur venu résoudre nos problèmes pour une durée de cinq ans, prendre les clés du Palais cinq ans ! (C’est long). Le message est tellement glorieux que chaque Président croit posséder une origine divine, parmi autant de brebis qui affluent sous sa coupe (auréole). Il arrive parfois, cependant, que l’une d’elle se perde, s’échappe, sorte du troupeau pour aller se faire élire quelque part dans un autre champ, un enclos plus accueillant. La logique des partis est moins divine que la précipitation individuelle, parce que Dieu, au sommet, fut élu de tout temps (alors que la petite brebis fait des efforts pour grimper).
Le culte de la personnalité est réservé.
Jamais un nourrisson issu du magma maternel (sang, patience, accouchement), ne peut s’imaginer qu’il sera un jour grand et craint comme Alexandre Le Grand, idiot et violent (Staline), moustachu (Hitler), énarque ou menuisier (Macron, Jésus stagiaire de Joseph). La course au pouvoir est par conséquent semée de complications, de retards, de bifurcations…
Ainsi le chat qui court vers l’oiseau, attrape finalement une souris, joue avec elle, la laisse à moitié morte, ignore que s’il était un homme, son mouvement le conduirait aux marches du pouvoir. Un mouvement ascendant, sinon c’est la crainte de la mort qui guette, la sieste éternelle chez grand-mère ou devant le feu de cheminée. L’être humain ambitieux n’est pas adapté au ronronnement permanent, il a besoin de franchir des étapes (monter les escaliers sans regarder sa montre). Une fois au sommet, il ne peut plus redescendre.
Cela n’a rien à voir avec l’ÉLECTION (le charme, la beauté, l’intelligence), mais plutôt avec la PULSION : il faut le vouloir et il arrive que ça marche.
Sur les bancs de Sciences Po, en première année, François Hollande s’était fait chambrer par ses camarades… pour se venger, il leur a affirmé qu’il serait un jour élu Président (BING ! ça a marché !).
L’élection correspond donc à une volonté consciente, violente, d’être plus fort que ses camarades. Il n’y a aucune raison que la chance se pose sur une tête plutôt qu’une autre. Toute auréole est disponible, il suffit de l’attraper au bon moment.